Opus 77 d'Alexis Ragougneau

Date de parution : septembre 2019 chez Viviane Hamy

Nombre de pages : 256

" Il n'y a que la musique pour faire face à la mort "

L'Opus 77, concerto pour orchestre et violon de Dimitri Chostakovitch, sert de fil conducteur à ce roman qui s'ouvre sur les funérailles de Claessens, chef d'orchestre franco-belge de renommée internationale à l'ego surdimensionné. Ariane, la fille de Claessens, va jouer dans l'église une transcription au piano du célèbre opus. Ariane est une soliste pianiste mondialement connue, une rousse de vingt-sept ans à la chevelure flamboyante et à la froideur calculée. Ni sa mère Yaël ancienne cantatrice, ni son frère David, violoniste prodige, ne sont présents pour rendre un dernier hommage à Claessens. David vit depuis quelques années en ermite dans un ancien bunker démilitarisé camouflé derrière une fausse façade de chalet suisse.

Face à une énorme assemblée Ariane va jouer et, en chroniqueuse du passé familial, va laisser défiler ses souvenirs au rythme des cinq mouvements de l'Opus 77. Elle va penser au poids des attentes familiales, aux absences de leur père, aux répétitions où revenait sans cesse l'injonction paternelle "Recommence!" , à la difficulté à exister près d'un homme comme Claessens, à la solitude, aux carapaces qui permettent de tenir debout et au silence dans lequel David a trouvé refuge " La vraie richesse, le vrai succès, c'est avoir la force de faire silence", " Je ne désespère pas de te faire sortir un jour du bunker. La clé de ton enclos, de ta cellule 77, c’est moi qui l’ai, David. Moi, Ariane, ta sœur. »

" Pour jouer l'Opus 77, 

il faut avoir été tout au fond, 

et y être resté un moment " 

Ce roman est une pure merveille, un véritable page-turner qui m'a happée dès les premières pages. L'auteur a écrit pour le théâtre et a publié des romans policiers, il sait parfaitement ménager ses effets. Avec un sens certain de la dramaturgie il mêle présent et passé sans jamais perdre le lecteur et maintient son intérêt jusqu'au final très émouvant en distillant tout au long du récit des moments-clé fondateurs de l'histoire familiale. Ce roman nous offre une immersion au plus près des sensations de musiciens virtuoses, l'auteur a parfaitement su se mettre dans la peau de violonistes, de pianistes et dans celle du chef d'orchestre. L'auteur brosse un  magnifique portrait de femme, nous fait découvrir l'histoire de Chostakovich, " jouet de Staline pendant dix-sept ans", analyse de façon très fouillée la psychologie des différents personnages, dépeint une belle relation fraternelle faite de complicité, de protection mutuelle et de connivence artistique et décortique des relations familiales complexes.

Un roman dans lequel je me suis sentie merveilleusement bien. Nul besoin d'être mélomane pour tomber sous le charme de ce roman. L'écriture très fluide envoûte par sa beauté, la construction qui suit le rythme de l'opus est magistrale. Un roman d'une rare intensité.

Citations

"Je suis le plus complexe, le plus indéchiffrable, le plus parfait automate jamais créé de main d'homme."

" Chez un musicien, regardez toujours les mains ; évitez le visage comme la peste. Les mains ne portent pas de masque, celui de l'émotion feinte, de l'extase de pacotille. Les mains sont incapables du moindre mensonge, tandis que le visage, lui..." 

" Le paradoxe de l'interprétation est que la façon la plus directe de communiquer avec le public est d'oublier son existence."

L'auteur

Alexis Ragougneau est né en 1973. Il fait une entrée remarquée dans le monde littéraire grâce à ses deux premiers romans policiers, La Madone de Notre-Dame et Évangile pour un gueux. Touche à tout de génie, il décide de s’affranchir des règles pour explorer plus librement la création romanesque. Niels, un roman d’une rare puissance, voit le jour et celui-ci retient l’attention des jurés du prix Goncourt. Également auteur de théâtre, il a publié plusieurs pièces aux Éditions de L’Amandier et La Fontaine. (Source : éditeur)