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mardi 10 octobre 2017

Un certain M. Piekielny de François-Henri Désérable


Date de parution : août 2017 chez Gallimard
Nombre de pages : 272

Une succession de hasards conduit François-Henri Désérable à Vilnius en Lituanie où il tombe sur une plaque commémorative au 18 de la rue Grande-Pohulanka où Romain Gary a vécu de 1921 à 1925, Vilnius s'appelait Wilno à l'époque et Romain Gary s’appelait encore Roman Kacew.

François-Henri Désérable a lu et relu "La promesse de l'aube" de Romain Gary à dix-sept ans, ce texte était au programme de son bac de français, une phrase rejaillit de sa mémoire concernant un certain Mr Piekielny, un homme mis en lumière le temps d'un chapitre de ce roman.
La mère de Romain Gary était convaincue du grand avenir qui attendait son fils qu'elle élevait seule, elle lui assignait un destin de grand écrivain et le disait à tous leurs voisins. L'un d'entre eux, Monsieur Piekielny fait promettre au jeune Gary de dire à tous les gens importants qu'il rencontrera dans sa vie  "au n° 16 de la rue Grande-Pohulanka, à Wilno, habitait Mr Piekielny ".
François-Henri Désérable décide de partir à la recherche de cet homme, il veut découvrir ce qu'il est devenu et se rend plusieurs fois en Lituanie. Les seuls éléments fournis par Romain Gary indiquent qu'il ressemblait à une souris triste avec une barbiche roussie par le tabac. L'écrivain sait simplement qu'il est mort assassiné par les nazis.
Dans un premier temps j'ai pensé que cette recherche de Mr Piekielny n'était qu'un prétexte pour l'auteur pour nous relater la vie de Romain Gary qu'il vénère. Une vie très riche puisqu'il a été, tour à tour, aviateur pendant la guerre, diplomate et un célèbre écrivain qui a accompli l'exploit de recevoir deux fois le prix Goncourt, la première fois sous son vrai nom, la seconde fois sous le nom d'Emile Ajar, célèbre mystification de Romain Gary qui adorait travestir la vérité.

François-Henri Désérable reprend des épisodes de la vie de Gary en imaginant les situations où il aurait pu tenir la promesse faite à Mr Piekielny, il imagine des dialogues qu'il aurait eu avec Kennedy, De Gaulle et Bernard Pivot lors de l'émission Apostrophes, autant de situations où Romain Gary aurait réussi à glisser la fameuse phrase... On suit ainsi la vie de Romain Gary, habilement entrelacée avec la vie que l'auteur imagine pour Mr Piekielny et les persécutions qu'il aurait subi en tant que juif. Les recherches de l'auteur nous entraînent dans le ghetto où des milliers de juifs ont été massacrés avec la complicité de la population en 1941, où beaucoup finissaient d'une balle dans la nuque au bord d'une fosse. Mais Mr Piekielny a-t-il vraiment existé? Romain Gary ne l'a-t-il pas simplement inventé? " S'il n'était que d'encre et de papier, voilà qui signait le triomphe indubitable, éclatant, de la littérature via la fiction"

Mais ce roman ne se limite pas à l'évocation de Romain Gary loin de là. En effet François-Henri Désérable multiplie les digressions sur lui-même mais aussi sur les auteurs qui l'ont marqué. Pennac le mène à Gogol évoqué par Gary, c'est l'inventeur du cliffhanger, procédé qui consiste à terminer un chapitre en créant une attente du lecteur. Il parle de sa découverte des livres, de ses débuts d'écrivain, de sa mère qui se désespère de le voir écrire au lieu d'avoir un métier plus assuré, "Désolé pour tes rêves évanouis, je n'ai que mes livres et je les dépose à tes pieds", "Il fallait que le front de son fils fût ceint de lauriers pour qu'elle pût enfin s'en coiffer à son tour. Mais là où Romain Gary s'était mis à écrire pour la sienne, c'est à la fois grâce à la mienne et contre elle que je suis devenu écrivain : ce qui aujourd'hui m'emporte et m'exalte et me tient lieu de vie, c'est à elle, sans doute, que je le dois"

