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vendredi 15 mai 2020

Les fleurs de l'ombre de Tatiana de Rosnay

Date de parution : mars 2020 chez Robert Laffont/Héloïse d'Ormesson
Nombre de pages : 329 

"Des moments comme celui-ci sont des bourgeons sur l'arbre de la vie ; ce sont des fleurs de l'ombre." Virginia Woolf

L'histoire se déroule dans un futur proche dans un Paris qui a été dévasté pour un attentat dix ans plus tôt. Dans un monde où les livres prennent de moins en moins de place supplantés par les réseaux sociaux qui ont envahi la vie quotidienne de chacun, un monde bouleversé par le dérèglement climatique où abeilles, oiseaux et fleurs ont disparu. 

La narratrice est une romancière écrivaine franco britannique qui vient de quitter son mari, elle cherche un appartement refuge où elle projette d'écrire son prochain roman simultanément dans les deux langues qu'elle pratique. Elle a choisi le pseudo de Clarissa Katsef en hommage à Virginia Woolf et à Romain Gary, deux auteurs qui l'ont inspirée, qui ont permis à la géomètre qu'elle était d'oser se lancer dans l'écriture. "Romain Gary, Virginia Woolf. Leurs maisons, leur intimité, leurs démons. L'obsession des lieux."

Elle aménage dans un appartement ultra moderne et connecté, dans la  résidence d'artistes CASA située dans un groupe d'immeubles qui n'ont pas d'histoire, tout juste construits sur un des lieux dévastés par un attentat. Les habitants de cet immeuble sont tous triés sur le volet, ce sont des artistes jugés particulièrement prometteurs qui vont pouvoir bénéficier d'un programme d'accompagnement de créativité dans ce lieu... Clarissa a signé avec CASA les yeux fermés...  Elle dispose d'un assistant virtuel qu'elle a choisi de nommer Mrs Dalloway à qui elle a confié la plupart des tâches ménagères. Cet assistant virtuel a été programmé avec des données spécifiques la concernant, des données dont elle n'a pas eu connaissance, sa santé est surveillée en permanence par des capteurs spécifiques dans sa salle de bains, des caméras sont installées partout. Rapidement Clarissa se sent mal à l'aise, elle dort mal et ses rêves prennent une tournure inquiétante. Elle sent un œil peser sur elle, elle a l'impression d'être espionnée en permanence. Qui se cache derrière le programme CASA ? Clarissa a-t-elle eu raison de laisser le docteur Dewinter, responsable du programme CASA, avoir accès à la totalité de son intimité ? Les artistes logés dans cette résidence sont-ils des cobayes ? Clarissa sombre- t-elle dans la paranoïa ?

L'ombre de Virginia Woolf et de Romain Gary  plane sur le roman, deux écrivains attachés aux lieux qui ont choisi de se suicider chez eux " au cœur de leur territoire intime",  on retrouve en exergue de chaque chapitre des citations extraites de leurs lettres d'adieu. Tatiana de Rosnay a mis beaucoup d'elle-même dans son personnage principal, une romancière, franco-britannique comme elle, qui, comme elle, croit à la mémoire des murs et a mis les lieux au centre de son œuvre. Elle surprend avec cette dystopie située dans un futur proche très crédible, dans un avenir pas si inimaginable que ça tellement il est  proche de notre réalité quotidienne. Elle met en scène une écrivaine dans des moments de fragilité, (ses "fleurs de l'ombre") entrainée dans une histoire singulière et inquiétante. Invasion de nos vies par les écrans, intimité violée, dérives de l'intelligence artificielle, sont autant de thèmes sur lesquels Tatiana de Rosnay nous incite à réfléchir sans imposer de réponse. 
La construction est parfaite, mêlant le présent inquiétant et le passé à la découverte des raisons qui ont poussé Clarissa à quitter son mari, le suspense est savamment entretenu tant dans les chapitres sur le présent que dans ceux sur le passé et le dénouement ouvert est particulièrement réussi. Une lecture complètement addictive qui par moments fait étrangement écho à notre actuel confinement...


L'auteure

Franco-anglaise, Tatiana de Rosnay est l'auteur de 12 romans, dont "Elle s'appelait Sarah" (Editions Héloïse d'Ormesson, 2007), vendu à 11 millions d'exemplaires à travers le monde. Ses livres sont traduits dans une quarantaine de pays et plusieurs ont été adaptés au cinéma. Bilingue, elle a écrit Les Fleurs de l'ombre simultanément en français et en anglais.








4 commentaires:

  1. Je me laisserais peut-être tentée par celui-ci. Ce serait le premier de cette autrice pour moi

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  2. comme je te le disais sur FB, je ne serais pas allée spontanément vers ce livre, mais ce que tu écris me tente beaucoup !

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  3. Et bien rien que pour les clins d'oeil à Virginia Woolf, que je découvre un peu plus en profondeur en ce moment, je tenterais bien cette lecture ... à moins que j'attende le poche. Joli billet ! ;-)

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  4. Je suis sensible à ce sujet: vers un monde connecté et le plus grave, vous êtes connecté ou vous êtes déconnecté de la société, l'auteure aborde ce problème avec modération, enfin pour moi, là, d'une façon très légère, elle aborde le problème de se faire prendre au piège dans certains moments de la vie, se raccrocher aux branches mais ce sont des branches qui peuvent casser et là, c'est la chute et peut être la mort soit disant naturelle ou par suicide.

    J'avoue avoir sauté des passages, pas assez incisif pour moi pour voir les dangers de ce monde futurisme qui me fait peur, j'avoue.

    Chantal.

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