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samedi 8 octobre 2022

La Treizième heure d'Emmanuelle Bayamack-Tam



Date de parution : aout 2022 chez P.O.L. 
Nombre de pages : 512

Dans ce nouveau roman Emmanuelle Bayamack-Tam place Farah, son héroïne d'Arcadie, dans une nouvelle configuration familiale. Son père, Lenny, est le fondateur de l'Eglise de la Treizième heure, une congrégation millénariste qui se rassemble autour de messes poétiques. Lenny est un homme bienveillant, "champion du monde de la philanthropie", qui s'est donné pour objectif de répandre l'amour à travers le monde grâce à Nerval. 

La Treizième heure, Eglise inclusive et queer, recueille "des âmes en peine, déracinées, persécutées". Une récente pandémie a contribué à grossir les rangs de la communauté, la centaine de membres, essentiellement des femmes,  considèrent que la série de cataclysmes que connaît la planète est un signe avant-coureur du retour de Dieu parmi les hommes. 

Après un an d'amour avec Lenny, la mère de Farah, Hind, s'est volatilisée une semaine après sa naissance laissant Lenny complètement dévasté. Depuis il élève seul leur fille au sein de la communauté qu'il a fondée peu de temps après le départ de la jeune femme. Arrivée à l'adolescence Farah interroge son père sur sa mère et sur son propre genre car elle est née intersexuée. Alors que son père a mis le mensonge au centre de son combat, Farah découvre à seize ans qu'il lui a menti et qu'elle n'a pas une mère mais deux, une mère d'intention Hind et une mère porteuse Sophie. Elle va mener son enquête comme les détectives des romans qu'elle affectionne tant et déclare la guerre à son père qui était jusqu'alors son héros, d'autant plus qu'un jour elle rencontre Hind et comprend que son père ne lui a pas encore tout dit car Hind est transexuelle.

Emmanuelle Bayamack-Tam nous livre ici un roman ultracontemporain dans lequel elle décortique la question de la transidentité, des nouvelles familles et des nouveaux modes de procréation car Farah est issue d'une GPA. La toile de fond est aussi très contemporaine avec la pandémie, le réchauffement climatique et les angoisses de fin du monde.

C'est un roman choral dans lequel les voix de Farah puis de Lenny puis de Hind nous font découvrir progressivement l'histoire de cette famille vue par chacun de ses protagonistes. La première partie est imprégnée de romanesque, la deuxième de poésie et la troisième de chansons et de danse, suivant les passions de chacun. Chacune de ces trois voix va apporter sa vérité et nous faire découvrir peu à peu les particularités de cette famille hors normes dans laquelle les rôles sont redistribués ainsi que l'histoire d'amour entre Lenny, un homme terne au physique ordinaire élevé par des parents dépressifs et Hind, une algérienne flamboyante, fantasque et compliquée. "Hind ne me rendait pas heureux, elle me rendait vivant."

Comme toujours, Emmanuelle Bayamack-Tam choisit des thèmes sociétaux graves et les traite de façon très vivante, distillant avec un humour vivifiant des passages savoureux sur la haine de Lenny pour le roman, sur la vieillesse, sur le désir... Le délire de Lenny, complètement illuminé, est particulièrement bien restitué, la flamboyance et le franc parler de Hind enflamment la troisième partie du roman qui regorge de dialogues qui sonnent toujours très juste. Hind est incontestablement l'héroïne de ce roman. Excentrique, libre, égocentrique, solaire, inconstante elle émeut par ses excès et ses blessures d'enfance.  

Un roman sur l'identité très audacieux, drôle et à la fois  grave, qui  sort des sentiers battus. Un plaidoyer pour la tolérance très réussi, mené sur un rythme virevoltant.

Pour Chantal c'est un roman sacrément culotté !

 

Citation

" Les poètes ont sur les romanciers l'avantage inestimable de ne pas écrire à la truelle, avec un début, un milieu, une fin. La poésie ne se laisse pas plus que la vie tronçonner en chapitres ou en épisodes."

"Le désir, c'est tout sauf simple, surtout quand on en éprouve très peu pour soi-même."


L'auteure


Emmanuelle Bayamack-Tam est née en 1966 à Marseille. Elle vit à Villejuif. Elle publie aussi aux éditions P.O.L. sous le nom de Rebecca Lighieri (Source : éditeur)




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4 commentaires:

  1. Venant de finir "la treizième heure " je me suis précipitée pour lire vos avis Joëlle et Chantal (je ne les lis pas avant lecture...)
    Beaucoup aimé et surtout la première partie où Farah parle avec tellement de sensibilité et d'humour. jJaurais aimé qu'elle soit plus longue et celle de Lenny plus courte, celle que j'ai le moins aimé. Et Hind! qui apparait comme un personnage horrible dans les deux premières parties et qui se révèle touchante à son tour. C'est très réussi en effet ; autant qu'Arcadie !

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    1. Oui c'est dans la même veine qu'Arcadie et tout aussi réussi. Moi c'est la voix de Hind qui m'a le plus touchée...

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  2. J'ai de plus en plus envie de découvrir cette romancière et je pense commencer par "Arcadie". Si je m'enthousiasme, je pourrai continuer...

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    1. C'est une auteure qui a vraiment un univers à part, si Arcadie vous plait, la treizième est également pour vous !

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