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vendredi 3 septembre 2021

Au printemps des monstres de Philippe Jaenada

 


Date de parution : aout 2021 chez Mialet Barrault
Nombre de pages : 748

Le 26 mai 1964, Luc Taron, onze ans, s'enfuit de chez lui. Le lendemain on retrouve son corps dans le bois de Verrières près de Palaiseau. Rapidement un homme qui se fait appeler "l'Etrangleur" inonde de lettres délirantes la presse, la police et les parents pendant quarante jours. Il nargue la police, harcèle le père et donne des détails sur la mort de l'enfant qu'il revendique clairement. L'Étrangleur se dénomme lui même " la graine qui pousse au printemps des monstres"  dans un de ses 56 messages. Cette affaire fait la une de ma presse pendant des semaines et captive l'opinion publique.

Arrêté le 4 juillet, il avoue avant de se retracter un an plus tard. C'est Lucien Léger, infirmier psychiatrique, un individu sans histoires jusqu'à son arrestation, il sera condamné en 1966 à la réclusion à perpétuité, "sans preuve, sans témoin, sans mobile" et incarcéré quarante et un ans sans cesser de clamer son innocence.

Après avoir détaillé l'affaire dans une première partie dénommée "Le fou", Philippe Jaenada s'emploie dans une deuxième partie dénommée "Les monstres" à démontrer que tous les protagonistes qui ont côtoyé Léger dans son camp ou dans l'autre se sont comporté comme des monstres, à l'exception de sa femme. Il va démontrer que rien n'est simple dans cette histoire, qu'il faut se méfier des apparences "Rien dans cette histoire, rien ni personne n'est ce qu'on croit, ce qu'on a cru. Tout - vraiment tout - est en réalité trouble et complexe. Et moche. Et la seule chose à peu près sûre, c'est que Lucien Léger n'a pas tué Luc Taron."  Il souligne des détails écartés, des erreurs, des omissions, des contradictions et soulève des quantités de questions qui restent sans réponse avec la seule quasi-certitude que Léger a été condamné à tort et que son premier avocat Maurice Garçon a vraiment failli.

Dans la troisième partie sobrement intitulée "Solange" il retrace le destin de la femme de Léger dont la photo illustre la couverture du roman " heureusement,  il y a Solange." Une fin de roman qui, au travers des nombreuses lettres qu'elle a adressées à son mari, brosse un portrait loin de celui de la malade mentale présentée par les médias extraordinaire. 

Cette construction en trois parties avec des chapitres introduits par quelques extraits de presse judicieusement choisis est très intéressante, la dernière partie est superbe et m'a fait éprouver beaucoup d'empathie pour Solange.

On ne peut que saluer le travail de titan accompli par Philippe Jaenada qui s'est plongé dans des milliers de pages d'archives, qui s'est rendu sur les lieux, s'est imprégné des atmosphères allant jusqu'à loger dans la pièce où Léger a rédigé ses lettres, à se rendre sur les lieux de l'enfance de Solange dans le Beaujolais. 

Un roman passionnant où l'ombre de Modiano veille, l'auteur a réussi à me captiver de sorte que mon intérêt n'a que très rarement faibli malgré l'impressionnant nombre de pages. Peu de passages m'ont semblé trop longs, trop détaillés ou redondants et quand cela a été le cas les célèbres digressions de Jaenada ont relancé mon intérêt ! 

Il développe l'histoire de multiples personnages tous plus incroyables les uns que les autres, une détective, des enquêteurs, avocats, le père de la victime, un homme que Léger accuse... Autour de Léger il dépeint un monde de menteurs, tricheurs "Des menteurs, tous détraqués, plus ou moins abîmés". Même si certains détails nous éloignent du sujet principal, le meurtre de Luc Taron, certaines histoires sont souvent savoureuses et certaines vies justifieraient à elles seules un roman entier.

Le style inimitable de Philippe Jaenada est un vrai régal, il parsème son récit de réflexions personnelles et d'anecdotes sur sa santé, ses problèmes de tabagisme, sa famille, multipliant les parenthèses et les parenthèses dans les parenthèses introduisant humour et ironie dans cette histoire dramatique.

Un roman magistral !


L'auteur



Philippe Jaenada est l'auteur d'une douzaine de romans, dont "Le chameau sauvage" (prix de flore), "la Petite femelle" et "La serpe" (Prix Femina). (Sources : éditeur)

Photo : Pascal Ito  © Flammarion



Lu de cet auteur

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4 commentaires:

  1. Encore rien lu de cet auteur. Il faudrait que je me lance un jour ou l'autre. Ecouté, ce matin, son entretien avec Trapenard. Oui, c'est tentant

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    1. Il a un style qui ne plait pas à tout le monde... mais si on aime, je pense que celui-ci est un de ses meilleurs

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  2. J'ai hâte de lire ce livre, j'ai adoré ces précédents ouvrages sur Bruno Soulak, Pauline Dubuisson et Georges Arnaud. A chaque fois Jaenada rouvre le dossier judiciaire d'un inculpé et nous fait découvrir des pépites qu'il analyse avec des années de recul et un ton inimitable. Il sait conjuguer un travail d'enquêteur (de détective pourrais-je dire), un talent de conteur et un style inimitable. Quel prix obtiendra t-il cette année (après le Fémina en 2017) ?

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