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mercredi 30 décembre 2015

La fin de l'homme rouge de Svetlana Alexievitch



Date de parution : septembre 2013 chez Actes Sud
Nombre de pages : 542

La lecture de "la supplication" m'a donné envie de mieux découvrir cet auteur.
Svetlana Alexievitch poursuit son recueil de témoignages. Ici elle se met à l'écoute des voix de l'homme rouge, un type d'homme particulier engendré par le communisme. Elle compose ce qu'elle appelle un « roman de voix ».

Elle raconte le socialisme vu de l'intérieur, donne les détails d'une vie disparue et raconte "la petite histoire d'une grande utopie", c'est une façon pour elle de consigner les traces de la civilisation soviétique.

On découvre un peuple qui n'était pas préparé à la liberté et à la société de consommation, "La découverte de l'argent, cela a été comme l'explosion atomique", on ressent la nostalgie qu'ils ont du soviétisme, du grand pays qu'était la Russie, leur Patrie. Ils parlent de leur perte de repères, de leur impression de vivre dans un pays étranger.

Svetlana Alexievitch a une façon bien particulière de tisser ces témoignages en restituant, outre les faits racontés, les hésitations, les omissions, l'émotion de chaque voix. Elle manifeste attention et empathie envers tous ces hommes et femmes qui se confient à elle.

Son récit est centré sur le vécu, le ressenti de chaque témoin. Il ne s'agit pas du tout du récit historique de l'effondrement de l'URSS et du basculement du totalitarisme dans le capitalisme, mais  du recueil du quotidien, des ressentis et des souvenirs de ces hommes et de ces femmes.

Deux ­générations se côtoient dans ces pages. D'abord, celle dite « des cuisines », nommée ainsi car dans les années 60-70 , les soviétiques "ont quitté les appartements communautaires et ont commencé à avoir des cuisines ­privées dans lesquelles on pouvait critiquer le pouvoir, et surtout ne plus avoir peur, parce qu'on était entre soi... »
Aujourd'hui sexagénaires, élevés dans le culte de Lénine et de Staline, enivrés par le vent de liberté qui a soufflé en août 1991, ils sont aujourd'hui las, anéantis, entre découragement et colère. L'un dit : « Nous avons connu les camps, nous avons couvert la terre de nos cadavres pendant la guerre, nous avons ramassé du combustible atomique à mains nues à Tchernobyl. Et maintenant nous nous ­retrouvons sur les décombres du socialisme. Comme après la guerre... ».

La seconde génération, ce sont leurs enfants, âgés aujourd'hui de 20 à 30 ans, les enfants de l'époque post-totalitaire, ils sont plongés dans un chaos économique, sans espoir, et pensent à l'exil.

L'ensemble est très riche, vivant et très instructif.
A lire absolument...


Citations
"La plupart des gens n'étaient pas anti-soviétiques, tout ce qu'ils voulaient, c'était avoir une vie meilleure."

"J'ai acheté trois journaux, et chacun raconte sa vérité. Alors où est la vraie vérité ? Avant, le matin, on lisait la Pravda, et on savait tout. On comprenait tout."

 
L'auteur

Née en Ukraine en 1948, Svetlana Alexandrovna Alexievitch est un écrivain et journaliste biélorusse, dissidente.

Journaliste de formation, elle débute dans la littérature à la faveur de la perestroïka, en 1985.
Elle a reçu de nombreux prix prestigieux pour son roman "La Supplication - Tchernobyl, chronique du monde après l'apocalypse" en 1997. Elle est aussi l'auteur de "Cercueils de Zinc" en 1990, qui recueille des témoignages de soviétiques ayant participé à la guerre Russo-afghane, et de "La guerre n'a pas un visage de femme" en 1985 qui retrace par des interviews le récit de femmes soldats de l'Armée rouge durant la Seconde Guerre mondiale.
Le prix Nobel de littérature 2015 lui a été attribué pour « son œuvre polyphonique, mémorial de la souffrance et du courage à notre époque ».


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