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lundi 31 août 2015

Venus d'ailleurs de Paola Pigani

 

Date de parution : août 2015 chez Liana Levi
Nombre de pages : 168


Très beau un roman sur le drame de l'exil.
Deux jeunes réfugiés kosovars, Simona, 20 ans, et son frère Mirko, 22 ans, fuient leur pays en guerre et se retrouvent à Lyon après une marche dans la boue jusqu'à l'Italie avec un passeur et un séjour dans un centre d'accueil de demandeurs d'asile. Leur désir le plus cher est d'obtenir le statut de réfugié et un permis de travail.
Leur frère est resté au pays avec son fils, né en pleine guerre, que Mirko adore.

Deux personnalités très différentes, l'une extravertie, l'autre plus introverti et deux façons de vivre leur arrivée en France.
Simona a une volonté farouche de s'intégrer, de sortir vite du statut de primo arrivant, de ne plus être globalisée dans l'expression "Gens de l'Est", elle travaille dans un magasin discount de vêtements. La maîtrise de la langue française est un enjeu capital pour elle.

La guerre du Kosovo est évoquée au travers de quelques souvenirs qui émergent de temps en temps pour nous éclairer sur ce qu'ils ont vécu dans leur pays sans aucun sensationnalisme, juste des petites touches.

L'atmosphère de Lyon et de sa banlieue est parfaitement rendue avec le quartier de la Guillotière, le Vieux Lyon, les bouchons....
L'auteure nous fait rencontrer un vieux libraire de St Jean, un vieux travailleur émigré italien, des enfants rom, un collègue de chantier mort d'accident, des graffeurs...autant de portraits finement ciselés en quelques phrases.

Simona fait tout pour s'inscrire dans un avenir en France, essayant de ne pas penser à ce qu'elle a vécu dans son pays. C'est beaucoup plus difficile pour Mirko malgré sa rencontre avec Agathe et leur histoire d'amour, elle aussi finement distillée par petites touches. La nostalgie du pays ne le quitte pas.

C'est le second roman de Paola Pigani dont le talent se confirme ici avec toujours son écriture poétique et sensible qui nous porte, toute en délicatesse. Toujours une extrême sensibilité pour évoquer les sentiments avec un ton très juste.



Citations
"Auvergne que voulait dire ce mot? Mirko et Simona ne connaissaient que Paris.
La ville où étaient nés tous les grands hommes d'Europe et les principes de liberté, égalité, fraternité, à en croire leurs professeurs." "


"A commencé la longue route de la perte. Les exactions au village, la grand mère brûlée dans la ferme. Le père assassiné sous leurs yeux, les doigts de Mirko arrachés par la haine. La famille démembrée comme le Kosovo."


3ème contribution au Challenge 1% Rentrée Littéraire 2015










Lu du même auteur




dimanche 30 août 2015

Manderley Forever de Tatiana de Rosnay





Date de parution : février 2015

Pour écrire cette biographie de Daphné du Maurier, Tatiana de Rosnay est retournée sur les lieux où celle-ci a vécu, a consulté les nombreuses lettres qu’elle a écrites à ses amis et à sa famille et a eu accès à son journal intime qu'elle a tenu de 12 ans à son mariage à 25 ans.
Née en 1907, dans un milieu très privilégié, Daphné du Maurier a un illustre grand père paternel français, peintre caricaturiste et écrivain. Son père est un acteur de théâtre célèbre, elle entretient avec lui une relation très forte alors que sa relation avec sa mère est distante et difficile.
Daphné du Maurier éprouvait une véritable fascination pour la France et Paris puis pour Fowey en Cornouailles où elle aimait se retrouver seule.
Elle commence par écrire des nouvelles, des poèmes, ses écrits sont noirs et lugubres. Elle s'inspire énormément de sa chère Cornouailles.
Elle loue la maison qui la fascine en Cornouailles et voue une vraie passion pour ce manoir qui a donné naissance à Manderley dans "Rebecca".
On découvre grâce à Tatiana de Rosnay comment naît l' inspiration, on assiste à la naissance d'un écrivain, on sent l'importance, pour pouvoir écrire, de l'envie, de l'inspiration, des lieux, de la pièce où s'installer pour écrire... L'auteur insiste beaucoup sur la lutte permanente de Daphné du Maurier pour ne plus être cataloguée comme auteur romantique.
L'auteur nous rend cet écrivain sympathique, elle est orgueilleuse, moderne, indépendante, c'est une femme libre, qui a un goût très prononcé pour la solitude et un humour pince-sans-rire. Mais c'est aussi une femme sujette à la nostalgie, voire à la dépression, le fameux « ruban noir » qui atteint certains membres de sa famille.

