Pages

vendredi 31 mars 2017

Les larmes noires sur la terre de Sandrine Collette


Date de parution : février 2017 chez Denoël
Nombre de pages : 336

Dans ce nouveau roman noir, Sandrine Collette situe cette fois son récit dans un futur proche en France dans une ville qui n'est pas nommée.

Moé a quitté son île pour les beaux yeux de Rodolphe qui se montre vite sous son vrai jour, odieux et violent une fois qu'ils sont installés en Métropole. Elle doit aussi subir le racisme ambiant dans le village où ils vivent. Elle a un enfant avec un homme rencontré dans un bal, ne sait pas aimer ce bébé les premiers mois et tente de le rendre invisible pour que Rodolphe supporte sa présence, ainsi elle n'appelle jamais son fils par son prénom.

Un jour elle décide de partir dans l'espoir de pouvoir regagner Papeete. Après quelques jours passés chez une copine, c'est dans la rue puis aux urgences de l'hôpital qu'elle trouve refuge. Mais les services sociaux interviennent pour les envoyer, elle et son fils, dans un centre d'accueil où sont regroupés tous les sans-abris, tous les laissés pour compte de la société. Ce camp est une Ville-Casse, ce qui signifie que tous ces déshérités sont logés dans des voitures, la Ville-Casse est un cimetière de voitures organisé par quartiers.
Ce bidonville regroupe 8000 personnes et frappe par sa crasse, ses odeurs, la promiscuité imposée, l'intimité impossible et l'insécurité permanente, il faut toujours que les femmes se méfient  "des mains toujours à l'affût pour détrousser une jupe ou un portefeuille ". Il convient aussi de se méfier des gardiens, dans ce lieu où règne la loi de la jungle.
Moé découvre vite qu'ici chacun est appelé par le numéro de la voiture qui lui est attribué, qu'il faut travailler dans les champs et les vergers pour payer le loyer et se nourrir. Comment économiser l'argent du retour à Papeete avec le salaire de misère qui leur est octroyé, d'autant plus qu'il faut s'acquitter d'un droit de sortie exorbitant de 15000 euros?

Dans cette cour des miracles Moé a la chance d'être affectée dans un îlot de voitures occupées par cinq femmes qui la prennent sous leur aile. Il s'agit de Poule, Nini, Marie Thé, Jaja et enfin d'Ada, une vieille Afghane qui soigne rhume et fièvre avec ses plantes mais qui délivre aussi les femmes des grossesses indésirables par des avortements qu'elle pratique avec respect et peine. Ce groupe de femmes bénéficie de la protection d'Ada dont les dons de guérisseuse lui assurent une certaine immunité dans le camp. La plupart de ces femmes vivent dans ce lieu depuis de nombreuses années.

Peu à peu Moé s'installe dans cette vie qui n'en est pas une, une vie sans avenir " Vivre elles ont laissé cela de côté, il ne reste que la survie", économise pièce après pièce mais se retrouve aussi confrontée au problème de son fils qu'elle peut enfin nommer par son prénom Côme. Dans ce camp les enfants peuvent être adoptés jusqu'à l'âge de un an, n'est-ce pas le moyen par lequel elle doit  passer pour que son fils échappe à son destin, n'aurait-il pas plus d'avenir ailleurs en étant adopté?
Moé se bat, veut y croire, tente par différents moyens illégaux de gagner quelques billets, aspirée par une terrible spirale. 

Au fil du récit chacune de ses voisines-amies va raconter son histoire à Moé, Poule a subi les conséquences du terrorisme en France, Ada a fui le régime taliban en Afghanistan, Marie-Thé a été adoptée par un couple de français à Haïti... Moé découvre aussi l'histoire de Jo qui occupait sa voiture avant... Pour chacune la vie a basculé à un moment...
Ce sont des récits de vies brisées qui vont de l'extrême pauvreté subie au bout du monde au drame de l'abandon et de l'esclavage domestique en passant par la guerre... 

Cette lecture a été un vrai choc pour moi !
J'ai trouvé Moé terriblement émouvante dans son amour fou pour son fils, dans sa volonté de s'en sortir et de se battre pour son fils, j'ai adoré la très belle relation faite de solidarité qui s'instaure entre les six femmes, j'ai été émue par ces personnages très forts aux destins bouleversants.
Sandrine Collette a toujours la même capacité à créer une atmosphère et dans ce cas à la rendre malheureusement plausible. C'est vraiment une auteure que j'affectionne de plus en plus.
Noir, désespérant mais captivant !


Citations
" Poser ses affaires,  c'est renoncer. S'installer, c'est s'attacher."

"Mon histoire n'est pas terminée : un jour je quitterai cet endroit et j'irai vivre libre, au milieu des arbres, pour me consoler de toutes ces années de gris et d'enfermement."


L'auteure



Sandrine Collette est née en 1970. Elle partage son temps entre l’écriture et ses chevaux dans le Morvan. Elle est l’auteur de Des nœuds d’acier, Grand Prix de Littérature policière 2013 et best-seller dès sa sortie, de Un vent de cendres, de Six fourmis blanches et de Il reste la poussière, couronné par le prix Landerneau 2016. (Source: éditions Denoël)


Lus du même auteur 



pour accéder à ma chronique, cliquer ici




pour accéder à ma chronique, cliquer ici 







26ème contribution au Challenge Rentrée Hiver 2017 organisé par Laure de MicMelo
 












Catégorie COULEUR


6 commentaires:

  1. Je le lirai certainement, j'ai lu les 3 premiers et j'ai beaucoup aimé.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je ne sais pas si c'est parce que je sors de cette lecture mais j'aurai tendance à te dire que c'est le meilleur... en tout cas il est tout aussi bon que "Il reste la poussière".

      Supprimer
  2. Je vois que tu as soigneusement préparé ton passage aux Quais du polar ;-)
    Je n'ai encore jamais lu cette auteure, qui semble donc à découvrir.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je l'ai terminé juste à temps et j'ai pu rencontrer Sandrine Collette (dans la rue en dehors des moments de dédicace...) et échanger longuement avec elle sur ce roman ainsi que sur les deux autres que j'avais lus d'elle,c'était très sympa...
      Moi qui ne lis pratiquement pas de romans policiers j'apprécie de plus en plus les romans noirs (Sandrine Collette, Ron Rash, Céleste Ng...)

      Supprimer
  3. on avait prévu de le lire pour Bibliomaniacs, et puis il semblait un peu trop noir/glauque, donc on a lu "Une activité respectable" à la place (et il est excellent!)
    du coup ton billet me donne envie de le reprendre!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Il est noir c'est vrai mais ce qui ressort le plus pour moi c'est l'amitié et la solidarité entre les six femmes qui illuminent le récit.
      "Une activité respectable" fait partie de mes prochaines lectures.

      Supprimer