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samedi 4 février 2023

Au revers de la nuit de Cécile Balavoine


Date de parution : 12 janvier 2023 chez Mercure de France
Nombre de pages : 272

Etats-Unis, hiver 1996. Cécile, vingt-trois ans, fait la connaissance de Sasha lors d'un long voyage en train qui la mène du Minnesota, où elle enseigne le français, à New-York où elle va passer le nouvel an. Sasha est un homme à l'élégance surannée, il semble venir d'une autre époque, habillé comme dans les années 30. Sasha a vingt-trois ans également et rentre à New-York où il veut ouvrir un café. Séduite par son raffinement et sa culture, Cécile le revoit à New-York, ils se rapprochent... Sasha et elle appartiennent à deux mondes très différents, lui est né et a grandi à New-York, une des villes les plus extravagantes du monde, elle vient d'un petit village français en lisière de forêt. "Sasha s'était trouvé sur mon chemin comme un guide, un gardien m'ouvrant les portes de sa ville et de ma nouvelle existence." 

Un jour d'août 2015, alors qu'elle se rend à New-York rejoindre l'homme qu'elle aime, le fameux maestro de son premier roman, Cécile est rattrapée par son passé, bouleversée d'apprendre la mort de Sasha. Il avait magnifié l'art du cocktail, ressuscitant les pratiques du passé, et était devenu une figure de la nuit new-yorkaise.

Dans les deux premières parties de ce roman Cécile Balavoine entremêle savamment les deux époques, 1996 et sa rencontre avec Sasha et 2015, période où son passé resurgit alors que son histoire américaine est loin derrière elle. J'ai aimé retrouver des liens avec ses deux précédents romans, avec l'évocation de sa passion pour le maestro et les allusions à Doubrovsky, maître de l’autofiction. Dans la troisième partie, en pleine écriture de ce roman, Cécile Balavoine part à la rencontre de ceux qui ont connu Sasha dans le monde de la nuit, des bars et des cocktails, des bartenders (barmans). Elle remue le passé, se rapproche de Sasha à travers les souvenirs de ses amis. A travers l'écriture de ce roman elle se rend compte qu'elle fait aussi le deuil de sa jeunesse et de l'insouciance de ses années new-yorkaises.

Elle nous offre une étonnante immersion dans le monde des barmans, nous permet de découvrir l'art du cocktail et rend un très bel hommage à un homme qui semblait d'un autre monde, d'une autre époque. Elégant, fantasque et un peu décalé, c'était un gentleman passionné par les gens, désintéressé par l'argent et la notoriété. Elle parvient à décrire cette personnalité complexe et discrète et à nous la rendre fascinante. Elle met en lumière, dans un New-York dont elle restitue à merveille l'ambiance, le bar clandestin au très doux nom de Milk and Honey ouvert par Sasha, un lieu discret loin des bars tape-à-l'œil et vulgaires qui pullulent, l'aspect théâtral du monde des bars. Le cocktail, invention américaine, "une boisson composite pour un peuple composite".

Elle dévoile sa relation particulière avec Sasha, "une histoire ni d'amour ni vraiment d'amitié "son attachement à cet homme avec qui elle se sent reliée par des fils invisibles, ses regrets de n'avoir pas vu, pas  compris à l'époque quel artiste novateur était Sasha. Cécile Balavoine, comme dans ses deux précédents romans, sait merveilleusement bien écrire l'amour, le désir et l'amitié et son écriture est toujours aussi éblouissante. Très beau livre hommage à un amour de jeunesse et beau portrait de la ville de New-York des années 2000.


Citations

" Nous avions été liés autrefois, dans plusieurs existences, à de nombreuses époques. Cela expliquait que nous nous soyons reconnus plus que connus, ce qui rendait complexe notre relation, nous empêchait de nous détacher vraiment."

" Sasha n'avait cessé de chercher le mariage idéal des textures, des saveurs, la structure mesurée alliant la force de l'alcool à l'onctueux d'un parfum, composant sur l'équilibre délicat des ingrédients comme on compose sur le rythme précaire d'une syllabe ou même d'un e muet, veillant à introduire l'acidulé juste avant le sucré pour un phrasé fluide, avant de mettre en scène chacune de ses boissons, dans le théâtre de ses bars."


L'auteure

Professeur de littérature, Cécile Balavoine est docteur en littérature française et titulaire d’une maîtrise d’allemand.
 Après l’Autriche, l’Allemagne puis New York, où elle a vécu et enseigné pendant dix ans à New York University et Columbia University, elle a retrouvé la France pour devenir journaliste, en 2007. Cécile enseigne à Columbia University in Paris, Smith College et Sciences Po Paris, mais elle écrit aussi pour divers magazines, notamment Air France Magazine, Voyages d’Affaires ou encore IDEAT, des sujets voyages et culture. En 2006, lors du 250e anniversaire de la naissance de Mozart, elle a publié un petit volume sur Salzbourg aux éditions du Mercure de France. À cette occasion, elle a pu rencontrer de nombreux musiciens, chanteurs et chefs d’orchestre, et renouer avec son ancienne passion pour la musique. Elle contribue depuis octobre 2007 aux pôles littérature et musique de nonfiction.fr. En 2017, elle publie son premier roman, "Maestro", ainsi qu’une anthologie, "Le goût du piano", aux éditions Mercure de France.

Photo : Tadzio


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