J'ai trouvé cette biographie intéressante, très documentée mais parfois un peu longue. Par contre, j'ai été déçue par l'écriture de Tatiana de Rosnay que j'ai trouvée très ordinaire.





samedi 29 août 2015

Pas pleurer de Lydie Salvayre


Date de parution : août 2014 au Seuil
Nombre de pages : 288

Prix Goncourt 2014

Deux voix entrelacées dans ce roman. Celle, révoltée, de Georges Bernanos, témoin direct de la guerre civile espagnole, qui dénonce la terreur exercée par les nationaux avec la bénédiction de l'Église catholique contre les « mauvais pauvres ». Son pamphlet, "Les grands cimetières sous la lune", fera bientôt scandale. Celle, de Montsé, mère de la narratrice et « mauvaise pauvre », qui, soixante-quinze ans après les événements, a tout gommé de sa mémoire, hormis les jours radieux de l'insurrection libertaire par laquelle s'ouvrit la guerre de 36 dans certaines régions d'Espagne, jours que l'adolescente qu'elle était vécut avec candeur et allégresse dans son village de haute Catalogne.
Deux paroles, deux visions...Lydie Salvayre oscille entre violence et légèreté, entre brutalité et finesse.
En utilisant le fragnol, mélange de français et d'espagnol, elle va donner au récit une légèreté qui contrebalance sa dimension dramatique.
La prouesse de Lydie Salvayre, dans ce magnifique hommage à sa mère, est de rendre relativement légère la lecture de cette période monstrueuse unique en Europe
Livre bouleversant et émouvant.


Citations
"On peut donc tuer des hommes comme on le fait des rats ? Sans en éprouver le moindre remords ? Et s'en flatter? Mais dans quel égarement, dans quel délire faut-il avoir sombré pour qu'une "juste cause" autorise de telles horreurs?"

"Shopenhauer déclara en son temps que la vérole et le nationalisme étaient les deux maux de son siècle, et que si l'on avait depuis longtemps guéri du premier, le deuxième restait incurable."

vendredi 28 août 2015

Danser les ombres de Laurent Gaudé



Date de parution : janvier 2015

Gros coup de cœur pour ce livre qui se lit d'une traite...
Laurent Gaudé nous brosse le drame du tremblement de terre à Haïti en 3 actes : d'abord une magnifique description de la vie à Haïti, puis les 35 secondes du tremblement de terre nommé le Goudou Goudou par les survivants, puis les suites immédiates de la catastrophe.
Il recrée dès les premières lignes l'atmosphère si particulière de cette île avec le marché, les commerçants hauts en couleur, les esprits... Les personnages, tous très forts, sont campés d'emblée, on assiste à un combat de coqs, à une partie de dominos bien animée... Il évoque les manifestations qui ont eu lieu quelques années avant contre la dictature, la torture qui a sévi. On se régale des noms pittoresques des différents personnages : prophète Coicou, facteur Sénèque, Jasmin Mangecul, Ti sourire, Ti Poulette...
La montée en puissance est magnifique, la description du tremblement de terre est très réaliste, puis on assiste à l'hébétude, la solidarité des survivants après la catastrophe.
Je suis pourtant très cartésienne mais j'ai aimé la dernière partie qui a pu gêner d'autres lecteurs lorsque le monde des vivants et celui des morts se mélangent, les morts, dérangés par le tremblement de terre, sortant des failles engendrées par les secousses. J'ai même trouvé la marche et la danse finale très belle, poétique, voire lyrique. Que les personnes qui, comme moi, hésitaient à lire ce roman à cause de ce côté irréel soient rassurés, ces descriptions n'occupent qu'un tout petit passage de ce roman marquant.

J'ai découvert Laurent Gaudé avec ce livre, son histoire est magnifique et son écriture puissante.


Citations
"S'il faut mourir, alors autant vivre un peu..."

