Date de parution : avril 2018 chez J.C. Lattès
Nombre de pages : 300
" L'art est un courage"
" La photographie était ma raison d'être. J'étais photographe. J'ai été extrêmement photographe, passionnément photographe, hanté par la photographie. Mon amour immodéré s'est mué en une haine qui n'a d'égale que celle d'un amant trahi."
De nature sauvage, épris de solitude, Franck Courtès s'est découvert à vingt-deux ans une passion pour la photographie. Doté d'un talent qui sera vite reconnu, il devient photographe de presse, spécialisé dans les portraits de célébrités, hommes politiques, écrivains, chanteurs, acteurs..., répondant à des commandes de magazines, de journaux, de maisons de disques et d'entreprises diverses. Son appareil photo lui a permis de vaincre sa timidité et d'acquérir la confiance en lui qui lui manquait" Je photographiais la politique, la littérature, la peinture, la musique, le sport, les métiers rares, l'entreprise, les puissants, les anxieux, les méchants."
Dégoûté par les commandes d'images commerciales stéréotypées, Franck Courtès en est venu à détester ce métier qu'il a exercé pendant vingt-six ans, son amour immodéré pour la photo s'est transformé en haine.
Franck Courtès est un homme entier qui, dans son métier de photographe, refusait la mise en scène, la photographie de surface. Il voulait établir une certaine complicité avec son modèle pour ensuite en faire un portrait qui dégageait quelque chose de moins maîtrisé de sa part, de plus vulnérable. "Un portrait n'est pas seulement le fruit d'une rencontre entre un homme et un photographe mais bien plutôt l'addition de deux volontés, le désir de fusionner un instant."
C'était un photographe pour qui la photo servait à raconter le monde mais aussi à révéler des émotions devant des choses parfois banales, un photographe qui s'attachait à la beauté de la photo, à son aspect artistique, à son pouvoir poétique et pas seulement à son aspect documentaire. Franck Courtès cherchait à faire un portrait qui racontait la personne photographiée, qui en recherchait la vérité, en complet décalage avec une société de l'image qui voulait montrer tout le monde à son avantage dans un monde où la photo était devenue essentiellement publicitaire.
Franck Courtès se révèle comme un homme humble qui parsème son récit de touches d'autodérision bien dosées, jamais trop appuyées, il raconte son manque de culture lié à une scolarité médiocre, son désir d'en savoir plus sur les personnes qu'il doit photographier.
J'ai aimé son honnêteté quand il reconnaît avoir ressenti le côté grisant de son travail qui allait pourtant à l'encontre de sa nature et de ses aspirations.
Franck Courtès a photographié de très nombreuses célébrités, son livre pourrait être un ramassis d'anecdotes croustillantes, ce n'est pas le cas. Il nous fait juste part de souvenirs qui lui sont plus ou moins agréables, de la détestable Catherine Tasca au merveilleux Modiano...
Franck Courtès a rapidement ressenti un malaise lié à la vacuité de son travail. La compromission n'ayant jamais été possible pour lui, sa volonté de défendre sa liberté et sa créativité ne pouvait que le mener à l'abandon de ce métier dont il nous dévoile les faces cachées, la condescendance de certains de ses modèles, le temps ridiculement court accordé à la prise de vue de personnalités après que le journaliste ait terminé son interview, le mépris envers le travail du photographe. Il démystifie complètement ce métier, source pour lui de multiples frustrations et humiliations.
Le tout est écrit d'une plume tellement alerte et belle qu'on ne peut qu'être ravis que Franck Courtès se soit lancé dans l'écriture, il y a trouvé un autre moyen de s'exprimer, pour notre plus grand bonheur.
Citations
" Je ne jugeais pas de l'importance d'une image en fonction de son sujet. Je ne faisais pas de différence fondamentale entre photographier le président de la République et un escargot."
" On m'imaginait couvert de la poussière des stars que j'avais côtoyées, mais je ne l'étais pas plus qu'un passager sortant d'un avion n'est couvert de ciel."
" Un photographe réussit d'autant mieux son portrait qu'il sait désarmer son sujet."
" Lorsqu'elles étaient soumises au regard de l'objectif, une métamorphose déconcertante s'emparait de certaines femmes. Leur sensualité dépassait alors tout ce que j'avais connu dans ma vie amoureuse. Par la lentille de mon objectif se dévoilait une intimité qu'aucun mariage ne pouvait égaler."
" Les mises en scène interdisent tout sentiment de vérité et brouillent l'imaginaire. Un boucher posant avec un gigot raconte le boucher, pas l'homme, et l'on ne peut saisir ce qui l'a conduit à faire ce métier."
" Ecrire n'est pas considéré comme un véritable métier."
" Après des milliers de rendez-vous avec des inconnus, il m'en reste à honorer, celui avec moi-même. Ce qui passe pour une lubie ou un caprice, voire un enfantillage, il sonne pour ma part comme l'impératif d'une vocation littéraire."
L'auteur
Franck Courtès fut photographe pendant vingt ans. Il est l'auteur chez Lattès d'un recueil de nouvelles très remarqué, "Autorisation de pratiquer la course à pied" (Prix de la Société des Gens de Lettres 2013) et de deux romans, "Toute ressemblance avec le père" (2014) et " Sur une majeure partie de la France" (2016). (Source : éditeur)
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