Pages

lundi 18 janvier 2016

Histoire de la violence d'Edouard Louis

 

Date de parution : janvier 2016 aux éditions du Seuil
Nombre de pages : 229
Un roman polyphonique
Ce livre était pour moi un incontournable de cette rentrée de janvier car j'avais beaucoup aimé le premier roman d’Édouard Louis "En finir avec Eddy Bellegueule", un roman coup de poing qui avait fait sensation début 2014.

Dans ce roman encore largement autobiographique, Édouard Louis revient sur un drame qu'il a vécu chez lui un soir de Noël 2012, avant le succès de son premier roman. 
Abordé dans la rue par un inconnu, un jeune Kabyle nommé Reda, Edouard accepte de monter avec lui dans son studio. S’ensuit une nuit de plaisir mais lorsqu'il s'aperçoit que Reda lui a volé son téléphone portable et son Ipad, la nuit vire au cauchemar. Reda l'insulte, tente de l'étrangler, le menace avec une arme et le viole.

La technique de narration employée dans ce roman est originale et intéressante. Edouard Louis croise plusieurs voix pour raconter cette nuit dramatique. S'entremêlent son propre récit de cette nuit de plaisir et d'horreur, les propos qu'il a tenus devant les policiers au commissariat quand il va déposer plainte, les propos qu'il a tenus avec ses deux meilleurs amis Didier et Geoffroy et surtout la narration de cette histoire que fait sa sœur Clara à son mari. C'est cette voix de Clara qui structure le roman.

Celle-ci s'exprime dans une langue très populaire qui renvoie l'auteur à ses origines, Edouard Louis écoute ce récit de sa sœur, une sorte de long monologue, caché derrière une porte et commente ses dires.
Le contraste est saisissant entre la langue populaire de Clara et la langue cultivée d'Edouard.

Ce livre n'est donc pas seulement le récit de cette nuit d'horreur mais c'est aussi l'occasion par la voix de sa sœur de revenir sur son passé, sa famille, son enfance, son rejet de sa famille et de la laisser exprimer ses sentiments par rapport à son frère et "ses manières de gens de la ville."

Sans jamais s'épargner, Edouard Louis dissèque ses réactions, ses pensées, ses ressentis et ses émotions lors de l’agression et dans les jours qui ont suivi. Il analyse sa peur, sa douleur et son incapacité à fuir lorsque cela a été possible.

On retrouve beaucoup de "En finir avec Eddy Bellegueule" dans ce deuxième roman : les thèmes de la honte, du désir, de l'intolérance, du racisme, de l'homophobie et de la douleur de son exclusion au sein de sa propre famille...

Malgré le sujet il n'y aucun voyeurisme malsain dans ce récit dérangeant, oppressant et éprouvant.
C'est très bien construit et très bien écrit. C'est dur, profond et puissant. 
Un livre qui confirme le talent d'écrivain d’Édouard Louis et qui ne laissera personne indifférent.

Laure a un avis nettement plus mitigé que moi.

Citations
"Les études, l'idée des études avait émergé beaucoup plus tard, quand j'avais compris qu'elles seraient à peu près le seul chemin possible, ou au moins le seul chemin qui me permettrait de m'éloigner non seulement géographiquement, socialement, donc totalement de mon passé... Il n'y avait que les études qui me permettaient une fuite totale."

"Mais il n'y a pas de doute que si il a été comme ça ce soir là, aussi imprudent, c'est aussi parce qu'il a été élevé à la dure et qu'il a trop appris à ne pas avoir peur."

"La honte est en fait la forme de mémoire la plus vive et la plus durable, une modalité supérieure de la mémoire, une mémoire qui s'inscrit au plus profond de la chair, à croire, que les plus vifs souvenirs d'une vie sont toujours ceux de la honte." 

L'auteur
Édouard Louis, né Eddy Bellegueule est un écrivain français né en 1992.
Il grandit à Hallencourt (Somme) et poursuit à partir de 2011 des études de sociologie. En 2013, il obtient de changer de nom et devient Édouard Louis.
La même année, il dirige l’ouvrage collectif Pierre Bourdieu. L'insoumission en héritage aux PUF.
En février 2014, à 21 ans, il publie "En finir avec Eddy Bellegueule", un roman à forte influence autobiographique. Très commenté dans les médias, et largement salué pour ses qualités, le livre donne lieu aussi à plusieurs polémiques.


1ere contribution au Challenge Rentrée Hiver 2016 organisé par Laure de MicMelo


Lu du même auteur




Pour accéder à ma chronique, cliquer ici










4 commentaires:

  1. Je suis entièrement d'accord, la technique de narration est une vraie réussite.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C'est en effet un atout majeur de ce roman. Un écrivain dont on n'a pas fini d'entendre parler.

      Supprimer
  2. Je suis justement en train de le lire...verdict bientôt :)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. J'ai hâte de lire ton avis sur ce livre qui est loin de faire l'unanimité...

      Supprimer