dimanche 18 octobre 2015

Je viens d'Emmanuelle Bayamack-Tam




Date de parution :  janvier 2015 chez P.O.L.
Nombre de pages : 464

J'ai été happée d'emblée par cette histoire qui se déroule de nos jours à Marseille. Elle commence très fort par la tentative de restitution à la DDASS de Charonne par ses parents adoptifs parce qu'elle est noire et grosse, c'est une petite fille âgée de 6 ans qu'ils ont adoptée un an plus tôt.
Charonne vit avec ses parents qui se montrent indifférents à son sort, ils sont adeptes de la méditation et du dénuement et passent 6 mois de l'année loin d'elle au Bhoutan. Vivent également dans la même maison son grand père qui sombre dans la démence et sa grand mère qui parvient finalement à finir par l'aimer.
L'originalité de ce livre tient dans la façon dont l'histoire de cette famille est racontée. Charonne puis Nelly et enfin Gladys racontent leurs vécus, leurs ressentis. Ce procédé est intéressant car on attend avec impatience de savoir dans la partie suivante comment les autres membres de cette famille ont vécu les événements évoqués et l'on découvre peu à peu quelques vérités et les différents enchainements qui ont conduit cette famille dans l'impasse dans laquelle ils se trouvent tous.
Au cœur de ce roman on trouve le racisme absolu, les ravages de la vieillesse décrits de façon très réaliste par Nelly, le racisme anti gros, la filiation, l'adoption, l'enfant imaginaire, le narcissisme et la frivolité.
J'ai trouvé l'écriture assez ordinaire mais agréable.
Par contre, contrairement à d'autres je n'ai pas trouvé ce roman comique, je dirai plutôt qu'il est écrit sur un ton léger, humoristique, seule la description de sa nuit de noces par Nelly est vraiment hilarante.
J'ai été touchée par le vécu de Gladys qui s'est sentie éclipsée et spoliée toute sa vie. Remplie de haine, elle n'a pas su aimer les gens, elle n'a pas su vivre tout simplement. On est ému par sa grande souffrance due au manque d'attention et d'amour de ses parents qu'elle appelle "parents de pacotille". Jalouse de l'amour que sa mère a porté à sa fille, elle continue des années après son adoption à la nommer "ma fille qui n'est pas ma fille",
C'est une histoire de non dits, de rancœurs larvées très prenante.


 
 Citations 
"Je transpire. C’est ce qui arrive fréquemment aux petites filles quand elles sont grosses et noires – et nous touchons là au principal motif de déception de mes parents, même si la tête sur le billot ils n’en conviendraient pas : je suis noire. Des gens plus avertis s’en seraient aperçus tout de suite, mais voilà, au moment de mon adoption, j’étais plutôt d’une pâleur olivâtre due au confinement hivernal. Comme par ailleurs j’ai toujours eu des taches de rousseur, je pouvais tout à fait passer pour blanche. Si vous ajoutez à ça le tressage quotidien de ma chevelure par une éducatrice capverdienne, vous comprendrez pourquoi mes parents sont aujourd’hui estomaqués par ma métamorphose, ce vilain tour de passe-passe qui a transformé leur miniature ivoirine en une créature boulotte, basanée et crépue."

"L'un des grands avantages de la négligence parentale, c'est qu'elle habitue les enfants à se tenir pour négligeables. Une fois adultes, ils auront pris le pli et seront d'un commerce aisé, faciles à satisfaire, contents d'un rien." 

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