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vendredi 13 mai 2022

La patience des traces de Jeanne Benameur


Date de parution : janvier 2022 chez Actes Sud
Nombre de pages : 208

Simon est un psychanalyste installé quelque part près de la mer. Un matin, il laisse tomber son bol qui se casse en deux. Il tenait beaucoup à ce bol chargé de souvenirs, cet objet lui était précieux car il lui avait été offert par son ami Mathieu quand il avait onze ans. Simon est un homme d'habitudes, le même bol utilisé tous les matins, ses rendez-vous professionnels consignés dans de nombreux agendas... cette brèche dans son quotidien est pour lui le signe qu'il est temps de partir, de casser le rythme de sa vie et d'aller à la rencontre de lui-même. Lui qui a passé toute une vie à écouter les autres ne s'est jamais préoccupé de sa propre histoire dont il a enfoui certains souvenirs d'enfance douloureux au plus profond de lui-même. "Il a besoin de commencer un autre chemin."

Il part dans les îles subtropicales de Yaeyama au Japon. Là, il s'installe dans une maison d'hôtes tenue par un couple, Akiko et Daisuke, qui vont le prendre sous leur aile pour l’aider dans son cheminement vers la quiétude et l’apaisement. 

Lors de son séjour, il nage accompagné de la raie manta, écrit dans son carnet où il parle de lui, seulement de lui, alors que de toute sa vie il n'a jamais tenu de journal et n'a consigné que les histoires de ses patients dans ses notes de travail. Il s'interroge également sur l'aide qu'il a apportée à ses patients,  les a-t-il suffisamment aidés ? et se demande ce qu'est devenue Lucie F. qui avait mis brutalement fin à ses consultations, a-t-il échoué avec elle ?  

"Peu à peu, il a appris à écouter chacun de ses patients comme on écoute un chant. Un long poème balbutiant. Lui seul peut en saisir le rythme. Avec pour unique outil le silence. Peu à peu il a appris à entendre quand quelque chose cherchait à venir, d’une séance à l’autre. Il a aidé au miracle laborieux du lien qui s’élabore. "

J'ai beaucoup aimé les personnages d'Akiko et Daisuke, leur sagesse, leur extrême bienveillance, leur rapport à la matière, elle qui collectionne les tissus japonais anciens, lui qui répare la céramique brisée par la technique ancestrale du kintsugi qui, avec une laque d'or, magnifie la brisure au lieu de la cacher, tout un symbole... Ce roman est d'ailleurs rempli de symboles, la matière, les objets, les sensations, les silences "Le silence permet de marcher dans sa tête sans crainte" y tiennent beaucoup de place. 

J'ai aimé la façon dont Daisuke et Simon se comprennent sans parler la même langue, ils s'apprivoisent peu à peu et une amitié nait alors qu'ils ne se comprennent qu'aux rythmes de leurs voix, à leurs silences. On ressent la paix infinie que Simon éprouve à être là auprès de ses hôtes si bienveillants mais aussi la vulnérabilité qu'il ressent à ne plus être à l'abri dans son cabinet d'analyste. 

Ce roman contient de magnifiques passages sur le métier de psychanalyste "Le travail l'a toujours sauvé. Chaque jour laisser derrière lui, comme une ombre familière, sa propre vie. Écouter. Avancer avec ceux qui lui faisaient cette confiance extraordinaire de venir dans son cabinet, de parler ou de se taire.... Sentir qu’un patient commence à se dépouiller des faux-semblants, c’est quelque chose. On entre dans sa propre histoire, pieds nus, toujours. Lui, il a été là pour ça. Humblement. Juste être là et accompagner la joie l’inquiétude la souffrance… Tout le panel. Garder courage. Parfois guider d’un mot, rarement une phrase. Et toujours de séance en séance, sa présence tenue, garante que tout cela a bien lieu. Il masse ses reins d’un geste familier. La douleur du dos pour lui rappeler qu’il est resté assis bien trop d’années, immobile. Il n’aurait jamais pu faire autre chose ».

Un livre de silences et de rencontres très poétique, un livre pour raconter un voyage intérieur. Un texte un peu contemplatif au rythme doux et lent, avec très peu de dialogues fondus dans le texte. Une ode à la culture ancestrale et à l'art de vivre des japonais. Une réflexion brillante et une écriture lumineuse. 


L'auteure 


Née en 1952 en Algérie d'un père tunisien et d'une mère italienne, Jeanne Benameur arrive en France, avec sa famille, à l'âge de cinq ans. Entre le roman et la poésie, le travail de Jeanne Benameur se déploie et s'inscrit dans un rapport au monde et à l'être humain épris de liberté et de justesse. (Source : éditeur)

photo Patrice Normand




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9 commentaires:

  1. Il est sur ma PAL, acheté à l'autrice au Printemps du livre de Montaigu. Hâte de le commencer ;).

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    1. Moi aussi j'ai un exemplaire dédicacé que je garde précieusement. Bonne lecture

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  2. C'est une écrivaine que j'aime beaucoup. Je le lirai ce livre

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    1. On est rarement déçue avec elle. Bonne lecture

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  3. Je vais lire ce livre cette semaine, je vais donc revenir pour donner mon humble avis.

    Chantal.

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  4. Un titre bien trouvé, place à la méditation ce titre.

    Un lâcher prise pour ce psychanalyste nécessaire dans ce métier pour moi. son départ au Japon, un très bon choix, la communication non verbale est importante dans ce pays, on voit plus le comportement, la vraie communication à mes yeux, là, il a pu créer de véritables liens, se ressourcer, laisser venir les traces du passé sans angoisse. Une réussite ce livre, il mérite d'être connu. Merci d'en avoir parlé Joëlle.
    Chantal.

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    1. Merci d'être revenue donner votre avis. Jeanne Benameur a merveilleusement bien su retranscrire ce lâcher prise, j'aime beaucoup ce qu'elle écrit en général. Délicatesse, douceur, sensibilité...

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  5. Idem, j'ai aimé aussi orages intimes.

    Chantal.

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