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mardi 14 février 2017

La téméraire de Marine Westphal


Date de parution : janvier 2017 chez Stock
Nombre de pages : 144

"C'est cela l'amour, tout donner, tout sacrifier sans espoir de retour." Albert Camus


Dès les premières pages ce qui m'a frappée dans ce roman c'est la beauté du style de l'auteure, sa plume délicieusement poétique. Et c'est son premier roman...

Sali et Bartoloméo sont mariés depuis 36 ans lorsque Bartoléméo est victime d'un AVC. Ce bel homme de 58 ans solidement bâti se retrouve " Tête sans lumière, corps chiffon, passé gommé.".
Amoureux de la nature, il était garde moniteur d'une  réserve naturelle, sa devise était "Respecter la nature et écouter tout ce qui vit." Chargé de la fiabilité et de la propreté de sentiers de randonnée dans les Pyrénées, c'est sur un de ses chers sentiers qu'il a eu son attaque.

De retour à la maison, sans espoir d'évolution de son état végétatif, il est veillé par Sali qui ne le quitte pas et dort contre lui dans le lit médicalisé installé dans le salon. Sali ne s'accorde pas le droit de s'occuper d'elle. " Une à une, elle avait repassé et plié leurs habitudes et les avait rangées, tassées bien profond pour avancer". Sa vie est faite de petits attentions, comme celle de choisir la température de l'eau qui va servir à la toilette de son mari faite par Olga, l'infirmière.

Mais peu à peu, au bout de quelques mois, une idée grandit en elle, elle décide de "réenchanter les derniers instants de son mari" comme l'indique si joliment l'éditeur, elle veut lui offrir un départ qu'elle juge digne "Car il est une chose plus pénible encore que d'apprendre la mort d'un être aimé, c'est de l'attendre."

 " Sauver sa mort, puisqu'elle ne pouvait sauver sa vie."

Quelques personnages secondaires, tous émouvants, entourent ce couple, l'ami qui a assisté à l'AVC, l'infirmière Olga, la voisine qui les aide en garnissant le frigo et surtout leurs deux enfants, tous deux bouleversants.

Le métier de Bartoloméo donne l'occasion à l'auteure d'écrire de belles tirades sur les randonneurs qui cherchent une "nature prête à l'emploi"," boulimiques de merveilles. Se gorger, se farcir comme une dinde ", " L'immobilité est perçue comme une perte de temps, ceux qui se pressent ont peur et ratent tout de la beauté du monde." Un bel éloge de la contemplation...

Marine Westphal met de la poésie dans la description de l'AVC, dans la progression du "débris" qui va provoquer le drame. Son expérience d'infirmière lui a certainement fourni le terreau pour décrire certaines scènes.
Bizarrement un narrateur, sous la forme du "je", apparaît très épisodiquement, à 3 ou 4 reprises, sans s'identifier avec une phrase, un paragraphe "Je crois que le plus cruel pour eux dans l'histoire, c'est de continuer de voir cet homme alors qu'ils l'ont perdu."

J'ai trouvé ce récit MAGNIFIQUE, c'est un texte bouleversant sur l'amour absolu d'une femme pour son mari et un magnifique portrait de femme. Le sujet est certes grave mais j'ai trouvé que la façon dont l'auteure l'abordait avait un côté lumineux et qu'elle ne tombait jamais dans le pathos.
D'une rare sensibilité, toujours juste, magnifiquement écrit, il se termine par une bien jolie danse. Marine Westphal, qui n'a que 27 ans, fait preuve d'une impressionnante maturité et d'une très belle maîtrise de l'écriture. 
En lisant ce livre j'ai eu l'impression d'assister à la naissance d'un écrivain car je ne doute pas qu'on entendra parler de Marine Westphal dans les années à venir. 

Merci à NetGalley et aux éditions Stock pour cette lecture.






Citations
" Pour le rendez-vous elle avait colorié sa bouche de coquelicot en tube, poudré ses pommettes, la totale, pour au final se cacher, avancer masquée. Elle apprendra que son rouge avait bavé sur ses incisives, ravageant son sourire un brin carnassier."

" Lui faire lâcher prise. Trouver la corde sensible de l'autre, l'essentiel, la moelle prisonnière, et la gratter, la faire vibrer, et la dévoiler, enfin."

" Il y a, sous la peau du visage des personnes qui ont perdu quelqu'un, une bête, semblable à une pieuvre distendue, qui n'agit que dans l'ombre. Quand on lui tourne le dos, tapie sous la chair élastique, elle aspire, rumine, gloutonne, absorbe joie, présent et confiance, laissant leur visage gris, éteint. La lumière n'y revient que lorsque le regard des autres s'en mêle."

" Être face à la mort, çà change un homme."


L'auteur

Marine Westphal a a vingt-sept ans, elle est infirmière.
"La téméraire" est son premier roman.



3ème lecture parmi les douze premiers romans de la sélection rentrée d'hiver des 68 premières fois


11ème contribution au Challenge Rentrée Hiver 2017 organisé par Laure de MicMelo
 





12 commentaires:

  1. Je le note, merci pour la découverte !

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    1. Merci pour ces visites sur mon blog!
      C'est en effet une très belle découverte.

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  2. Tellement d'accord avec toi 😉 Et le passage sur "l'immobilité" je l'avais aussi !!!!!!!!

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    1. Nous avons en effet la meme sensibilité Annie...
      C'est fou le nombre de phrases que j'ai eu envie de noter dans ce roman.

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  3. Encore un sujet dur je trouve en cette rentrée pas follement gaie je dois dire...! Mais je note ton coup de coeur !

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    1. C'est vrai, les thèmes ne sont pas souvent gais mais dans ce livre même si je sujet est grave le récit a un côté lumineux (je vais d'ailleurs rajouter ce point dans ma chronique car le thème peut rebuter et ce serait tellement dommage...)

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  4. Que dire de plus si ce n'est que je partage l'intégralité de ton billet. Ce roman est dur mais lumineux et si poétique à travers la maladie mais aussi les paysages. Marine Westphal est une auteure à suivre de près, très près.

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    1. J'ai lu ta chronique, on est complètement sur la même longueur d'ondes.
      J'ai adoré l'écriture et la façon de traiter ce sujet si grave.

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  5. Oh je note .... merci merci
    Biz

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    1. Trop contente de contribuer à faire découvrir ce magnifique roman!
      Bises

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  6. Réponses
    1. Merci pour ce passage sur mon blog Cristie.
      Je suis vraiment ravie de contribuer à faire connaître ce très beau livre.
      Bonne lecture !

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