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samedi 7 janvier 2017

J'ai longtemps eu peur de la nuit de Yasmine Ghata


Date de parution : août 2016 chez Robert Laffont
Nombre de pages : 155

Le génocide du Rwanda a souvent été traité ces dernières années nous offrant d'excellents livres  comme Petit pays de Gaël Faye ou Un papa de sang de Jean Harzfeld paru en 2015. 

Petit pays a bénéficié d'une large couverture médiatique ces derniers mois et il est dommage qu'on ait beaucoup moins parlé de celui de Yasmine Ghata "J'ai longtemps eu peur de la nuit" qui aborde le même sujet mais sous un angle différent. 

Suzanne anime un atelier d'écriture avec de jeunes collégiens, elle demande à ses élèves d'apporter en cours un objet de famille pour illustrer leur vie personnelle et intime.
Arsène apporte la photographie du seul objet qui lui reste : une valise. Arsène est un orphelin rwandais réfugié en France et adopté par un couple français, seul survivant de son village tutsi.

S'ensuivent des séances entre Arsène et Suzanne au cours desquelles le jeune garçon raconte à Suzanne son histoire qu'il ne parvient pas à écrire lui même, des séances pour dire l'indicible, décrire l'impensable. Avec une infinie patience Suzanne va écouter et tenter de restituer ce qu'a vécu Arsène.

Arsène avait 8 ans lorsque le génocide a eu lieu, il s'est enfui avec une valise remplie à la hâte par sa grand mère, a obéi aux ordres qu'elle lui a donnés, s'est réfugié dans un champ de bananiers pendant que toute sa famille se faisait massacrer. Cette valise va devenir la maison de fortune dans laquelle il va dormir, un cocon qui lui sauve la vie " Tu agrippais cette valise, y trouvant le réconfort d'un corps humain" pendant une errance à travers les collines où il ressent la peur, le froid, la faim et a régulièrement des  visions des siens.

"Tu as eu longtemps peur de la nuit avec cette croyance ancrée que l'on est plus fragile et plus vulnérable dans l'obscurité " résume Suzanne. 

Le procédé narratif donne tout son intérêt à ce roman, le récit alterne entre le présent avec les échanges entre Suzanne et Arsène et les passages écrits par Suzanne sur l'histoire d'Arsène dans lesquels elle emploie le "tu". 
Parallèlement le récit d'Arsène replonge Suzanne dans son propre drame familial, la mort de son père adoré, Suzanne va alors retourner sur les lieux de son enfance pour un dernier adieu à son père. Les deux histoires d'Arsène et de Suzanne s'entremêlent à merveille.

Ce beau roman raconte l'histoire d'une belle rencontre toute en pudeur et montre le pouvoir de l'écriture qui libère et apaise.  

"Depuis que tu racontes ton histoire, tu souffres moins ou différemment. 
Tu as enlevé au mal  le poids du secret. 
En partageant ton histoire, tu as allégé cette charge 
que tu étais le seul à porter depuis tant d'années" 

Une écriture toute en finesse, sensibilité et retenue, une narration originale, un récit émouvant et poignant. Un gamin et sa valise que je ne suis pas prête d'oublier. 

Un livre qui a certainement souffert du succès (mérité) de Petit pays de Gaël Faye.  

J'ai découvert ce roman grâce à Jostein, Noukette et Delphine



Citations
" Le mot "disparu" disait tout et son contraire, il disait l'absence mais pas son irréversibilité, il n'indiquait en rien si ce départ était voulu ou subi, ne prévoyait aucune date de retour, le disparu s'étant comme volatilisé."

" Tu n'es plus désormais qu'un orphelin qui vagabonde sans savoir où aller avec pour seul compagnon une valise vide qui t'escorte comme un fidèle parent"

" Ta maison en pisé semblait muette, couvrant les corps des tiens comme un linceul."

" Tu te rappelles cette odeur si forte : tu connais désormais l'odeur des morts à l'abandon "

" Une maison vidée de ses occupants est un livre sans écriture, une histoire sans narrateur."



L'auteur
Yasmine Ghata est d’origine libanaise par sa mère, la romancière et poète Vénus Khoury-Ghata, et franco-bulgare par son père, le médecin et chercheur Jean Ghata. Elle a étudié l’Histoire de l’Art à la Sorbonne et à l’Ecole du Louvre. Spécialisée dans les arts de l’Islam, elle a travaillé dans le milieu de l’expertise des objets d’art.

Elle a connu un grand succès avec son premier roman, La Nuit des Calligraphes en 2004, inspiré par la vie de sa grand-mère paternelle.

"J'ai longtemps eu peur de la nuit" est son cinquième roman



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53ème participation au Challenge Rentrée Littéraire 2016



6 commentaires:

  1. Je suis contente que tu l'aies aimé. Ce roman mérite vraiment qu'on en parle davantage !

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    1. Merci pour cette belle découverte Delphine, je n'en avais pas du tout entendu parler.
      Oui il faut le faire découvrir!

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  2. D'accord avec Delphine, ce petit roman mérite qu'on fasse la lumière sur lui !

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    1. Encore un livre qui me semble incontournable!Allez, je le rajoute à ma liste!

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    2. Désolée pour ta pal... mais il se lit très vite!!!

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