Date de parution : janvier 2015 chez P.O.L.
Nombre de pages : 464
J'ai été happée d'emblée par cette histoire qui se déroule de nos jours à
Marseille. Elle commence très fort par la tentative de restitution à la
DDASS de Charonne par ses parents adoptifs parce qu'elle est noire et
grosse, c'est une petite fille âgée de 6 ans qu'ils ont adoptée un an
plus tôt.
Charonne vit avec ses parents qui se montrent indifférents à son sort,
ils sont adeptes de la méditation et du dénuement et passent 6 mois de
l'année loin d'elle au Bhoutan. Vivent également dans la même maison son
grand père qui sombre dans la démence et sa grand mère qui parvient
finalement à finir par l'aimer.
L'originalité de ce livre tient dans la façon dont l'histoire de cette
famille est racontée. Charonne puis Nelly et enfin Gladys racontent
leurs vécus, leurs ressentis. Ce procédé est intéressant car on attend
avec impatience de savoir dans la partie suivante comment les autres
membres de cette famille ont vécu les événements évoqués et l'on
découvre peu à peu quelques vérités et les différents enchainements qui
ont conduit cette famille dans l'impasse dans laquelle ils se trouvent
tous.
Au cœur de ce roman on trouve le racisme absolu, les ravages de la
vieillesse décrits de façon très réaliste par Nelly, le racisme anti
gros, la filiation, l'adoption, l'enfant imaginaire, le narcissisme et
la frivolité.
J'ai trouvé l'écriture assez ordinaire mais agréable.
Par contre, contrairement à d'autres je n'ai pas trouvé ce roman
comique, je dirai plutôt qu'il est écrit sur un ton léger, humoristique,
seule la description de sa nuit de noces par Nelly est vraiment
hilarante.
J'ai été touchée par le vécu de Gladys qui s'est sentie éclipsée et
spoliée toute sa vie. Remplie de haine, elle n'a pas su aimer les gens,
elle n'a pas su vivre tout simplement. On est ému par sa grande
souffrance due au manque d'attention et d'amour de ses parents qu'elle
appelle "parents de pacotille". Jalouse de l'amour que sa mère a porté à
sa fille, elle continue des années après son adoption à la nommer "ma
fille qui n'est pas ma fille",
C'est une histoire de non dits, de rancœurs larvées très prenante.
Citations
"Je transpire. C’est ce qui arrive fréquemment aux petites filles quand
elles sont grosses et noires – et nous touchons là au principal motif de
déception de mes parents, même si la tête sur le billot ils n’en
conviendraient pas : je suis noire. Des gens plus avertis s’en seraient
aperçus tout de suite, mais voilà, au moment de mon adoption, j’étais
plutôt d’une pâleur olivâtre due au confinement hivernal. Comme par
ailleurs j’ai toujours eu des taches de rousseur, je pouvais tout à fait
passer pour blanche. Si vous ajoutez à ça le tressage quotidien de ma
chevelure par une éducatrice capverdienne, vous comprendrez pourquoi mes
parents sont aujourd’hui estomaqués par ma métamorphose, ce vilain tour
de passe-passe qui a transformé leur miniature ivoirine en une créature
boulotte, basanée et crépue."
"L'un des grands avantages de la négligence parentale, c'est qu'elle
habitue les enfants à se tenir pour négligeables. Une fois adultes, ils
auront pris le pli et seront d'un commerce aisé, faciles à satisfaire,
contents d'un rien."
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