vendredi 2 octobre 2020

L'autre Rimbaud de David Le Bailly

Date de parution : aout 2020 aux éditions de l'Iconoclaste
Nombre de pages : 304

" Le bon Rimbaud et le mauvais Rimbaud." 

La photo de couverture de ce roman est une célèbre photo d'Arthur Rimbaud, celle de sa première communion, son frère aîné pose à côté de lui. Nous sommes en 1866 dans leurs Ardennes natales, Arthur avait onze ans, Frédéric douze. Cette photo publiée en 1922 lors de la parution des œuvres complètes du poète a été retouchée, effaçant Frédéric. Pourquoi éliminer ainsi ce frère ? En quoi était-il gênant ?

Ce roman nous retrace le destin de Frédéric, aîné de la fratrie, élevé par leur mère ainsi que son frère et ses deux sœurs après que leur père officier ait quitté le foyer après la naissance de sa dernière fille. Frédéric et Arthur ont été très unis dans leur enfance, partageant la même chambre, ils ont fait front face à une mère au caractère tyrannique puis se sont éloignés pour finir par se brouiller "le mensonge est le ciment de la famille". Pour s'être opposé à sa mère, la propriétaire la plus riche de la commune, Frédéric va devenir conducteur d'omnibus, donc domestique, à l'Hôtel de la Gare. Pour sa mère c'est un moins-que-rien-, un déclassé qui a commis la faute impardonnable de passer du monde des "maîtres" à celui des "serviteurs".  Frédéric, considéré comme un idiot, un raté, un bon à rien, méprisé par sa mère et sa sœur Isabelle, sera dénigré, déchu, considéré comme traître, renié par sa famille, renié, dépossédé puis effacé par sa famille.  Il sera dépossédé des droits sur l’œuvre de son frère.


" Dans cette histoire, il y eut bel et bien un bon fils,
 sanctifié par sa famille (Arthur) et un mauvais fils, 
sacrifié puis dépossédé (Frédéric). 
Arthur n'a pas tué Frédéric. 
Mais son désintérêt, son mépris, ont contribué à son bannissement."

David Le Bailly retrace ici le destin de Frédéric Rimbaud, le frère d'Arthur, "l'autre Rimbaud" rejeté par sa famille, absent des biographies consacrées à son frère. Frédéric a payé cher d'avoir voulu se libérer de l'emprise de sa mère, d'avoir su dire "non" à sa mère Vitalie Rimbaud, une femme d'une extrême sévérité, autoritaire et abusive qui a élevé ses enfants dans la discipline sans aucune tendresse, une maîtresse femme monstrueuse décrite par Arthur comme "aussi inflexible que soixante-treize administrations à casquette de plomb". Il brosse également le portrait peu glorieux d'un Arthur devenu un négociant cynique qui use de sa position de fils préféré et qui se range sous la loi maternelle sans à aucun moment tenter de faire entendre raison à sa mère pour défendre son frère. Il dépeint également une sœur qui a œuvré avec son mari pour effacer Frédéric de l'histoire familiale. L'auteur décrit une vie de village où chacun épie et jalouse l'autre, une famille où amasser une fortune est le comble de la réussite.
Dans certains chapitres en italique l'auteur raconte son enquête, ses rencontres avec les descendants de Frédéric, l'écho que cette histoire trouve dans sa vie personnelle, son goût pour le destin des êtres considérés par tous comme ratés. C'est un roman très documenté enrichi de documents extraits de la correspondance de la famille Rimbaud. En consacrant ce livre à Frédéric Rimbaud, entre enquête et roman, David Le Bailly redonne vie à un homme simple pour qui j'ai éprouvé beaucoup d'empathie.
 
 
L'auteur


David Le Bailly est grand reporter à L’Obs. Il est l’auteur de La Captive de Mitterrand (2014, Stock, prix Roger-Nimier), roman-enquête sur Anne Pingeot, compagne de l’ombre de François Mitterrand. (Source : éditeur)






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