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mardi 27 décembre 2016

L'absente de Lionel Duroy



Date de parution : août 2016 chez Julliard
Nombre de pages : 360

De Lionel Duroy j'ai lu "Le chagrin" paru en 2010 et en garde à l'esprit un souvenir très précis tellement j'avais trouvé ce récit touchant.

Pour poursuivre son œuvre autobiographique Lionel Duroy utilise dans "L'absente" le personnage d'Augustin, son double romanesque, écrivain comme lui.

Augustin a perdu sa maison après son divorce suite au départ de sa femme. Cette perte le bouleverse car c'était la maison d'enfance de ses enfants, leur point d'ancrage. Sa vie part en lambeaux, il n'a plus aucun endroit où se poser, il part alors sur les routes avec ses deux vélos sur le toit de sa voiture, son périple va le mener de la Bretagne à Verdun puis à Bordeaux.

Augustin a envie de mourir, cela le renvoie au souvenir de sa mère qui menaçait de se jeter par la fenêtre après leur expulsion de leur appartement de Neuilly, Augustin avait alors 9 ans, sa mère âgée de 38 ans était déjà mère de 8 enfants et enceinte du 9ème. C'est la première fois qu'il se sent  proche d'elle. Il se rend compte qu'il réagit comme elle en se renfermant sur lui-même face aux problèmes, qu'il est tourmenté comme elle, qu'il a hérité de son "intranquillité".
Écrire un livre sur sa mère s'impose alors à lui, comprendre l'énigme qu'était sa mère. Qui était-elle avant son mariage, pourquoi a-t-elle épousé son père Toto qui était complètement son opposé? "Traverser l'horreur qu'elle m'inspire pour aller voir derrière l'image et parvenir à dire qui était la mère à l'origine, avant la catastrophe que fut son mariage avec cet homme." Il a en sa possession une photo de sa mère en juillet 42, jolie jeune fille de 19 ans, entourée de ses parents dans le parc du château familial, il l'examine à la loupe, remarque son regard vide et comprend qu'elle souffrait de mélancolie "Pour une fois, au lieu de ne s'intéresser qu'à lui, il pense à la mère."

Il va essayer de comprendre cette mère objet de terreur, pour laquelle il n'éprouvait que du mépris. Une mère qu'il traitait d'idiote et qui ne l'aimait pas engendrant une souffrance dont il n'a pu sortir que grâce à l'écriture "écrire pour exister dans le regard des autres puisque je mourais dans celui de ma mère."
Il se souvient qu'elle était très tendue quand elle se rendait dans le château familial de sa famille près de Bordeaux et comprend qu'elle a été bannie par sa riche famille après son expulsion du grand appartement de Neuilly.

L'écriture est au centre de ce roman car Lionel Duroy raconte le livre qu'il projette d'écrire sur sa mère, sa difficulté à le démarrer tant qu'il n'en a pas trouvé la première phrase. Il considère que l'écriture l'a sauvé de la dépression, l'écriture est pour lui comme le vélo, s'il arrête il tombe...

En se mettant à la place de sa mère, Lionel Duroy livre ici un portrait apaisé de cette femme qui lui a échappé toute sa vie, il semble avoir compris des choses qui le touchent. Il comprend son absence liée à la neurasthénie et sa souffrance de femme emprisonnée dans les codes que ses parents lui ont transmis. Enfant gâtée, mondaine, fascinée par le luxe, coincée dans le souci des apparences, le culte du paraître, l'importance de "tenir son rang" elle n'a pas pu supporter le déclassement social que son mariage désastreux a engendré. 
L'expulsion et ensuite leur vie dans une cité ouvrière harcelés par les huissiers a détruit sa mère qui n'avait plus pour se raccrocher que le titre de baronne que Toto lui avait offert par le mariage.
Cette voie vers l'apaisement est proche de celle de Christine Angot qu'il cite d'ailleurs dans son récit.
Dans ce livre très agréable à lire Lionel Duroy excelle dans l'analyse de ses propres sentiments, il décortique à merveille ce qu'il pense comprendre de la personnalité de sa mère.


Citations
"Il a toujours su qu'il tenait le livre quand il en découvrait la première phrase, comme si les milliers de mots à venir se pressaient en elle."

"L'illusion délicieuse d’être au milieu de ces milliers de destins offerts, posés là sur les tables et les étagères, comme si en se promenant dans une ville on pouvait entrer librement dans la tête de telle ou telle personne dont le regard vient de vous toucher et tout apprendre d'elle."


L'auteur

Lionel Duroy, de son vrai nom Lionel Duroy de Suduiraut, est un journaliste et écrivain français né en Tunisie en 1949, il est le quatrième d'une famille de dix enfants.
Il est issu d'une famille d'origine noble, mais désargentée, ayant des idées d'extrême-droite. Sa jeunesse dans ce milieu le marque profondément et sera le terreau de plusieurs de ses livres (Priez pour nous, Le chagrin).
Il est d'abord livreur, coursier, ouvrier, puis longtemps journaliste à Libération et à L'Événement du jeudi.
Lionel Duroy prête sa plume à de nombreuses célébrités qui rédigent leur biographie (Nicolas Vanier, Ingrid Betancourt, Sylvie Vartan, Mireille Darc, entre autres).
Il reçoit le Prix Joseph Kessel 2013 et le Renaudot des lycéens 2012 pour "L'hiver des hommes".



Lu du même auteur 













50ème participation au Challenge Rentrée Littéraire 2016



10 commentaires:

  1. Je n'ai toujours pas lu cet auteur mais son dernier roman a des critiques plutôt positives.

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    1. Il vaut le coup et se lit sans problème même si on n'a pas lu ses précédents livres comme "Le chagrin" qui relate son enfance.

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  2. J'avais très envie de lire ce roman, tu ne fais que confirmer mon choix grâce à ta chronique. Merci Joëlle

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    1. Et bien fonce maintenant Karine !
      Au plaisir de lire ta chronique...

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  3. j'ai du mal à croire que je n'ai jamais lu cet auteur... mais apparemment, non.

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  4. J'ai beaucoup aimé Le chagrin aussi, Le livre de Turin et j'en ai d'autres dans ma PAL, il me faudra découvrir celui-ci. C'est un auteur assez peu apprécié, j'ai l'impression...

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    1. Je pense qu'il est peu apprécié car il ressasse beaucoup son histoire familiale comme Christine Angot, cela peut être lassant à la longue, pour ma part n'ayant lu que deux titres et à bonne distance je ne suis pas lassée...
      J'ai eu la chance de l'entendre en interview aux Correspondances de Manosque et l'ai trouvé très intéressant et très cohérent dans sa démarche.

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  5. Ah nous avons retenu la même métaphore sur le vélo... Oui très joli roman. J'ai hâte de lire le chagrin un de ces jours.

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    1. C'est un très beau souvenir de lecture et "Le chagrin" m'a encore plus plu...

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