Apeirogon de Colum McCann

 

Date de parution : aout 2020 chez Belfond
Nombre de pages : 512

Rami Elhanan est israélien, Bassam Aramin palestinien. Smadar, la fille de Rami, a été tuée à Jérusalem en 1997 dans un attentat-suicide palestinien à l'âge de quatorze ans. Abir, la fille de Bassam, a été tuée en 2007 par un soldat israélien à l'âge de dix ans en allant acheter des bonbons à l'épicerie. Leurs pères, Rami et Bassam, vont devenir amis et s'unir pour parler de leurs filles et porter un message de paix.

Tout séparait pourtant ces deux hommes. Bassam, militant du mouvement de libération de la Palestine, emprisonné pendant sept ans en Israël à l'âge de dix-sept ans, a été transformé par l'humanité d'un de ses gardiens et par le visionnage à la télévision israélienne d'un documentaire sur la Shoah. Bassam décide alors d'apprendre l'hébreu et d'étudier l'Holocauste. Rami, ancien soldat qui a fait la guerre du Kippour en 1973 où il a perdu de nombreux amis, a ensuite décidé de ne s'impliquer dans aucun parti, ni dans aucun mouvement politique pour mener simplement une vie normale et tranquille.

Ces deux hommes, unis par leur deuil, vont se rapprocher et décider de consacrer leur temps à raconter ce qui est arrivé à leurs filles. Ils vont parler ensemble sans relâche de leurs histoires dans des écoles et des salles de conférences en Israël, en Palestine et dans le monde entier.

Un apeirogon est un polygone qui a un nombre infini de côtés. Colum McCann utilise cette métaphore pour revenir sur la réalité à multiples facettes du conflit israélo-palestinien. Il s'est inspiré d'une histoire réelle, l'amitié d'un Palestinien et d'un Israélien, unis par la perte de leur fille.

La construction étrange de ce texte peut déstabiliser au départ. Le récit est constitué de 1001 courts chapitres numérotés de 1 à 500 puis de 500 à 1. Sans ordre chronologique ces chapitres font s'entrecroiser le parcours des deux pères en y mêlant différentes digressions, en particulier ornithologiques, dont le lien avec le reste du texte est parfois hermétique. La double section centrale 500, dans laquelle les deux hommes s'expriment à la première personne dans des interviews, est bouleversante, elle fait accepter les passages qui apparaissent parfois comme un exercice de style de l'auteur et les trop nombreuses redondances de la deuxième partie.

La force de ce texte qui ne comporte aucune sensiblerie vient du fait que Rami Elhanan et Bassam Aramin ne sont pas des personnages de fiction, ces inlassables militants de la paix existent réellement. Ces deux hommes ont surmonté leur désir de vengeance et prônent la réconciliation entre leurs deux peuples, le lien de fraternité qui les unit est magnifique. Ils incarnent la non-violence à laquelle ils consacrent leur vie depuis le drame qui les a frappés.

Un hymne à la paix très ambitieux. Une lecture forte, parfois difficile, qui ne peut que marquer durablement.

L'auteur

Colum McCann est un nouvelliste et romancier irlandais, il vit aujourd'hui à New-York. Il accède à la notoriété avec "Et que le vaste monde poursuive sa course folle", prix littéraire du Festival du cinéma américain de Deauville, élu meilleur livre de l'année 2009 par le magazine Lire, lauréat du prestigieux National Book Award 2009 et du Prix littéraire international IMPAC de Dublin 2011. Il est également auteur d'une remarquable biographie romancée sur Rudolf Noureev, "Danseur". Il est aussi le maître d’œuvre d’"Être un homme" ("The Book Of Men", 2013), qui rassemble soixante-quinze textes d’auteurs majeurs de la scène internationale.