Contrairement à d'autres je n'ai pas été gênée par le fait que François-Henri Désérable parle régulièrement de lui, je n'ai à aucun moment trouvé qu'il faisait preuve de suffisance, toutes ses digressions personnelles ont un sens par rapport à Romain Gary, par rapport à la littérature. Lorsqu'il évoque sa mère, c'est pour la comparer à celle de Romain Gary. Je ne l'ai jamais trouvé indécent "Si j'ai dévoilé une part de l'intime, c'est pour mieux dissimuler le privé", au contraire j'ai aimé l'autodérision et l'humour dont il fait preuve.
François-Henri Désérable nous offre un récit vivant aux multiples facettes dans lequel il passe sans cesse du grave au léger.
Parallèlement à l'évocation de Romain Gary, ce roman est un très bel éloge de la littérature,  l’auteur y souligne les liens entre fiction et réalité et  montre l'importance donnée aux personnages de fiction en hommage à un auteur qui a su si bien mêler fiction et réalité.


Ce roman est sélectionné pour les prix Goncourt, Renaudot, Médicis, Fémina, Interallié et pour le Grand Prix de l'Académie française.

 

Citations 
" Si l'on ne peut trouver de jouissance à lire et relire un livre, disait Oscar Wilde, il n'est d'aucune utilité de le lire même une fois"  

" Chaque fois qu'il y a désir de relecture, il y a littérature"

" Tu m'aurais dit que l'important c'est d'y croire, que c'est ça la littérature, l'irruption de la fiction dans le réel, et parodiant la bonne vieille parade de Boris Vian tu m'aurais dit mais voyons, cette scène est vraie, puisque je l'ai inventée"

" Qu'est-ce qu'un mensonge, sinon une variation subjective de la vérité?"

" Il ne pense qu'à cela. Écrire. Tenir le monde en vingt-six lettres et le faire ployer sous sa loi"


L'auteur
Né en 1987 à Amiens, François-Henri Désérable passe son enfance et son adolescence en Picardie. À quinze ans, il part dans le Minnesota, aux États-Unis, pour s’adonner à sa passion : le hockey sur glace, qu’il a commencé à pratiquer à l’âge de cinq ans. À dix-huit ans, il devient joueur de hockey professionnel, entre en fac de droit et commence à écrire. Tu montreras ma tête au peuple, récits des derniers instants de personnages guillotinés pendant la Révolution française, est publié en 2013 aux éditions Gallimard. Il remporte plusieurs prix dont celui de la Vocation. En 2015, paraît Évariste, biographie romancée d’Évariste Galois, prodige des mathématiques mort en duel à vingt ans.



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33ème participation au Challenge Rentrée Littéraire 2017




4 commentaires:

  1. J'avais détesté "Evariste" et je m'étais juré de ne jamais plus lire de romans de Désérable, mais comme je suis fan de Romain Gary et que la plupart des billets sont très élogieux, je vais me laisser tenter!

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    1. C'est amusant mais je me souviens parfaitement de ta détestation pour Evariste, cela m'avait surprise car je l'avais bien aimé mais j'avais compris tes arguments.
      Si tu es fan de Romain Gary ce roman est pour toi, il va te réconcilier avec Désérable !

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  2. Je ne comprends pas comment on peut être gêné par la place que prend l'auteur, puisque son amour de Gary et de la littérature sont le sujet mêmes du roman. En tout cas, pour ma part, comme toi, j'ai beaucoup aimé. Il m'a vraiment enchantée, ce jeune écrivain !

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    1. Je ne comprends pas les critiques que j'ai vues sur ce roman dans le cadre du jury Elle, il n'a d'ailleurs pas été retenu...
      Je trouve que la place que se donne cet auteur dans le récit est toujours à propos, il se met en scène avec subtilité et humour. J'adore !

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