"Hommes, ce qui est sous vos pieds vit, se réveille, se tord, souffre peut-être ou s'ébroue. La terre tremble d'un long silence retenu, d'un cri jamais poussé.
Hommes, trente-cinq secondes, c'est un temps infini et vos yeux s'ouvrent autant que les crevasses qui lézardent vos routes et les murs des maisons. En ce jour, à cet instant, tous les oiseaux de Port-au-Prince s'envolent en même temps, heureux d'avoir des ailes, sentant que rien ne tiendra plus sous leurs pattes, et que, pour les minutes à venir, l'air est plus solide que le sol."


Lu du même auteur



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jeudi 27 août 2015

La maladroite d'Alexandre Seurat





Date de parution : août 2015 chez les Editions du Rouergue
Nombre de pages : 112



Magnifique roman sur l'enfance maltraitée, premier roman d'un jeune auteur inspiré d'un fait divers récent.

Diana, 8 ans, disparaît. En fait, c'est  une enfant martyre dans sa famille au milieu de ses 3 frères et sœur, maltraitée par son père et sa mère.

A la manière de témoignages de sa tante, sa grand mère, son frère, de voisins, gendarmes, assistantes sociales, médecin, enseignants, directrices d'école... la courte vie de Diana nous est racontée.
J'ai beaucoup aimé ce style de narration, aucun prénom n'est cité en dehors de celui de Diana et d'Arthur, son frère aîné. Tous sont nommés selon leur lien avec Diana, "la grand mère", "la tante"...

On découvre ainsi une mère instable et immature qui accouche sous X et abandonne sa fille à la naissance, puis retourne la chercher quelques mois plus tard lorsqu'elle se remet en couple avec le père de l'enfant. 
Diana a rapidement un comportement bizarre et présente un certain retard. Des traces de coups sur son corps alertent sa famille puis le corps enseignant.
 
De multiples personnes font part de leur inquiétude et ont le courage de faire un signalement.
La grand mère y parvient bien qu'elle ait le sentiment de trahir sa fille et peur de perdre à jamais sa petite fille, ce qui évidemment ne manque pas de se produire.

Les différents enseignants et directrices font aussi un travail remarquable, tentent avec une patience infinie de gagner la confiance de Diana pour qu’elle puisse se confier à eux, convoquent les parents, alertent par courrier l'école où va aller Diana suite au déménagement des parents. Seul un médecin scolaire ne prend pas la mesure du drame que vit Diana.
Un signalement, des informations préoccupantes sont transmis au Conseil Général et au Procureur.
Mais que faire face à l'aplomb des parents, leur déni enveloppé de courtoisie mielleuse? Ils remercient les enseignants de leur sollicitude envers leur fille, expliquent tout par son handicap lié à la maladie immunitaire dont serait atteint Diana et pas sa maladresse. Des parents qui déménagent quand ils sentent la pression devenir trop forte.
Diana, quant à elle, fournit des explications pour chaque marque sur son corps avec des réponses cohérentes à celles de ses parents, il n'y a aucun moyen de la déstabiliser.

Sont très bien décrits la mauvaise conscience, le sentiment d'impuissance et de culpabilité de tous. Diana va hanter l'esprit de ses enseignants, des gendarmes, les poursuivre dans leurs rêves.
Se pose bien entendu la question des services sociaux. J'ai apprécié que ce livre ne soit pas un réquisitoire contre les services sociaux, on y voit toute la difficulté du travail social, avec le comportement "coopératif" des parents, leurs déménagements, la difficulté de passer des soupçons aux faits, de trancher entre placement d'urgence ou suivi avec soutien à la parentalité.
On se dit qu'ils ont tous fait ce qu'ils ont pu, on se demande ce qu'il aurait fallu faire de plus ou autrement ? On s’interroge sur les responsabilités de chacun...

En peu de mots tout est posé de façon précise et juste avec une grande finesse dans les portraits  L'enchainement parait vite inéluctable. Le regard de l'auteur est juste, sans jugement, exempt de sensationnalisme ou pathos.

Bouleversant , magistral. Livre dont on ne sort pas indemne...


Citations
"Je l’avais prévenue, quand elle avait quitté la maison, je savais ce que c’est, on se marie trop vite, et on comprend après, et puis il y a l’orgueil, l’idée qu’on va le changer, et l’attachement quand même, et quand viennent les enfants, c’est pire." 

