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samedi 9 janvier 2021

Les Grandes Occasions d'Alexandra Matine


Date de parution : 6 janvier 2021 aux éditions Les Avrils
Nombre de pages : 248  

PREMIER ROMAN 

Sous la chaleur oppressante de juillet la table est dressée sur la terrasse. Esther attend ses quatre enfants pour le déjeuner. Recevoir tous ses enfants en même temps est pour Esther un événement exceptionnel, une grande occasion. Toute sa vie, Esther s'est appliquée, patiemment, chaque jour, à "tisser sa famille" constituée de deux garçons et deux filles qu'elle a eus avec Reza, un iranien qui est venu s'installer en France pour fuir la misère. 

C'est d'abord Vanessa qui appelle sa mère pour lui dire qu'elle ne viendra pas. Vanessa est sa petite dernière qu'elle voyait comme sa dernière chance, Esther avait vécu son départ, le quatrième et dernier départ, comme un abandon. Même si elle avait alors compris que " le destin d'une mère, c'est de laisser partir ses enfants. De son ventre, de sa maison, de ses bras.... Mettre au monde ce n'est pas accoucher, c'est se laisser abandonner", Esther n'avait pas pu s'empêcher d'en vouloir à sa fille d'avoir une vie en dehors d'elle, qui plus est, de partir vivre sa vie en Australie. 

Puis c'est Alexandre qui appelle pour signifier son absence au repas familial. Alexandre est le fils aîné, le favori du père, celui que le père a choisi, celui qu'Esther a sacrifié le laissant entre les mains de son mari qui transformait cet enfant prodige en singe savant. Cette place d'Alexandre dans la famille est à l'origine de beaucoup de ressentiment envers lui, les autres enfants ont vécu dans l'ombre de cet aîné, le cadet Bruno a vainement multiplié des efforts désespérés pour capter l'attention de son père qui n'a pas su créer de lien avec ses autres enfants, une distance s'est installée entre les deux frères malgré les efforts d'Esther pour qu'ils se rapprochent. 

Ils n'ont pas été réunis tous ensemble depuis le mariage de Bruno qui a marqué la destruction de la famille mais Esther continue à espérer. Pour elle avoir ses enfants ensemble autour d'elle est une obsession, peu importe si on ne se parle pas, si on ne se comprend pas. L'illusion d'une famille soudée lui suffit.

C'est un roman sur la difficulté pour une mère de voir partir ses enfants, sur les liens qui se distendent, sur l'éclatement d'une fratrie. La famille est joliment symbolisée par l'image de tapisserie tissée de fils de soie colorés par Esther, son œuvre inachevable. Esther s'est employée à tisser tous ensemble les petits nœuds qui resserrent la famille, ce tissage est l’œuvre de sa vie mais elle semble surtout vouloir nouer les uns aux autres pour qu'ils ne s'éloignent pas d'elle, "Les uns forcés contre les autres. Comprimés dans la cage", maintenir les liens coûte que coûte est son obsession

Au début du récit j'ai perçu Esther comme une mère exclusive, abusive en particulier vis à vis de sa plus jeune fille Vanessa, j'ai vu en elle une mère qui souffre d'avoir perdu le contrôle sur ses enfants et qui vit dans la solitude et l'attente. Mais au fur et à mesure qu'Esther égrène ses souvenirs, j'ai mieux compris leur histoire, la place de chacun dans la famille et dans la fratrie. Au fil du récit on comprend la construction et l'effondrement de cette famille qui a toujours vécu dans le silence, " On ne parle que de choses. On ne parle jamais de soi" sans aucune démonstration d'affection, une famille qui a toujours pratiqué l'évitement pour ne pas affronter les non-dits. La psychologie de chacun des membres de la famille est bien fouillée, leurs sentiments sont bien développés, en particulier le sentiment de jalousie. Ce roman nous fait nous interroger sur Qu'est-ce qu'être mère? Qu'est-ce qu'être une fratrie ? Qu’est-ce qu'être une famille ? Un premier roman réussi. 

 

L'auteure


 
Née à Paris en 1984 et diplômée de Sciences-Po, Alexandra Matine commence une carrière de journaliste à Londres avant de rejoindre Amsterdam, en 2014. Lorsqu’elle perd sa grand-mère, elle prend brutalement conscience de la fragilité des liens familiaux et des pièges du non-dit. Comme en apnée, elle compose Les Grandes Occasions.  (Source : éditeur)




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