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Moscou, fin des années 50. Les "Services compétents", ce sont les services du KGB dans les années 1950-1960 en Union Soviétique.
Le lieutenant Ivanov traque avec l'aide de ses nombreux informateurs un
certain Abram Tertz, pseudonyme choisi par un écrivain russe qui réussit à faire passer ses nouvelles fantastiques en Occident. Ce sont des pamphlets
grinçants et antisoviétiques, des farces satiriques, qui, au nom du "réalisme fantastique",
ridiculisent la doctrine officielle du "réalisme socialiste". La revue française, "Esprit", dirigée par Jean-Marie Domenach en publie régulièrement des extraits. Abram Tertz est
identifié après six longues années d'enquête : il s'agit d'André Siniavski, professeur d'université et père de l'auteur. Arrêté en 1965, l'année de naissance d'Iegor Gran, Siniavski est condamné à 7
ans de goulag. Libéré en 1971, il émigre en France en 1973.
L'auteur dresse un tableau édifiant de l'Union soviétique de cette époque où le culte de Staline arrive à son terme, il évoque l’émergence d'envies capitalistes de
nombre de soviétiques qui se trouvent dans le dénuement le plus total manquant des biens les plus basiques. Il décrit des milliers de personnes se pressant pour
admirer les stands de l'exposition nationale américaine inaugurée en
1959 par Nixon et Khrouchtchev, une population en transe devant toute la modernité
étalée devant leurs yeux. Il évoque les fans de
jazz qui gravent des disques de Miles Davis sur des
plaques de rayons X, les femmes qui adoptent la coiffure de Brigitte
Bardot dans le film "Babette s’en va-t-en guerre"
... Tous ces comportement donnent beaucoup de travail à Ivanov et à ses indics... Au fil du récit l'auteur nous permet aussi de découvrir des évènements graves qui ont été dissimulés au peuple : une grève à Novotcherkass, réprimée
dans le sang , une fuite énorme dans un gisement de gaz à Ouzbékistan....
Iegor Gran, né l'année de l'arrestation de son père, raconte ici son histoire familiale en particulier celle de son père, André Siniavski (1925-1997), célèbre dissident soviétique. Il pose un regard sans concessions sur l'URSS de cette époque et semble s'être beaucoup amusé à se mettre dans la peau du lieutenant Ivanov, diplômé de "Sup de K", la prestigieuse école de formation du KGB, pour tourner en ridicule le KGB en mettant le doigt sur la bêtise et l'amateurisme qui y régnaient dans cette époque de dégel prôné par Khrouchtchev. C'est un roman plein de malice et d'humour grinçant pour lequel l'auteur a certainement effectué un important
travail de documentation. J'ai cependant regretté qu'Iegor Gran centre son roman sur les péripéties rocambolesques du KGB au détriment d'un portrait plus fouillé de ses parents dont il ne parle qu'en début et en fin de roman, livrant des détails savoureux sur leurs personnalités, le portrait de sa mère et son attitude provocatrice envers le KGB ne manquent d'ailleurs pas de charme. J'aurai aimé un récit plus équilibré entre des anecdotes sur ce couple assez incroyable et les péripéties du KGB dont l'absurde a fini par me lasser un peu.
Ce roman fait partie de la sélection du prix du Livre Inter 2020.
L'auteur
Iegor Gran est né en 1964 à Moscou sous le nom de Iegor Siniavski.
Son père Andreï Siniavski, dissident soviétique, est arrêté par le KGB
en 1965 et condamné à 7 ans de Goulag. Libéré, sa famille s’installe en
France. Grand Prix de l’humour noir en 2003, Iegor Gran a publié 13
livres aux éditions P.O.L. (Sources : éditeur)
Bon, ma PAL qui a fort diminué pendant le confinement repart à la hausse, comme bientôt le prix du pétrole !
RépondreSupprimerPour ma part, j'ai adoré ! J'ai vraiment trouvé très drôle cette peinture de la police politique. Mettre autant d'humour pour représenter l'arbitraire et l'absurde de l'histoire d'un pays qui le touche de si près, je suis très impressionnée !
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