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lundi 30 mai 2016

Le carré des allemands de Jacques Richard



Date de parution : février 2016 aux Éditions de la Différence
Nombre de pages : 141

"La souillure d'une génération atteint les suivantes d'une marque de malheur et d'indicible culpabilité"

Le Carré des Allemands est une fiction brève écrite sous la forme de cinq carnets qui couvrent deux générations. Celle du narrateur, un homme de 60 ans et celle de son père engagé dans la guerre de 1940.

On découvre au fil des pages que le père s'est engagé à 17 ans pour voyager, vivre une aventure et fuir la pauvreté. Il finit Waffen-SS, revient de la guerre comme prisonnier, est condamné à mort en tant que criminel de guerre puis gracié. Tout cela s'est passé avant la naissance du narrateur qui n'aura que peu vécu avec son père car celui-ci a passé sa vie à fuir jusqu'au jour où il est parti sans plus jamais revenir.

Le fils va passer sa vie à l'attendre puis à le chercher. Comment vivre avec un tel fardeau? en se posant sans cesse la question "Qu'as-tu fait pendant la guerre, papa?", Comment devient-on un bourreau?. 



Le fils trace le portrait de son père en parlant de lui-même, faisant le parallèle entre les zones d'ombre que l’un et l’autre portent en eux."Je recomposais le devenir de sa peau. Je lui inventais un âge mur et nous trouvais des connivences, des complicités de silence.". "S'il en revenait il faudrait que je meure ou bien que je le tue."
Le fils ne peut pas s'empêcher de se demander s'il aurait agi comme son père, même s'il se dit "C'est son histoire, pas la mienne."

"La faute du père, tu sais, ça écrase le fils.
 Le fils reprend  la faute et la fuite du père. 
C'est un fardeau commun, pas tout à fait secret, un fardeau de famille"

Ce très court récit d'une fuite et d'une quête impossible est d'une puissance extrême. Par touches successives et sans respecter de chronologie, ce qui parfois peut surprendre, l'auteur retranscrit parfaitement le poids de la faute, le poids de la culpabilité, la fascination de la mort. Il montre comment un fardeau familial peut faire qu'on ne se sente pas innocent, même si on n'a rien fait, et qu'on se sente "interdit de vie". 
Un texte très fort, une plongée dans le mal et encore une belle découverte grâce aux 68...


Citations
"Le crime était collectif mais chacun l'a commis seul"

"La mienne bien serrée sur la crosse guillochée et le canon pointé au sortir de la manche, nu et vrai comme un corps. Extraordinaire sentiment de force, de puissance. De beauté. Non, mieux encore : d’appartenance. De connivence."


"Couvrez-moi des regrets de ceux qui n'ont rien fait. Recouvrez-moi de noir. Redonnez-moi la nuit.  Il n'y a pas de soleil pour les gens comme moi. Que personne ne me sache ni ne voie qui je suis."

L'auteur
Jacques Richard est né en 1951 à Bruxelles et a passé son enfance en Algérie. Il a publié deux recueils de nouvelles et deux récits.
Le carré des allemands est son premier roman










38ème contribution au Challenge Rentrée Hiver 2016 organisé par Laure de MicMelo

13ème lecture parmi les vingt premiers romans sélectionnés en phase 1 des 68 premières fois

7 commentaires:

  1. Après le billet de Nicole et le tien, il me tente bien celui-là...

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    1. Nos avis se rejoignent très souvent Nicole et moi... Un livre à découvrir en effet.

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  2. Encore un premier roman très tentant! Je crois que cela tient à tes chroniques qui suscitent l’appétence.

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    1. De l'appétence, rien que ça, merci Karine. J'espère que tu te régales bien ensuite quand tu les dégustes! Enfin celui là est un peu lourd à digérer quand même...

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  3. Je suis sur la même longueur d'onde, un roman d'une grande puissance .

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