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dimanche 14 octobre 2018

Arcadie d'Emmanuelle Bayamack-Tam


Date de parution : août 2018 chez P.O.L.
Nombre de pages : 448 

La narratrice, Farah, vit depuis l'âge de six ans avec ses parents et sa grand-mère au sein d'une communauté libertaire et autogérée conduite par Arcady, un gourou charismatique. Ils sont installés à Liberty House, une grande propriété, ancien internat pour jeunes filles située dans une zone frontalière. C'est une zone blanche et la trentaine de personnes qui vivent là n'ont aucun contact technologique avec le reste du monde. Arcady prône le végétarisme, l'anti-spécisme, l'amour libre en dehors de toute idée de possession, le naturisme dans ce jardin d'Éden préservé du mal qui accueille des gens fragiles, des  inadaptés sociaux, des invalides en tous genres. La mère de Farah est hyper sensible aux ondes électromagnétiques, son père est hyper émotif, ce sont des parents défaillants centrés sur eux même qui se déchargent de leurs tâches éducatives sur la communauté. Ils ont tous l'utopie de fonder une société meilleure, de vivre protégés du mal alors que l'humanité court à sa perte.

Farah a eu une enfance hors normes, elle a grandi comme une enfant sauvage, hors technologie et progrès, au contact de la nature, des animaux et des livres, entourée de peu d'enfants et de beaucoup de vieillards tous plus déficients les uns que les autres.

Dans ce roman, on suit le destin de la narratrice mais la plus grande partie du récit porte sur l'été de ses quinze ans, son entrée dans l'âge adulte et son exploration de la sexualité. Elle est en adoration depuis toujours devant Arcady, son père spirituel, son éducateur sentimental. Farah a un physique disgracieux mais un autre problème se pose à elle car au fur et à mesure que son corps se développe, elle se virilise, la puberté fait d'elle une créature androgyne. Atteinte d'ambiguïté sexuelle, Farah se pose des questions sur sa véritable identité, seule face à sa mutation sans télé, sans internet, sans réseaux sociaux pour y trouver des réponses qu'elle cherchera dans les livres. 

Mais un jour, un migrant érythréen va débarquer dans cette utopie libertaire. La communauté composée d'êtres doux, gentils adeptes de la non-violence, va refuser de s'ouvrir aux migrants malgré ses beaux principes d'amour et de tolérance.

Ce roman est une délicieuse fable aux multiples portes d'entrée. En effet, comme dans ses précédents romans, Emmanuelle Bayamack-Tam nous parle du corps, de l'apparence physique, elle aime mettre en scène des personnages au corps disgracieux très éloignés des canons de la beauté qui deviennent objets de désir sous sa plume. Elle nous parle aussi de liberté, d'indépendance, d'amour et de désir, de sexualité, de vieillesse, d'apprentissage au contact de la nature et des livres, elle aborde aussi avec beaucoup de finesse la question du genre et l'ultime liberté de décider qui on est, fille ou garçon.
C'est un roman étonnant et drôle avec des personnages incroyables et une héroïne qui pose un regard lucide, critique parfois cynique mais aussi plein de bienveillance sur la communauté au sein de laquelle elle a acquis une grande ouverture d'esprit, une héroïne droite qui saura aussi être intransigeante quand la communauté la décevra par sa lâcheté. L'écriture mêle avec finesse poésie et trivialité, les préoccupations des ados sont bien observées, leurs dialogues sonnent très juste, la lecture est très fluide sans aucune longueur et ouvre de nombreuses pistes de réflexion car il y a beaucoup de profondeur derrière sa drôlerie. Cette utopie savoureuse, mais aussi très dérangeante, ouvre sur une satire décapante de notre société et fait réfléchir sur notre monde rendu invivable par l'activité humaine. Un vrai régal.

Ce roman est sélectionné pour les prix Fémina, Médicis, Wepler et le prix des Etudiants France Culture - Télérama.


L'auteure
 


Emmanuelle Bayamack-Tam est née en 1966 à Marseille. Vit à Villejuif. Est membre fondateur de l’association interdisciplinaire Autres et pareils. (Source : Éditeur)





 

Lu de cette auteure



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Catégorie : MOT UNIQUE







2 commentaires:

  1. c'est un livre qui m'intrigue beaucoup ! merci pour ce billet qui me donne bien envie de le lire...

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    1. C'est le livre le plus original de cette rentrée. Il vaut vraiment le coup !

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