"En quinze jours de classe, j'avais compris, les bleus, les bosses, quand j'y repense j'ai l'impression que tout s'est déroulé à travers un cauchemar. Alors, je ne vois plus ma classe, mes élèves se figent en noir et blanc - et parmi eux, il y a Diana : elle est la seule à ne pas être en noir et blanc et à ne pas être immobile, je la sais en danger, elle me regarde, comme si elle guettait de moi ce que je peux faire, ce que je vais faire. Mais dans le cauchemar, je sais que tout est déjà trop tard pour elle, elle me regarde, et je ne peux rien faire, et je voudrais qu'elle me pardonne"

2ème contribution au Challenge 1% Rentrée Littéraire 2015

mercredi 26 août 2015

Marathon des mots - Toulouse - Juin 2015


MARATHON DES MOTS à Toulouse du 25 au 28 juin 2015
11ème édition
Cap sur le Liban et la Syrie

Virée à Toulouse cette année avec Nicole (3 ou 4ème participation) et Jacqueline pour qui c'est une première.
10ème édition pour moi.

Logement à 2 pas du Capitole par Airbnb : Beautiful Apartment Historic Center 
Très bien aménagé et très bien situé, adresse à retenir.

Jeudi 25 juin
* Lecture par Brigitte Fossey de "Nulle part dans la maison de mon père" d'Assia Djebar à la Chapelle des Carmélites
Moyen, lecture surjouée.
 
* Lecture par Pierre Santini de "Lettres à Alexandrine" d'Emile Zola à la Chapelle des Carmélites
 Belle lecture, texte très intéressant.

* Lecture par Ariane Ascaride de "Pas pleurer" de Lydie Salvayre en présence de l'auteur au théâtre du Capitole
Deux voix entrelacées dans ce roman. Celle, révoltée, de Georges Bernanos, témoin direct de la guerre civile espagnole, qui dénonce la terreur exercée par les nationaux avec la bénédiction de l'Église catholique contre les « mauvais pauvres ». Son pamphlet, "Les grands cimetières sous la lune", fera bientôt scandale. Celle, de Montsé, mère de la narratrice et « mauvaise pauvre », qui, soixante-quinze ans après les événements, a tout gommé de sa mémoire, hormis les jours radieux de l'insurrection libertaire par laquelle s'ouvrit la guerre de 36 dans certaines régions d'Espagne, jours que l'adolescente qu'elle était vécut avec candeur et allégresse dans son village de haute Catalogne.
Deux paroles, deux visions...
Très beau moment, lecture magistralement interprétée par Ariane Ascaride qui donne envie de relire ce beau roman.


Vendredi 26 juin
* Lecture par Daniel Mesguich de "Les druzes de Belgrade" de Rabee Jaber au Cloître de Jacobins
La voix de Daniel Mesguich est toujours aussi envoûtante mais j'ai peu accroché au texte.

* Lecture par Olivier et Patrick Poivre d'Arvor de leur livre "L'odyssée des marins" au Cloître de Jacobins
Peu d'intérêt.

* Lecture par Jacques Bonnaffé de "Léon l'africain" d'Amin Maalouf au Cloître de Jacobins en présence de l'auteur

* Lecture par Ariane Ascaride et Laurent Gaudé de "Danser les ombres" de Laurent Gaudé au Cloître de Jacobins
Moment fort, texte superbement lu, roman à lire de toute urgence.


* Concert littéraire de Feu!Chatterton et Eric Reinhardt : "L'amour et les forêts" d'Eric Reinhardt au théâtre Sorano
Bouleversante tragédie qui traite de l'avilissement et de la servitude au travers du harcèlement moral exercé sur l'héroïne par son mari.
Il s'agit d'une femme sous emprise qui rêve sa vie plutôt qu'elle ne la vit vraiment.
Il y est aussi question de littérature, de rêve, de soif d'absolu, d'accomplissement de soi.

Magnifique soirée, superbe interprétation de ce beau roman.


Samedi 27 juin
* Lecture par Nathalie Richard de "La condition pavillonnaire" de Sophie Divry au musée Paul Dupuy en présence de l'auteur.
L'auteure nous décrit par le menu les mille et un détails qui remplissent une vie, en l'occurrence la vie de M. A.
Ce livre plein de mélancolie se lit d'une traite, parfois on comprend l'héroïne, parfois on a envie de la secouer, de lui faire prendre conscience de tout ce qu'il y a de positif dans sa vie.
Bref, on ne reste jamais indifférent, c'est ce qui rend ce livre sur la condition féminine si agréable à lire. 
J'ai adoré le choix des passages de ce livre qui a été un vrai coup de cœur pour moi. 


