Date de parution : janvier 2022 aux éditions de l'Olivier
Nombre de pages : 272
PREMIER ROMAN
Gabrielle, grande prématurée née 3 mois avant terme, est devenue une adolescente déterminée et intransigeante. A la maternité elle s'est battue rendant ses parents admiratifs de sa force " elle s'est battue de ses petites forces, loin d'eux, si loin d'eux."
Plus tard la gymnastique rythmique et son entraîneur ont forgé son caractère et c'est avec son arrière grand-mère Maria qu'elle établit une relation très forte. Maria et Gabrielle sont si semblables, elles ont la même sauvagerie dans le regard et la même rancune envers la grand-mère Joséphine.
Le roman s'ouvre sur la mort de Maria, point de bascule dans la jeune vie de Gabrielle qui a alors treize ans.
Voilà un roman qui m'a happée dès les premières pages pour ne plus me lâcher jusqu'à son dénouement inattendu et bouleversant. L'histoire est riche en scènes fortes (mais dénuées de toute violence) et racontée d'une plume fluide sur un rythme qui ne faiblit à aucun moment.
Gabrielle est une héroïne extrêmement attachante, courageuse et déterminée. Grande prématurée, elle s'est battue dès les premiers jours de sa vie pour survivre. Différente dès le plus jeune âge avec un corps déformé qu'elle a réussi à redresser par la pratique intensive de la gymnastique artistique, elle a dû aussi se battre pour gagner sa place dans sa famille. Ensuite, adolescente torturée, elle devra lutter contre les araignées qui l'habitent et l'empêchent de respirer, elle a appris à les cacher, les retenir et les expulser discrètement "elle crache ses araignées en silence, obstinément les écrase... Elle parvient à refréner des araignées sombres qui lui courent dans les bronches." Elle tient à domestiquer par la seule force de sa volonté ce mal qui la ronge, ces araignées qui lui soudent les lèvres.
C'est aussi une histoire de famille, de tensions entre générations, de silences et rancunes. Une histoire qui se déroule dans une région rurale où prédominent les champs de maïs, région identifiée indirectement par la proximité de la Ville Rose où les hommes aiment le rugby et la chasse à la palombe, où la religion est pour les femmes " une habitude domestique, comme la lessive ou le repassage". C'est aussi et surtout l'histoire, sous l'œil attentif de la Vierge Marie, d'une relation fusionnelle entre Gabrielle et son arrière-grand-mère Maria, née quatre-vingts ans avant elle en Espagne.
L'auteure a opté pour une construction non chronologique, elle raconte les années de la naissance de Gabrielle à la mort de Maria puis les années suivant cette mort. De temps en temps se glissent des chapitres où des clowns viennent à l'hôpital tenter de faire rire des enfants hospitalisés. Un narrateur ou une narratrice dont le lien avec Gabrielle reste mystérieux jusqu'aux dernières pages parle de la jeune fille avec beaucoup de tendresse. Laurine Thizy sème ici et là des indices, on comprend vite que Gabrielle cache quelque chose.
Un cadre de vie rurale très bien restitué, des portraits de femmes (mais aussi de quelques hommes) d'une grande justesse, un sujet grave avec une intrigue qui exclue les thèmes à la mode, des allusions à la Vierge Marie, personnage à part entière, qui ne sont jamais pesantes. Un condensé de sensibilité, de délicatesse et de retenue source de multiples émotions. Une très belle entrée en littérature d'une auteure bien talentueuse.
L'auteure
Née en 1991, Laurine Thizy vit à Lyon où elle enseigne les sciences sociales. Elle a publié plusieurs textes dans des ouvrages collectifs et collabore à la revue Pan (Editions Magnani) . "Les maisons vides " est son premier roman.