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lundi 24 février 2020

La soustraction des possibles de Joseph Incardona


Date de parution : janvier 2020 aux éditions Finitude
Nombre de pages : 400

" Le problème, avec la vie qui avance, c'est qu'elle soustrait les possibles."

Fin des années 80,  Genève. Alors que le bloc de l'Est explose après la chute du mur de Berlin, à Genève dans le milieu des "golden boys" suisses de la finance l'argent coule à flots, c'est le début de la mondialisation. Un monde nouveau se profile avec l'arrivée du web, des algorithmes et des OGM.

Aldo Bianchi, un playboy, professeur de tennis et gigolo, profite des largesses des femmes riches qui s'ennuient comme Odile qui tombe amoureuse de lui. Quand Odile lui propose de transporter des sacs remplis de billets entre la France et la Suisse, Aldo pense que son rêve de devenir riche va enfin se concrétiser. "Peu d’instruction dans un pays riche, ça donne envie d’y arriver par d’autres moyens". Mais à l'occasion de ces transports, Aldo rencontre Sveltana, une financière ambitieuse qui trempe comme lui dans des affaires douteuses, ces deux êtres qui se ressemblent, animés par la même rage de s'en sortir, sont foudroyés par un coup de foudre. L'histoire va alors tourner à la tragédie...

J'ai été happée dès les premières pages par ce roman particulièrement addictif. Mené comme un thriller il est extrêmement bien rythmé. J'ai trouvé ce roman remarquable autant pour son fond que pour sa forme. 
Le fond : une histoire d'amour incroyable avec en toile de fond une critique féroce du capitalisme. Une immersion dans un monde où on veut toujours plus d'argent, plus de pouvoir, un monde où la cupidité n'a aucune limite. Un monde superficiel et débordant de cynisme, un univers impitoyable dans lequel Genève est un personnage à part entière avec ses immenses demeures avec vue sur le lac, ses bateaux de luxe, son entre-soi et la prostitution qui y sévit. Joseph Incardona nous livre au passage des passages très forts et terribles sur la prostitution.
La forme : un style sec avec des phrases courtes et percutantes, des dialogues d'une grande qualité et des interventions savoureuses de l'auteur tout au long du récit, un auteur qui s'adresse à ses personnages, qui interpelle le lecteur, semblant observer la tragédie qui se profile. Un véritable art dans le maniement des digressions et de la parenthèse. Un style teinté d'humour qui m'a beaucoup plu.
Ce roman n'est pas un polar mais comme le dit lui-même Joseph Incardona un "roman du tragique", il y est question d'évasion fiscale, de blanchiment d'argent, de grand banditisme corse, du pouvoir de l'argent, de violence et de domination par le sexe et d'un engrenage dans lequel des personnes d'origine modeste peuvent tomber, éblouis par le mirage de l'argent facile, entrainés dans la spirale du "toujours plus d'argent et de reconnaissance". Une intrigue machiavélique d'une grande noirceur menée d'une main de maître. Dense, ambitieux, bref magistral.

Ce roman est finaliste du Grand Prix RTL-Lire, sélectionné pour le Grand Prix des Lectrices Elle et le Prix Relay des voyageurs-lecteurs.

Coup de cœur également pour Antigone 


L'auteur



Joseph Incardona est un écrivain suisse, d’origine italienne. Il vit à Genève où il tente d’arrêter de fumer. Il aime les romans noirs, Harry Crews et les pâtes. (Sources : éditeur)








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