* Lecture par Christophe Montenez de "Un jeune homme prometteur" de Gautier Battistella en présence de l'auteur à la cave Poésie.
Une lecture qui ne m'a pas donné envie de lire ce roman...

* Sagan enchantée : Lecture de Judith Henry et Boris Terral d'après les entretiens de Françoise Sagan "Je ne renie rien" à la salle Sénéchal
L'impression d'entendre Sagan au travers de la voix de Judith Henry...Un beau moment. 
 

 * Lecture par Eric Génovese de "Jacob, Jacob" de Valérie Zenatti au Cloître de Jacobins en présence de l'auteur.
Une lecture terne qui ne nous a pas donné l'envie de nous plonger dans ce roman. 
Roman que j'ai lu quand même ensuite et que j'ai beaucoup aimé!!!


Dimanche 27 juin
* Lecture par Catherine Allegret de "Au moins il ne pleut pas" de Paula Jacques à la Chapelle des Carmélites en présence de l'auteur.
Texte émouvant, à lire... 


* Potiche de Pierre Barillet au théâtre Sorano interprétée par Elisabeth Masse, Robert Plagnol, Bruno Putzulu, Guillaume Poix, et Nathalie Besançon 
Un agréable moment, une mention particulière à Bruno Putzulu et Nathalie Besançon excellents tous les deux. 
 

 


En résumé, les 3 moments les plus marquants auront été pour moi cette année:
- la lecture de "Pas pleurer"
- la lecture de "Danser les ombres"
- le concert littéraire de "L'amour et les forêts"

Encore une très belle édition du marathon, il a juste manqué à notre périple des rencontres avec des écrivains, trop de belles lectures ont accaparé tout notre temps... 

mardi 25 août 2015

Profession du père de Sorj Chalandon


Date de parution : août 2015 chez Grasset
Nombre de pages : 320

Prix du style 2015

Première lecture de cette rentrée littéraire et premier gros coup de coeur!!!

Je craignais que ce ne soit encore une banale histoire de relations père-fils mais racontée par Sorj Chalandon cela ne pouvait être qu'intéressant et franchement je n'ai pas été déçue.
L'auteur s'inspire de son histoire personnelle qu'il met en scène avec le petit Émile Choulans, du nom de la célèbre rue de Lyon "la montée de Choulans" près de laquelle il a grandi, au pied de la colline de Fourvière. Nous sommes dans les années 60 et Émile a 13 ans.
On situe très vite le personnage de son père : c'est un homme fantasque, affabulateur, tyrannique, pervers mais aussi violent, bref un vrai malade...
Sa mère est nettement plus insaisissable : passive, effacée, soumise, humiliée, aveugle ou complice, on ne sait trop... Elle a un rôle bien ambigu... Elle se borne à lui répéter "Tu connais ton père, alors ne t'inquiète pas".  Elle ne protège pas son enfant.
 
Émile/Sorj Chalandon n'a jamais connu la profession de son père et s'est toujours trouvé en difficulté à la rentrée scolaire pour remplir la fiche de renseignements, son père s'est mis en scène tour à tour comme chanteur aux Compagnons de la chanson, footballeur professionnel, professeur de judo, parachutiste, conseiller personnel de Charles de Gaulle...
Sa vie bascule quand il note "agent secret" dans profession du père sur cette fiche, il se dit alors que c'est un héros
Il qualifie sa famille de sorte de secte repliée sur elle-même, famille qui ne recevait jamais personne, pas même ses grands parents. C'est une secte dont on ne s'échappe pas.
Dans son délire, son père persuade le jeune Émile que l’OAS, qui milite pour que l’Algérie demeure française, a besoin de son aide pour tuer le général de Gaulle...
On ressent son besoin d'amour, son admiration pour celui qu'il voit comme un héros, le besoin qu'il a que son père soit fier de lui. C'est l'histoire d'un enfant qui fera tout pour plaire à son père
Mais son père n'est pas seulement affabulateur, il peut aussi se montrer très violent en l'enfermant dans une armoire (la "maison de correction"), en le condamnant à rester des heures à marcher dans sa chambre en guise de punition, en le réveillant en pleine nuit, lui ordonnant d'un sec "debout rebelle" de faire des exercices physiques. Certaines scènes de violence sont vraiment insoutenables, son père poussant le sadisme jusqu'à lui faire acheter lui-même un martinet avec son argent de poche.

