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lundi 23 septembre 2019

UnPur d'Isabelle Desesquelles

Date de parution : 22 août 2019 chez Belfond
Nombre de pages : 221

" A huit ans, ce qu'un grand te dit, tu le crois "

Août 1976. Deux vrais jumeaux de huit ans, Benjamin et Julien, sont en vacances avec leur mère à Venise. Benjamin est enlevé sur la place St Marc par un homme qu'il va surnommer le "Gargouilleur" puis séquestré par ce pédophile. Pourquoi lui? Pourquoi pas son frère jumeau?

Bientôt se produit l'inconcevable lors de la première visite du monstre dans sa chambre le soir de Noël " A huit ans, je n'ai pas d'images, pas de mots, mais je sais". Benjamin deviendra la proie de son bourreau qui sera parfois capable de gestes de gentillesse. " Je m'exécute, je suis son pantin désarticulé", " Je n'ai pas pu aller contre la tourmente, m'y opposer. En me mettant dans son courant, en me laissant entraîner, j'avais une chance". Après l'avoir abusé, cet homme va le transformer en appât pour attirer d'autres enfants. Huit ans plus tard Benjamin parvient à s'échapper mais il découvre qu'il a des pulsions sexuelles inquiétantes...

Ne pas avoir essayé de s'enfuir fait-il de lui le complice de son bourreau ? Être une sorte de prisonnier consentant le rend-il responsable des monstruosités que son ravisseur lui fait faire? Quel homme peut-il devenir après avoir eu cette brisure dans son enfance? Sera-t-il contraint toute sa vie de lutter contre ses pulsions, ses obsessions nées de ces années de malheur ?  "C'est cela qui me restait, qui m'attendait? Penser systématiquement à mal toute la vie à vivre?" 

                                             " Je suis le fantôme d'un pauvre enfant. 
                                                   Quelle sorte d'homme cela fait ?" 

Quarante ans plus tard s'ouvre le procès du ravisseur mais pourtant c'est Benjamin qui est sur le banc  des accusés... Comment et pourquoi se retrouve-t-il là ?

Isabelle Desquelles signe ici un grand roman en abordant à nouveau un thème terriblement angoissant pour des parents. La force de cette histoire est qu'elle est racontée par la voix de Benjamin, l'auteure parvient à nous mettre dans la peau de cette victime, à retranscrire son malaise face à ce qu'il est devenu et à disséquer ses émotions ambivalentes. J'ai aimé son économie de mots pour dire l'indicible sans aucune complaisance ni aucun voyeurisme. J'ai aimé la construction très habile du roman qui mène le lecteur de rebondissement en rebondissement entre rêve et réalité. Le sujet est certes dérangeant et la lecture est par moments éprouvante mais l'écriture nous envoûte par une poésie et par une musicalité qui nous bercent.
Un roman qui bouscule où l'auteure explore avec subtilité comme avec son précédent roman "Je voudrais que la nuit me prenne" la question de la perte de l'enfance, de la perte de l'innocence avec infiniment de finesse et de sensibilité. Une perte qui concerne à la fois Benjamin et Julien, deux jumeaux à l'enfance volée. Un roman lu en apnée jusqu'au magistral dénouement. Quel talent !


Citations 
" La fêlure d'une mère, elle est votre blessure à vie."

" Je ne veux pas me souvenir, et pourtant je suis une machine à souvenirs."

" J'abrite de telles ruines en moi."

" Il y avait tellement dans cette maison, dans ma bouche ; et partout en moi l'épouvante."

" Une prescription pour qui viole l'enfance ? Il en serait du crime comme d'un bon vin qui se bonifie avec le temps?"


L'auteure


Isabelle Desesquelles est notamment l'auteure de "Je me souviens de tout" et de  "Les Hommes meurent, les Femmes vieillissent". Elle a fondé une résidence d'écrivains dans le Lot, la maison De Pure Fiction.(Sources : Éditeur)







Lu de cette auteure



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