Pages

jeudi 21 juillet 2016

Manuel d'exil. Comment réussir son exil en trente-cinq leçons de Vélibor Colic

 


Date de parution : mai 2016 chez Gallimard
Nombre de pages : 199

J’ai découvert Vélibor Colic  au cours d’un débat sur l’exil aux Etonnants voyageurs de St Malo en mai dernier et ai été immédiatement séduite par sa forte personnalité franche et pleine d’humour. J’y ai vu un homme qui ne mâchait pas ses mots tout en sachant enrober ses paroles d’humour. Il avait parlé de la nécessité de rechercher l'humain derrière le migrant, de la peur éprouvée par le  migrant qui est, selon lui, beaucoup plus forte que la peur que certains éprouvent envers les migrants.

Vélibor Colic  est un écrivain poète bosniaque, réfugié en France depuis 1992.
Dans ce manuel autobiographique, il nous raconte son arrivée à Rennes à 28 ans ne connaissant que 3 mots de français : Jean, Paul, Sartre. Il a fui la guerre et son pays coupé en 5 états où des villes deviennent soudainement des frontières. Soldat qui tirait en l’air pour être certain de n’atteindre personne, il a fini par déserter. « Être déserteur en temps de guerre et traître de tout le monde, cela fait-il de moi un réfugié politique? »

Réfugié sans papiers, il raconte son séjour dans un foyer de demandeurs d’asile où il se sent différent de ses compagnons d’infortune, humilié quand on lui parle de suivre des cours d’alphabétisation, lui qui est un poète reconnu dans son pays. 

Son quotidien se résume à des errances dans la ville, des arrêts dans des parcs avec ses carnets et ses stylos pour écrire sans cesse. A Paris où il séjourne ensuite, ses journées se passeront dans le métro et les salles de cinéma qui proposent des films suffisamment longs pour lui servir de refuge. Il évoque la recherche de l’oubli dans l’alcool sans cacher les idées suicidaires qui le traversaient, il parle même de « suicide par l’alcool »… Ensuite il va séjourner à Strasbourg comme  écrivain en résidence et écrire un recueil de guerre.

Colic Velibor nous parle des apprentissages du migrant : comment boire un café dans un bistrot en y restant le plus longtemps possible, comment  trouver les magasins les moins chers en suivant une mama africaine, il évoque son urgence absolue d’apprendre le français « Il me faut apprendre le plus rapidement possible le français. Ainsi ma douleur restera à jamais dans ma langue maternelle », «Je suis l’autre. Celui qui ne comprend rien et n’arrive pas à se faire comprendre. »

Lire ce récit c’est l’occasion de s’approcher du vécu des migrants, de comprendre leur quotidien, leurs ressentis
Un témoignage tout sauf larmoyant, aucun apitoiement sur son sort de la part de Vélibor Colic au contraire, il nous fait sourire de ses propres déboires...

Un livre sans paroles inutiles sur un sujet brûlant d’actualité, un livre dont le sujet est uniquement l’exil , l’auteur parlant très peu de l’avant.

Pour moi, la découverte d’un auteur pourvu d’une très belle écriture poétique et qui sait manier l’humour et l’autodérision sur ce sujet grave et emploie un ton léger qui serre souvent le cœur.

Jérôme a beaucoup aimé aussi


Citations
"La littérature est une courageuse sentinelle, une sorte de papier de tournesol pour examiner le taux d’acidité et de folie dans ce bas monde."

"Avant la guerre, j’étais un homme et maintenant je suis une insulte."


L'auteur
Velibor Colic est né en 1964 en Bosnie. Réfugié en France en 1992, il vit aujourd'hui en Bretagne.
Il organise des ateliers d'écriture dans les collèges environnants.

Son premier livre paru en France, "Les Bosniaques", décrit la guerre de Bosnie sous forme de petits tableaux voire de croquis d'après des notes prises en catimini sur le front.

"Archange" en 2008 est son premier livre écrit en français.

8 commentaires:

  1. j'avais déjà noté, tu en rajoutes une couche, maintenant je le veux!!!

    RépondreSupprimer
  2. Dans ta chronique on sent en toi une Humaniste au sens le plus noble du terme.Ta critique dithyrambique m'encourage à lire ce livre urgemment.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci... le sujet des migrants ne peut pas laisser indifférent , ici c'est traité avec énormément de sensibilité et le fait d'avoir eu la chance de rencontrer cet auteur contribue certainement à mon enthousiasme, cette rencontre m'a vraiment marquée... Je guetterai ton avis..

      Supprimer
  3. A nouveau, je partage entièrement tes propos. C'est un livre qui permet de porter un regard différent et humain sur les migrants. L'humour y est très présent, ce qui donne beaucoup de force à ce récit, qui ne sombre jamais dans le misérabilisme.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je ne suis pas surprise qu'il t'ait plu.
      Le récit d'un sacré bonhomme qui ne s'apitoie jamais sur son sort... et quelle classe dans le maniement de l'autodérision!

      Supprimer
  4. Je viens tout juste de lire ce roman, et comme toi j'ai ressenti un grand coup de cœur. Quelle force, et quelle classe comme tu le soulignes. Cet homme est tout simplement incroyable. J'ai été très émue et j'ai beaucoup ri. Je vais essayer de mettre tout ça en mots pour une prochaine chronique. La tienne en tout cas est bien belle !

    RépondreSupprimer
  5. Merci Célina !
    Je suis d'accord avec toi, c'est vraiment une personnalité hors du commun.
    Je guette ta chronique ...

    RépondreSupprimer