La dernière partie, lorsqu'Émile/Sorj est devenu adulte et reçoit des lettres et coups de téléphone délirants de son père est très très émouvante.

La force de ce roman est Que Sorj Chalandon ne nous fait pas le récit de son enfance avec son regard et ses mots d'adulte mais au travers d'un enfant, son double Émile avec le ressenti de son âge.
C'est un récit très intime et bouleversant écrit d'une plume forte, puissante et détaillée. Il a certainement fallu beaucoup de courage à Sorj Chalandon pour mener à son terme cette confrontation avec son père dans cette biographie romancée et pour se livrer ainsi sans jamais tomber dans le pathos, la haine ou la rancœur. Il réussit même le tour de force de nous faire passer de l'effroi au rire.

Ce qui est frappant c'est qu'on ressent fortement tout au long du livre l'amour qu'il porte malgré tout à son père.
Ce n'est pas un livre sur l'enfance battue, il essaye plutôt de nous faire partager sa stupéfaction face à ce père fantasque qui peut aussi être merveilleux.

Quelle force de caractère doit-il avoir pour être parvenu à trouver son équilibre, seul, sans aucune aide, après une enfance pareille! Quel bel exemple de résilience...Le dessin et la fréquentation de la bibliothèque avec l'ouverture sur le monde qu'elle offre, ont contribué à le sauver.

C'est un livre, qu'une fois commencé, on ne peut plus lâcher.
A lire de toute urgence.


Citations
"Profession du père ? Ma mère n'avait pas osé remplir le formulaire. Mon père avait grondé.
- Écris la vérité : "Agent secret"." Ce sera dit. Et je les emmerde."

"J'ai raconté l'angoisse d'un enfant. J'ai raconté l'armoire, la maison de correction. J'ai raconté le pistolet, le béret, Biglioni. J'ai raconté ma mère en épouvante et son fils en effroi."


1ère contribution au Challenge 1% Rentrée Littéraire 2015







et 1ère pépite du non-challenge 2015-2016 organisé par Galéa












Lus du même auteur



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lundi 24 août 2015

Peine perdue d'Olivier Adam


Date de parution : août 2014 chez Flammarion
Nombre de pages : 416


Gros coup de cœur!!!
Ce roman met en scène une vingtaine de personnages vivant dans un station balnéaire de la côte d'Azur.

Antoine, gloire locale du football, se fait agressé. Cette agression mystérieuse sur fond de tempête méditerranéenne va être le fil principal de l'intrigue. En faisant le tour des proches d'Antoine (sa sœur, son ex., son père...) Olivier Adam dresse le portrait d'une communauté.

Il nous brosse la réalité sociale de la Côte d'Azur avec le contraste entre l'agitation bling bling de l'été et la précarité des gens qui font vivre la station (employés de restauration, saisonniers...) sans oublier l'atmosphère de pots de vin, de magouilles et la montée du Front National.

C'est une vision sombre et pessimiste (ou lucide?) de la société actuelle, autant sur le plan social qu'économique, qu'Olivier Adam nous propose avec ces portraits d'êtres blessés. On compatit devant ces vies si réalistes et on partage le lot quotidien de ces fracassés de la vie. L'univers psychologique de chaque personnage est très bien rendu.

Olivier Adam écrit en faisant preuve d'empathie pour ses personnages, qu'il ne juge, ni ne condamne jamais. Il ne laisse transparaitre aucun sentiment de pitié pour eux.

Livre à conseiller...Moi qui n'avais encore rien lu d'Olivier Adam, je vais vite me précipiter sur ses précédents ouvrages...


Citations 
"C'est le problème avec la vie. (…) La nôtre est toujours trop étriquée, et celle à laquelle on voudrait prétendre est trop grande pour simplement se la figurer. La somme des possibles, c'est l'infini qui revient à zéro."

"Lui a toujours été taciturne. Ce n’est pas qu’il n’aime pas parler mais le plus souvent il n’a rien de spécial à dire. La vie se suffit à elle-même."


