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mardi 20 mars 2018

Les déraisons d'Odile d'Oultremont


Date de parution : janvier 2018 aux Éditions de l'Observatoire
Nombre de pages : 216

"Rien n'est sérieux en ce bas monde que le rire" - Flaubert

Adrien et Louise forment un couple improbable. Adrien est un homme ordinaire élevé par une mère dépressive chronique qui exerce un métier sans grand intérêt "observateur atone, mouton bouclé mal assuré... un exécutant un peu raide qui suivait du doigt les paragraphes de son existence pour ne manquer aucun mot, aucune ligne". Louise est une peintre très fantasque; mariés à la suite d'un coup de foudre, ils forment un couple complémentaire. Au contact de cette femme à part Adrien a "appris à pousser des boutons inédits", à inventer la vie au gré de son imagination, il vit "sous perfusion de sa femme". Grâce à lui, elle a pu s'appuyer sur quelqu'un qui accueille son fouillis et donne corps à son désordre.

Adrien travaille chez AquaPlus, une compagnie des eaux. A la suite d'une restructuration, après dix ans dans l'entreprise, il se retrouve relégué dans un cagibi au bout d'un couloir interminable derrière des armoires d'archives, oublié de tous dans une aile du bâtiment où il est seul à travailler. Il devient un invisible dans un bureau fantôme où il n'a rien à faire. Adrien ne peut pas confier ses angoisses à sa femme car au même moment ils apprennent qu'elle est atteinte d'un cancer.

Louise ne s'effondre pas et continue à vivre dans la joie, danse avec Adrien et décide de dénommer Honey Pops les cellules cancéreuses qui l'envahissent. "Elle prétendait alors que les molécules des médicaments pénétraient mieux les cellules joyeuses, que l'humour et la légèreté constituaient un terrain favorable aux réactions chimiques escomptées, que l'action de ces remèdes se trouvait décuplée par le tremblement d'un corps qui rit". Lorsque se cheveux tombent, elle remplace le port d'une perruque par un dessin qu'elle se tatoue sur son crâne dénudé. A l'occasion des chansons qu'elle improvise pour raconter ses souvenirs à Adrien, apparaissent son histoire familiale et le traumatisme fondateur de son enfance qui l'a faite basculer dans une autre vie et qui a été à l'origine de sa nouvelle façon de se comporter de façon déraisonnable.

Adrien soutient sa femme, l'accompagne à l'hôpital, n'obtient pas d'autorisations d’absence de la part des médecins mais dans sa "Sibérie professionnelle" personne ne lui réclame de justificatif car personne ne remarque son absence au bureau, il va alors lui aussi faire preuve de déraison... En quittant la voie du raisonnable, il n'est pas dit qu'Adrien n'entraine pas d'autres personnes sur ce chemin...

Ce premier roman au ton virevoltant où l'auteure ne se prive pas de quelques jolis coups de griffe sur les médecins, la directrice des ressources humaines, le PDG, le président du tribunal et les avocats en autres est un vrai petit bijou très émouvant qui se lit d'une traite. Le monde impitoyable de l'entreprise qui broie y est décrit avec fantaisie mais de façon implacable. J'ai aimé la fantaisie qu'Odile d'Oultremont prête à Louise, une jolie fantaisie suffisamment bien dosée pour ne jamais lasser, un ton décalé mais pas trop déjanté. J'ai aimé la construction de son récit où la mort de Louise est annoncée dès les premières pages, récit ponctué par le procès intenté à Adrien. J'ai aimé sa plume subtile et son univers qui n'est pas sans évoquer celui d'Olivier Bourdeault et de Gilles Marchand. Un récit original et lumineux.

Merci à Amandine et aux Éditions de l'Observatoire pour l'envoi de ce roman. 


L'auteure


Odile d'Oultremont est scénariste et réalisatrice. "Les déraisons" est son premier roman (Source : Éditeur).


20ème participation au challenge rentrée littéraire 2018 organisé par Bea Comete









4ème lecture de la sélection d’automne des 68 premières fois






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