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lundi 3 juin 2024

L'enfant de la rage d'Anne Boquel



Date de parution : janvier 2024 chez Robert Laffont

Nombre de pages : 288 

Yohann Bellanger, dix-sept ans, vit avec ses parents et sa jeune sœur auprès d'une Zad. Le jeune adolescent, par un mélange d'opposition à ses parents et de révolte, s'est engagé dans cette communauté qui, installée initialement pour lutter contre un projet de viaduc, se bat pour un modèle de société soucieux de l'environnement. Un enjeu tellement plus important aux yeux de Yohann que l'idéal de vie de ses parents que lui proposent. 

Un jour, les parents de Yohann sont appelés : victime d'une balle perdue, il se trouve dans le coma après une charge des CRS. Sortira-t-il du coma ? Dans quel état ?  

La Zad sert de toile de fond à l'exploration d'une histoire familiale très forte. Anne Boquel sait nous décrire de façon réaliste une Zad et ses enjeux. Mais c'est l'histoire d'une famille ordinaire frappée par la tragédie que je retiens le plus de cette lecture. Les raisons de l'engagement militant de Yohann ne sont que brièvement évoquées dans ce roman qui développe les réactions de Laurence et Loïc, ses parents et surtout l'intérêt que Laurence va porter à la cause défendue par les zadistes tentant ainsi de se rapprocher de son fils. Cette mère va finir par s'approprier et poursuivre le combat de son fils.

J'ai beaucoup aimé cette histoire de parentalité. Laurence, secrétaire médicale, va essayer de comprendre les motivations de son fils, de s'approcher de ses convictions, elle va aller à la rencontre de zadistes avec qui Johann passait beaucoup de temps et qui finalement le connaissaient mieux qu'elle "ce n’était pas une fuite, juste un retour, un retour vers lui, qu'elle avait si longtemps refusé de comprendre". Loïc, chauffeur routier, est quant à lui incapable de dépasser sa colère. Les réactions des parents vont être diamétralement opposées et non conformes au rôle traditionnel qu'on attribue en général à un père et à une mère. Loïc va prendre soin du corps de son fils et se battre pour le garder chez lui, Laurence va tenter de se rapprocher de l'esprit de son fils. J'ai beaucoup apprécié ce parti-pris d'Anne Boquel qui prend le contre pied de clichés bien ancrés, c'est pour moi une des forces de ce roman. Elle met en scène des parents très touchants, analyse très finement leurs sentiments et suscite chez le lecteur de multiples sentiments, colère, empathie, tristesse, incompréhension... Elle conduit le lecteur à s'interroger sur la façon dont il aurait réagi face à la révolte et à un choix militant de son enfant qui remet en cause ses propres valeurs, à s'interroger également face à la prise en charge de son coma.

J'ai également apprécié le côté resserré de ce texte, son petit nombre de personnages aussi bien au niveau de la cellule familiale que dans la Zad. Quelques figures bien choisies suffisent pour nous faire comprendre leur engagement et pour restituer l'ambiance et le mode de gouvernance de cette communauté ainsi que les rapports entre ses différents membres. 

Un roman réaliste et très sobre, tout en nuance, où tout sonne très juste avec des images qui resteront gravées dans ma mémoire comme celle de Laurence qui sent l’esprit de son fils l'accompagner à chaque fois que ses pas la mènent à la zad. L'absence de prise de position de l'auteure sur les idées défendues par les zadistes et sur les réactions des parents est remarquable et permet au lecteur d'osciller entre compréhension et colère. Anne Boquel nous offre un portrait de femme inoubliable, celui d'une mère dont la lente émancipation est décrite avec beaucoup de subtilité. 


L'auteure 



Anne Boquel vit et enseigne à Lyon. Romancière et essayiste, elle a notamment cosigné avec Etienne Kern "Une histoire des haines d'écrivains" (Flammarion, 2009). (Source : éditeur)

1 commentaire:

  1. J'ai lu "Le berger" et tout ne m'avait pas plu dedans mais j'ai bien envie de réessayer car il y avait quand même de bonnes choses et tu es séduite par celui-ci.

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