Lu du même auteur 

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dimanche 23 août 2015

La femme au carnet rouge d'Antoine Laurain



Date de parution : mars 2014 chez Flammarion
Nombre de pages : 236

Laure subit une agression un soir en rentrant chez elle, son sac à main lui est volé et elle tombe dans le coma dans les heures qui suivent, victime d'un traumatisme crânien causé par son agresseur.
Comme dans le chapeau de Mitterrand l'auteur part d'un objet pour construire son roman.
Laurent, libraire, retrouve le sac et se lance dans une enquête pour retrouver son propriétaire à partir des multiples objets qu'il contient. 

En filigrane, un gentille satire de notre société actuelle, notamment des sites de rencontre, de facebook, de la téléréalité. A noter un très beau passage sur la nostalgie du possible.

Le livre est bien construit avec des chapitres courts, il est émaillé de citations de noms d'auteurs, de livres et de références littéraires avec notamment une jolie rencontre avec Modiano.
Comédie romantique courte et plaisante qui n'atteint cependant pas le niveau du précédent livre d'Antoine Laurain "Le chapeau de Mitterrand".


Citations
"Il y a comme cela des amours éphémères, programmés pour mourir dès leur commencement et cela à très brève échéance – on n'en prend en général conscience qu'au moment où ils vont s'achever."
"Peut-on éprouver la nostalgie de ce qui n'a pas eu lieu ? Ce que nous nommons "regrets" et qui concerne les séquences de nos vies où nous avons la quasi-certitude de ne pas avoir pris la bonne décision comporterait une variante plus singulière, qui nous envelopperait dans une ivresse mystérieuse et douce : la nostalgie du possible."



Lu du même auteur

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samedi 22 août 2015

Le chapeau de Mitterrand d'Antoine Laurain

 


Date de parution : mars 2013 chez Flammarion
Nombre de pages : 211


Prix Relay des voyageurs 2012

Conter les aventures du chapeau d'un illustre personnage comme François Mitterrand, voilà un sujet bien original...
Alors que Daniel dine seul un soir dans une brasserie, François Mitterrand vient s'asseoir à une table voisine et oublie son chapeau en partant.
Oublié, abandonné sciemment ou échangé ce chapeau va passer de tête en tête et transformer la vie de son nouveau propriétaire. Il va donner de l'assurance à Daniel face à son chef et va ainsi bouleverser sa vie professionnelle, il sera l'élément déclencheur de la rupture de Fanny avec son amant, il permettra à Pierre de sortir de sa dépression et transformera son dernier propriétaire en le libérant du conformisme dans lequel sa vie est engluée.

Tous les personnages sont très attachants.  
C'est un livre léger mais qui distille quelques vérités bien ciblées sur le conservatisme mondain par exemple... et nous replonge avec bonheur dans les années 80 avec son atmosphère, son minitel, ses actualités, ses personnalités marquantes,ses émissions télé culte, ses chansons...toute une époque... 
Une écriture simple et vivante. Un vrai délice avec un épilogue surprenant...


Citations
"Les évènements importants de nos vies sont toujours le résultat d'un enchaînements de détails infimes."

"Un chapeau donne à celui qui le porte une autorité sur celui qui n'en porte pas."


Lu du même auteur  




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vendredi 21 août 2015

Dans son propre rôle de Fanny Chiarello



Date de parution : janvier 2015 aux Editions de l'Olivier
Nombre de pages : 236

Prix Orange du livre 2015


C'est l'histoire de 2 solitudes...
Nous sommes en 1947 en Angleterre.
Jeanette, 32 ans, femme de chambre dans un hôtel à Brighton, ne se remet pas de la disparition de son mari Andrew, mort à la guerre en 1944. Elle reste enfermée dans sa douleur. Elle connaissait Andrew depuis l'âge de 3 ans et n'éprouve que colère et rage. Leur amour était tellement fusionnel qu'ils ne voulaient pas d'enfant.
Fennella, jeune femme de 28 ans, muette suite à un traumatisme, est bonne à tout faire au service d'une lady. Elle aussi se sent veuve, elle s'invente un amour avec Jimmy, mort également pendant la guerre. Passionnée d'opéra, elle se réfugie dans les magazines et découpe les articles consacrés aux grands chanteurs de l'époque.

