mercredi 16 octobre 2019

Trois jours à Berlin de Christine de Mazières


Date de parution : mars 2019 chez Sabine Wespieser
Nombre de pages : 192

9 novembre 1989, 19h à Berlin Est.
Gunther Schabowski, porte-parole du bureau politique s'exprime lors d'une conférence de presse retransmise à la télévision pour rendre compte du comité central qui se tient depuis la veille. Il annonce que la liberté de circuler est rétablie pour les allemands de l'Est qui vivent derrière le mur depuis 1961 sous la surveillance constante de la Stasi dans un pays obscur où chacun se méfie de l'autre. A la question d'un journaliste qui lui demande quand le mur va être ouvert, pris de court, il répond  "dès maintenant, sans délai". Aussitôt des groupes silencieux convergent vers les postes-frontières à une heure où les rues sont habituellement désertes. Une foule silencieuse ni hostile ni menaçante enfle rapidement "La foule est déterminée, joyeuse et pacifique","La RDA leur promettait l'égalité, ils voulaient la liberté,  ils trouvent la fraternité ".

L'auteure raconte ces moments historiques par la voix d'Anna, une française amoureuse de l'Allemagne, de Micha un allemand de l'est en rupture avec son père qui appartient à la hiérarchie communiste. Micha est hanté par la disparition de son ami Tobias lors de leur tentative de fuite vers l'ouest quinze ans plus tôt. Prennent aussi la parole, un jeune cinéaste transfuge de RDA qui héberge Anna, un garde-frontière, un journaliste, tous témoins de ce moment d'histoire, partagés entre incrédulité, espoir et inquiétude. Des dignitaires du parti, des intellectuels favorables au régime, le porte parole qui a fait l'annonce, des chefs de la Stasi, s'expriment également. Même Cassiel l'ange des larmes de Wim Wenders entre en scène pour accompagner cette foule.

Quelques lignes nous resituent le contexte politique qui a conduit à la chute du mur, la perestroïka menée par Gorbatchev, l'arrivée à la tête de l'état est-allemand le 18 octobre d'Egon Krenz qui va mener les réformes sous la pression de Moscou, l'importante pression du peuple avec le 4 novembre un million de personnes dans les rues. Depuis l'été des allemands de l'est fuyaient par milliers par des brèches ouvertes dans des pays voisins, la  Hongrie et la Tchécoslovaquie, qui avaient ouvert leurs frontières. Des allemands qui fuyaient un monde de restrictions.

" Du berceau au cercueil, l'Etat veille à tout. 
Il offre à chacun une vision du monde toute prête,
 qu'il suffit d'apprendre par cœur et de réciter. 
L'homme n'est rien, la société est tout, 
et le Parti, au-dessus de tout."

J'ai beaucoup aimé ce roman historique très bien romancé. L'auteure retranscrit parfaitement le mouvement de foule qui enfle et décrit très bien les différents sentiments qui envahissent les protagonistes de cet événement, sentiment d'incrédulité puis d'exaltation aux postes-frontières dans l'attente de l'ouverture annoncée du mur, des sentiments présents des deux côtés du mur. Une véritable liesse populaire va se répandre. J'ai trouvé très judicieux le choix de l'auteure de donner la parole à tous et l'intervention de Cassiel, l'ange des larmes, ajoute une dimension poétique à ce récit. Les personnages sont nombreux et divers mais tous sont bien campés. L’auteure met en scène un peuple en marche lors d'un événement majeur au cours duquel aucune goutte de sang n'a été versée. Avec quelques éléments bien choisis l’auteure nous retrace le contexte politique et ce qu'a été la vie dans ce pays depuis la construction du mur en 1961. L'écriture est belle, la construction est intéressante et la fin est très émouvante. L'ensemble dégage une jolie douceur. Un premier roman très sensible.


L'auteure


Christine de Mazières, franco-allemande, née en 1965, est haut fonctionnaire et vit dans la région parisienne. Pendant dix ans, de 2006 à 2016, elle a été la déléguée générale du Syndicat national de l'édition (Sources : éditeur).




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