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samedi 21 août 2021

Avant que le monde ne se ferme d'Alain Mascaro

 

Date de parution : 18 aout 2021 chez Autrement
Nombre de pages : 256

PREMIER ROMAN 

Anton Torvath est tzigane et dresseur de chevaux. Né au cœur de la steppe kirghize en Asie centrale peu après la Première Guerre mondiale, il grandit au sein d'un cirque, œuvre de son grand-père paternel, entouré d'une tribu de jongleurs, de trapézistes et de dompteurs. "L'enfance ne fut qu'errance et mouvement... dans les steppes libres et calmes. Je suis un "Fils du vent", un Tzigane, un gitan... "

Il est adolescent quand sa vie bascule en 1941 alors qu'Hitler entre triomphalement dans Vienne. Les tziganes sont assignés à résidence à la périphérie de Cracovie puis Anton va vivre dans le ghetto tzigane du camp de Lodz où sa communauté sera encore plus maltraitée que les juifs à tel point qu'il choisira de se faire passer pour juif, Anton le Tzigane deviendra Julek le Juif.

Anton va voir les siens disparaître les uns après les autres dans des camps où le typhus, la faim et la folie des hommes font des ravages. Conformément aux rêves de son père Anton sera le seul de sa famille à survivre "Fils, nous allons être engloutis. Sauve-toi et tu nous sauveras tous !" Ce jeune homme qui avait des connaissances en médecine et parlait plusieurs langues deviendra la mémoire d'un peuple sans mémoire, des centaines de noms tourneront dans sa tête dans l'attente d'une sépulture, les membres de sa famille, les morts du ghetto tzigane, les morts de Mauthausen, quelques figures fortes qu'il a rencontrées en chemin "Je suis un tombeau, il n'y a que des morts dans ma mémoire, des morts et des cendres... En lui vivaient des centaines de fantômes qui attendaient une sépulture... mille trois cent quatre noms hantaient sa mémoire."

Tout au long de sa vie, Anton va voyager à travers l'Europe accompagné par ses souvenirs d'enfance, les horizons infinis, les plaines immenses, les libres galops, la longue procession des roulottes dans la steppe, la joie et les chants autour du feu, les contes de Jag, l'homme au violon de son enfance... Il fera des rencontres déterminantes, croiser la bonté de Simon, le médecin philosophe qu'il va côtoyer dans un camp, croiser l'humanité de Katok et la mystérieuse Yadia, ex-officier de l'Armée rouge.

Ce roman est une belle page d'histoire qui laisse une forte place au romanesque. J'ai aimé suivre le destin d'Anton, le personnage principal, un "Fils du vent, un Tzigane, un gitan..." On découvre sa vie avant la guerre puis la façon dont il a réussi à traverser la longue nuit du ghetto et des camps par les présences imaginaires qu'il appelait dans ses rêves. Il a tenu grâce à eux, il a tenu avec eux tous... La description des camps est réaliste, on y découvre, outre la faim qui y sévit, la faim de l'esprit qui frappe les prisonniers, la valeur d'un morceau de papier, d'un bout de crayon, d'un livre, des contes, des mots qui soulagent les maux.

Mort-vivant, survivant des camps d’extermination nazis, Anton vivra accompagné de ses morts, ses fantômes, "ses engloutis", il devra raconter pour se délester, se libérer mais surtout il devra leur offrir la sépulture qu'il leur a promis. La scène au bord du Gange où il peut enfin déposer son fardeau est très forte.

Ce roman nous offre une magnifique immersion dans la culture tzigane, nous montre leur soif de liberté, leur communion avec les animaux, avec la terre, leur sagesse et l'importance des oracles dans cette communauté. 

J'ai trouvé ce roman bien maitrisé, j'ai fermé les yeux sur certaines rencontres, certaines coïncidences parfois un peu irréalistes. L'écriture est soignée sans tomber dans l'ostentatoire. Un très agréable moment de lecture.


Citations

" Les âmes rutilées sont infiniment précieuses, bien plus que les âmes intactes."

" Les bras et le rire de Katia descendaient aux enfers pour en exhumer la part morte d'Anton et la ramener à la vie. Sans elle, son âme fêlée aurait fini par se briser en morceaux."

" J'ai promis à Katok de leur donner une sépulture. Je trouverai un désert, une mer, un endroit que nul n'a foulé."

" Libres sans entraves leur pays est "vaste comme le ciel", leur pays est partout et nulle part, exempt de toutes frontières." 

" Les fils du vent sont capables de prédire l'avenir, eux qui ne connaissent que le présent, parce qu'ils ne sont pas enracinés comme des arbres ou fichés en terre comme les pieux des clôtures. Ils ont gardé un lien primordial avec l'univers, avec le terre, avec le vent !"

 

L'auteur

Alain Mascaro est né en 1964. Professeur de lettres à Vichy, il décide en 2019 de tout quitter pour parcourir le monde. Ce long voyage sans date de retour lui aura permis d'écrire son premier roman. (Source : éditeur)


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