Fennella et Jeanette ne se connaissent pas mais travaillent à quelques kilomètres l'une de l'autre. 
Jeanette, elle aussi passionnée d'opéra, adresse une lettre d'admiration à une cantatrice, cette lettre est reçue par erreur par la patronne de Fennella.
Fennella, en lisant cette lettre, ressent une profonde communion avec Jeanette et provoquera une rencontre entre elles deux.
La confrontation, lors d'une semaine de vacances,entre ces deux femmes unies par une même douleur est très bien retranscrite et assez émouvante. Cette semaine sera le point de départ d'une nouvelle vie pour chacune des deux femmes.

L'auteur a une jolie écriture bien rythmée, des mots très justes pour parler de l'amour absolu qui lie Jeanette à Andrew et de son impossible deuil et un grand souci du détail.
Cependant ce livre qui comporte de belles réflexions sur l'amour, la mort, la solitude et le manque m'a laissée assez dubitative, j'ai eu du mal à accrocher à cette histoire, gênée par des longueurs et des lenteurs.


Citations
"La solitude s'aménage, se peuple, fût-ce d'illusions tandis que le manque ne se comble pas."

"Je vais vous dire la vérité : je n'aime pas les gens. Ils ont été une grande déception." 






jeudi 20 août 2015

La drôle de vie de Zelda Zonk de Laurence Peyrin




Date de parution : mai 2015

Prix Maison de la presse 2015

Merci à Babélio et aux Editions Kero pour l'envoi de ce roman.
Suite à un très grave accident de voiture au cours duquel elle a frôlé la mort, Hanna s'interroge sur le sens de sa vie.
Lors de son hospitalisation, elle s'est liée d'amitié avec sa voisine de chambre, Zelda, âgée de 85 ans. Celle-ci est une femme sympathique et pleine d'humour, leur intérêt commun pour la broderie les a, dans un premier temps, réunies. Mais très vite, leurs discussions sont devenues plus intimes et Zelda, fine psychologue, a contribué à l'amener à réfléchir à la routine de sa vie auprès de son mari écrivain d'origine américaine qui a quitté son pays pour s'installer avec elle en Irlande dans un trou perdu. Sa vie se résume à l'attente désespérée d'un enfant, à un travail à domicile de restauration d'objets, à un travail une fois par semaine dans la boutique de son amie et associée pleine de vie Marsha, à sa nièce Patti dont elle s'occupe avec son mari pendant que sa sœur Gail, hôtesse de l'air, vit sa vie de femme libre, sans cesse entre aux quatre coins du monde.
Rapidement Hanna s'interroge sur Zelda qui porte le nom de Zelda Zonk, nom que portait Marylin Monroe quand elle voulait passer inaperçue. Zelda a 85 ans et Marylin est morte il y a 50 ans... De là à imaginer que Marylin n'est pas morte et s'est réfugiée en Irlande pour fuir sa vie d'artiste, il n'y a qu'un pas qu'Hanna franchit allègrement...

L'intrigue originale de ce roman ne m'a malheureusement pas intéressée bien longtemps. Ce livre est, en fait, un banal roman d'amour sans grand intérêt.
Je suis vraiment surprise qu'il ait obtenu le prix Maison de la Presse 2015...

mercredi 19 août 2015

Le collier rouge de Jean-Christophe Rufin

 
 

Date de parution : février 2014 chez Gallimard
Nombre de pages : 160


Roman qui se situe à la fin de la guerre 14/18 au cours de l’été 1919.

Très beau huis clos entre un soldat prisonnier et son juge. Texte qui aborde les notions de sacrifice, de fraternité et d'honneur mais surtout de fidélité: fidélité d'un homme à une femme, d'un chien à son maître, d'un homme à son idéal...

Beaucoup d'émotion et de suspens dans ce texte où l'histoire du prisonnier (qui part d'un fait réel) est dévoilée par bribes.

Les personnages sont attachants et débordent d'humanisme. Une mention particulière au chien et à son attachement aveugle à son maître.

Très beau moment de lecture. 


Citations
"Voilà ce qu'avaient produit quatre ans de guerre: des hommes qui n'avaient plus peur, qui avaient survécu à tellement d'horreurs que rien ni personne ne leur ferait baisser les yeux."  

"Lantier songea que la compagnie des chiens était la seule présence qui ne trouble pas la solitude."


Lu du même auteur 

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