Pages

vendredi 11 septembre 2020

Arène de Négar Djavadi

Date de parution : 20 aout 2020 chez Liana Levi
Nombre de pages : 432 

Benjamin Grossmann est devenu responsable du développement de la filiale française de BeCurrent, une de ces fameuses plateformes américaines qui diffusent des séries à des millions d'abonnés. Tout réussit à ce producteur de séries concurrent de Netflix, l'ascenseur social l'a mené au sommet, lui qui a vécu une enfance modeste à Belleville.

Un jour, après avoir rendu visite à sa mère Cathie dans le quartier de son enfance où il se retrouve confronté à ses racines, son téléphone rempli de numéros de stars disparaît dans un bar-tabac de Belleville, au moment où un jeune le bouscule.  Benjamin poursuit le jeune jusqu'au bord du canal Saint-Martin, une altercation s'ensuit...

Le lendemain, une vidéo prise par Camille, une jeune lycéenne de seize ans, fait le tour des réseaux sociaux. Camille Karvel s'est donné pour mission de surveiller la police et diffuse sur les réseaux sociaux des vidéos estampillées "violence policière". Sur sa vidéo, les images du corps sans vie de l'adolescent supposé voleur est bousculé par une policière en intervention sur les berges du canal St Martin. La policière Asya Baydar, d'origine turque, a toujours eu un comportement irréprochable, elle pensait avoir sous les yeux un toxico ou un migrant à faire déguerpir.

La vie de Benjamin et de plusieurs autres personnes vont basculer après la diffusion de cette vidéo qui, sortie de son contexte, devient vite virale. Benjamin va être dévoré par une incertitude grandissante, les coups qu'il a portés au jeune homme lors de leur altercation ont-ils provoqué sa mort lorsqu'il l'a poussé contre une barrière métallique ? Benjamin est également paniqué par la perte de son téléphone car il sait que sa position professionnelle est certes très confortable mais aussi très fragile, le moindre faux pas peut le faire descendre de son piédestal... 

Dans les pas de Benjamin, nous rencontrons des dizaines de personnages, un prédicateur islamique illuminé, une candidate à la mairie de Paris, Amir, un réfugié afghan hébergé par la mère de Benjamin monteuse et restauratrice de pellicules anciennes qui sauve les images du passé alors que son fils ne vit que pour "les hypermarchés de la fiction... et le pouvoir hypnotique du divertissement", chacun va subir les conséquences terribles de ces images qui vont déclencher une spirale de violences dans l'arène, les quartiers populaires de l'est de Paris.

L'histoire se déroule sur 48h. Ce roman est une fresque sociale sur la place de l'image dans notre société de nos jours, sur le pouvoir des images et leur capacité à nous manipuler, sur le "miroir déformant des réseaux sociaux". Dans le Paris du 21ème siècle Négar Djavadi installe une intrigue autour d'un fait-divers dans un quartier très populaire à la population cosmopolite, un quartier où règlements de comptes entre bandes et guerre de territoire sur fond de trafic de drogue sont quotidiens. Elle dépeint en miroir le monde factice dans lequel évolue Benjamin, golden boy ultra-connecté, passionné mais impitoyable, monde où les clients de BeCurrent vivent leur vie par procuration à travers celle des héros de séries qu'ils regardent jour et nuit, monde où la fiction remplace le réel dans une surenchère étourdissante d'émotions. Le récit est alerte, bien rythmé, assez foisonnant parfois un peu trop. Le style est moderne avec quelques inclusions de SMS, de messages d'alerte dans le corps du texte. Negar Djavadi pose un regard acéré sur notre société et sur la mécanique implacable de la violence, elle nous offre une description très réaliste d'un quartier populaire rempli de dealers et de junkies, d'un Paris à feu et à sang en proie à des émeutes incontrôlables, elle retranscrit à merveille l'emballement médiatique, la rage des jeunes des cités, l'impuissance des mères de famille. Un engrenage qui fait froid dans le dos. Un récit lucide, percutant et pessimiste. Une belle réussite.


L'auteure

Négar Djavadi naît en Iran en 1969 dans une famille d’intellectuels opposants au Shah puis à Khomeiny. Elle a onze ans lorsqu'elle arrive clandestinement en France. Diplômée de l'INSAS, une école de cinéma bruxelloise, elle travaille plusieurs années derrière la caméra avant de se consacrer à l’écriture de scénarios. En 2016, Désorientale, son premier roman est un succès de librairie unanimement salué, traduit en une dizaine de langues. Elle vit à Paris. (Source : éditeur)





Lu de cette auteure



pour accéder à ma chronique, cliquer ici






Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire