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samedi 2 mars 2019

Il se pourrait qu'un jour je disparaisse sans trace de Thierry Beinstingel

Date de parution : janvier 2019 chez Fayard
Nombre de pages: 288  

Thierry Beinstingel nous raconte le parcours de trois êtres solitaires qui se trouvent à un moment de leur vie où ils ne vont pas très bien. Il y a "l'homme", "la prof" et "la jeune fille" qui seront dénommés de cette façon tout au long du récit. Bien qu'entouré d'une famille, chacun d'eux se sent seul.

"L'homme" est un chômeur de longue durée qui accepte une étrange mission contre vingt mille euros, il s'agit de garder une station de pompage désaffectée pendant cinq mois dans un endroit perdu au milieu de nulle part dans un pays étranger. Passer cinq mois dans une solitude absolue, dans une pièce de béton, une sorte de bunker à demi enterré au milieu de champs de mais, dans un lieu qu'il ressent comme cerné par "un enfer vert". Sans eau courante ni électricité, il va devoir comme un Robinson trouver les moyens de sa survie, s'organiser, s'imposer des tâches pour ne pas sombrer dans la folie alors qu'il perd très vite la notion du temps car tous les jours sont semblables. "Il doit affronter la nature, développer sa réflexion et la créativité qui sont la marque spécifique des humains."

Depuis son divorce "La prof" vit seule avec sa fille Rebecca, une ado avec qui la communication devient chaque jour plus difficile. En échec dans son rôle de mère, elle se sent également inutile en tant que prof car l'allemand qu'elle enseigne est une matière jugée ringarde par ses élèves et même par son proviseur. Un jour, insultée par un élève, elle craque. En arrêt maladie, l'occasion se présente à elle d’intégrer comme bénévole un centre d'accueil géré par une association humanitaire où elle tente d’inculquer des notions de français à des migrants qui y sont accueillis. Elle se sent enfin utile... 

"La jeune fille" a quitté le lycée après le bac, elle n'a pas souhaité poursuivre de nouvelles études. Sa vie est faite d'ennui et de désœuvrement avec un père toujours absent et une mère toujours fatiguée. Pour gagner un peu d'argent, elle accepte la proposition d'une femme de s'occuper d'un jeune garçon handicapé qu'elle présente comme son fils. Elle doit rendre visite chaque jour à ce jeune autiste caché par sa mère dans un immeuble coincé contre l'autoroute et voué à une démolition prochaine. Bien loin de se limiter aux consignes de la femme qui lui demande simplement de le nourrir et de rester un peu avec lui, la jeune fille s'attache au garçon, l'apprivoise doucement et, peu à peu, une relation se crée entre eux... 

Le titre "Il se pourrait qu'un jour je disparaisse sans trace",  phrase extraite de "Vendredi ou les limbes du Pacifique" de Michel Tournier, concerne à priori l'homme.  Thierry Beinstingel enchaîne de courts chapitres sur chacun des trois personnages sans lien apparent.  Il met en scène des personnes ordinaires, confrontées à une perte de repères et murés dans une solitude liée au manque d'attention à l'autre. Des personnes qui rêvent d'un monde meilleur, qui tentent de donner un sens à leur vie et qui, en découvrant les autres, notamment les plus démunis, vont se découvrir eux-mêmes. Thierry Beinstingel aborde ici des sujets de société fondamentaux d'une façon très originale.
C'est un roman empreint d'une profonde humanité, un texte d'une impressionnante justesse et dépourvu de bons sentiments. La construction est très réussie et le dénouement est à la fois surprenant et très beau. Ce roman m'a fait découvrir un auteur dont j'aime beaucoup l'humanité, il m'a donné envie de  découvrir ses précédents ouvrages.

Livre lu dans le cadre du prix Orange.













Citations : 
" De nos jours, il n'y a probablement plus de terres vierges, ni d'île déserte à découvrir, mais jamais nous ne nous sommes sentis aussi seuls." 

"La perspective d'une intégration par l'alphabétisation est une flatterie démagogique, ici, personne n'est dupe."

"Et comme Robinson, on craint depuis toujours que débarque un Vendredi pour bousculer nos habitudes. Le migrant d'aujourd'hui joue ce rôle. L'humanité entière reste à rassembler. "


L'auteur

Né à Langres en 1958, Thierry Beinstingel est cadre dans les télécommunications. Il a publié, aux éditions Fayard, Central (2000), Composants (2002), qui a reçu une mention au prix Wepler 2002, Paysage et portrait en pied-de-poule (2004) et C.V. roman (2007). (Sources : Éditeur)

 




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