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vendredi 18 août 2023

Perspective(s) de Laurent Binet

 

Date de parution : 18 aout 2023 chez Grasset
Nombre de pages : 304

Florence, 1557. Le peintre Pontormo est retrouvé assassiné au pied des fresques auxquelles il travaillait depuis onze ans. Un tableau a été maquillé. Un crime de lèse-majesté a été commis, en effet le peintre a substitué à Vénus le visage de la princesse Maria, la fille du Duc Cosimo de Médicis. Une Vénus à la tête de Maria dans une fresque constituée de corps nus enchevêtrés à une époque où Rome bannit les nudités. Terrible offense pour la famille des Médicis !

Vasari, l'homme à tout faire de Duc de Florence est chargé de l'enquête. Pour l'assister à distance, il se tourne vers le vieux Michel-Ange exilé à Rome.

La situation exige discrétion, loyauté, sensibilité artistique et sens politique. L'Europe est une poudrière. Cosimo de Médicis doit faire face aux convoitises de sa cousine Catherine, reine de France, alliée à son vieil ennemi, le républicain Piero Strozzi. Les couvents de la ville pullulent de nostalgiques de Savonarole tandis qu'à Rome, le pape condamne les nudités de la chapelle Sixtine.

Du broyeur de couleurs à la reine de France en passant par les meilleurs peintres, sculpteurs et architectes, chacun joue sa carte. Tout le monde est suspect.

A partir d'un fait réel, Laurent Binet a construit cette fiction comme un polar historique épistolaire, une forme très originale. Ce roman est constitué de 176 lettres émanant de peintres, du Duc de Florence, de Catherine de Médicis et surtout de la correspondance entre Giorgio Vasari et son grand ami Vincenzo Borghini qui nous rendent compte de l'avancée de l'enquête. L'auteur a eu la judicieuse idée de nous donner les noms et fonctions de chacun des correspondants au début du texte pour qu'on s'y retrouve un peu parmi tous ces personnages. Par le biais de ces lettres, Laurent Binet multiplie les points de vue, les perspectives, pour notre plus grand bonheur.

Nous côtoyons des sœurs dominicaines qui occupent un hôpital et refusent d'en partir, des ouvriers, menés par le broyeur de couleurs de Pontormo, qui se révoltent pour défendre leurs conditions de travail. Tous ces soulèvements font l'objet d'une répression expéditive de la part du Duc de Florence. Nous mesurons le sort peu enviable des jeunes filles des familles influentes de l'époque, simples pièces déplacées sur l'échiquier des empires, simples moyens pour obtenir l'union de deux maisons, la condition des femmes de la noblesse n'était guère plus enviable que celle des sœurs qui avaient pour ambition de peindre. 

Dans un contexte politique très riche, Laurent Binet met en scène des personnages historiques hauts en couleur, des personnages qui ont tous existé. Il met en lumière le machiavélisme de Marie de Médicis et les positions réactionnaires du pape Paul IV qui censure les œuvres qu'il juge subversives.

Dans une langue complètement appropriée à l'époque et adaptée à chacun des différents personnages, avec irrévérence et drôlerie, l'auteur ne nous cache rien des manigances et intrigues de l'époque sur fond de jeux de pouvoir et de rivalités pour le contrôle de la Toscane. Un texte rocambolesque derrière lequel on imagine le gigantesque travail de documentation de l'auteur sur Florence, sur la peinture, sur le maniérisme italien du XVIème siècle, sur le contexte politique de l'époque. 

Je suis ressortie de cette lecture époustouflée par le talent de Laurent Binet et par sa capacité à passer, de roman en roman, d'un univers à un autre.

Delphine a adoré ce "roman riche et débridé, à l'architecture époustouflante"


L'auteur 


Laurent Binet a été professeur de lettres pendant dix ans en Seine-Saint-Denis. Il est l'auteur de HHhH (2010, prix Goncourt du premier roman), La septième fonction du langage (2015, prix Interallié), Civilizations (2019, Grand prix du roman de l'Académie française) (Source : éditeur)

Photo : © JF PAGA




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