Rencontre avec Cécile Coulon - 31 mai 2017

J'ai eu la chance d'assister le 31 mai à une rencontre avec Cécile Coulon à la librairie du tramway à Lyon.

Située dans le quartier de la Part Dieu cette superbe librairie a eu les honneurs de la Grande Librairie il y a quelque temps, c'est un lieu très chaleureux. Magistralement animée par la libraire Charlène Busalli, très pertinente dans ses questions, la rencontre a été passionnante.

Il a bien entendu été question de son dernier roman Trois saisons d'orage (sélectionné sur 7 listes de prix littéraires...), un de mes derniers gros coups de cœur... 

Dans le désordre, Cécile Coulon, en réponse aux questions de Charlène, a parlé 

- du personnage du curé qui introduit et conclut son roman, personnage qui connait le mieux les habitants du village mais qui ne raconte jamais rien. Pour Cécile qui aime beaucoup les curés il s'agit d'une réflexion sur le langage "On ne peut pas toujours se taire".

- du massif des trois gueules où est située son histoire, lieu imaginaire inspiré de lieux existant dans la Drôme d'où est originaire une partie de sa famille. Elle a juste augmenté la pesanteur des montagnes. Ses livres parlent souvent d'un lieu car, en observant un lieu, elle se demande souvent "Quelle humanité mettre dans ce lieu?" , cela devient ensuite "une scène de théâtre à ciel ouvert". Elle dit assumer de plus en plus de parler dans ses écrits des lieux qu'elle connait. 

- de l’importance du choix du lieu où on veut vivre, sujet au cœur de son roman, "Comment vivre dans un lieu que l'on n'aime pas, où on est obligés de rester? C'est une question sociale importante." 

- de la nature qui est la seule à pouvoir dépasser les hommes  "On ne peut pas faire l'économie du passé des lieux où on arrive". Les phénomènes naturels dépassent l'être humain et il faut l'accepter, elle trouve surprenant que la plupart des gens s'étonnent de la neige en hiver et des grosses chaleurs en été...

- des superstitions évoquées dans son roman, Cécile dit qu'il s'agit plus de légendes urbaines ou rurales , des histoires passées de génération en génération pour créer un univers commun qui permet de se sentir en sécurité. "Le top pour un roman c'est qu'il devienne une légende urbaine ou rurale, comme le film Shining"

- de son envie d'écrire en laissant aller son imagination "Il est dommage de se cantonner à la réalité", pour elle, l'écriture est le dernier espace qui permet cela. De sa façon d'écrire sans se documenter dans les archives, sans prendre de modèles, "Ce n'est pas arrivé mais c'est vraisemblable.". De son envie de parler de la campagne, sujet peu prisé par la nouvelle génération d'écrivains, de son envie de sortir cette littérature du carcan de la littérature terroir.

- du choix du titre "Trois saisons d'orage" qui a été très difficile à trouver, elle a envoyé 25 titres à son éditrice avant de trouver ce titre (très beau !!!), le choix du titre a été ce qui a été le plus difficile pour elle dans l'écriture de ce roman...

- de la construction du roman, comme une tragédie grecque, elle dit s'être rendue compte en écrivant le texte qu'elle était en train de réécrire Phèdre... Il est vrai que son récit est construit comme une pièce de théâtre avec une scène et des personnages qui ne peuvent pas échapper au regard.

- de l'annonce du drame dès le début du roman par le curé, procédé qu'elle emploie dans tous ses romans pour laisser le lecteur se concentrer sur les questions pourquoi et comment est-ce arrivé?, de la fin surprenante qui oblige le lecteur à réfléchir deux fois à l'histoire (technique empruntée à Julian Barnes) car évidemment des indices on été été semés que le lecteur n'a pas forcément vus (ce qui a été mon cas !!!). 

- de son besoin d'écrire des romans courts avec une écriture resserrée, par manque de temps, par manque de choses à dire (quelle drôle d'impression...), elle nous a annoncé que son prochain roman serait plus long. Elle aime l'efficacité dans l'écriture (ce qu'elle a retrouvé dans la littérature américaine), "un livre c'est comme un coureur de marathon, il faut qu'il n'y ait que l'os et la moelle", elle gomme tout ce qui lui semble inutile, qui n'apporte rien à l'histoire. Une écriture efficace pour que la lecture soit efficace pour le lecteur...

- de l'importance du regard de son éditrice sur son travail, de son besoin d'un œil extérieur pour vérifier que son histoire est crédible et ne provoque pas l'ennui.  "L'éditeur c'est celui qui fait fonctionner le moteur de la belle voiture dont l'auteur a fait la carrosserie"

- de ses activités en dehors de l'écriture : depuis 2012 et la parution de son roman "Le roi n'a pas sommeil" elle peut se consacrer uniquement à l'écriture et mesure la chance incroyable qu'elle a de vivre de ce qu'elle adore faire. En dehors de l'écriture de romans, elle écrit des scénarios pour des jeux vidéo et poursuit une thèse sur les relations entre littérature et sport. La littérature et le sport sont les deux choses qui l'intéressent le plus dans la vie "Si je ne peux plus faire de sport, je ne peux plus écrire"

- des auteurs qui l'ont influencée: Pennac, Stephen King, Harry Potter, Nathalie Sarraute et Marguerite Yourcenar. De son amour pour la littérature américaine découverte à la fin de son adolescence

- des derniers livres qui l'ont marquée : Les furies de Lauren Groff et L'été des charognes de Simon Johannin

Ce fut une rencontre avec une auteure passionnée et passionnante qui n'a pas hésité à nous livrer quelques anecdotes privées. Cette femme qui n'a que 27 ans et déjà 10 ans d'écriture avec publication de 9 titres est assez incroyable. Ajoutez à cela le fait qu'elle soit particulièrement sympathique et qu'elle sache se montrer disponible pour ses lecteurs vous comprendrez que je sois tombée sous son charme.

Cerise sur le gâteau, j'ai pu lui parler en privé d'un projet qui me tient à cœur et son écoute et son enthousiasme m'ont ravie...