jeudi 7 mars 2024

L'escale de Marion Lejeune

 

Date de parution :  7 mars 2024 chez Le bruit du monde 
Nombre de pages : 250

PREMIER ROMAN

Grigori est marin sur le Gren, un voilier de commerce norvégien qui vit ses derniers voyages. Grigori est un gabier, un matelot chargé de l'entretien et de la manœuvre de la voilure. Menacé de mort par un camarade pour une histoire de dette, il profite d'une escale sur l'Archipel, territoire isolé de l'Atlantique nord, pour trouver refuge à terre. 

Dans ces paysages peuplés de moutons et de vent, il découvre la vie des insulaires. Parmi eux, Alda, qui cherche des œufs d'oiseaux sauvages dans les falaises et ne rêve que de partir, et les instituteurs Jon et Halle qui, derrière leurs sourires, semblent dissimuler un secret. D'autres aussi, venus de loin et que l'Archipel réunit : un voyageur du Gren dont la mémoire vacille, des chasseurs de baleine éméchés, Nora, une riche botaniste qui veut recenser pour la première fois toute la flore de l'Archipel, c'est avec elle que Grigori va partager un autre bateau pour un autre voyage.

Pour ce roman, Marion Lejeune s'est inspirée des paysages des îles Féroé où elle a un jour fait escale, de retour d'un voyage en Islande.

Marion Lejeune nous raconte la vie à bord du navire, la solitude, l'ennui, les paris lancés à fond de cale par ennui, les paris autour des combats de rats, par envie de gagner de l'argent et pour divertir les autres marins. Elle relate l'escale du navire avec sa cargaison de bois en attente d'un chargement et l'histoire de Grigori qui se bannit lui-même du navire par peur et par honte après des paris malheureux.

Elle nous fait ressentir le temps suspendu dans un archipel du Grand Nord, la solitude, le silence sur l'Archipel, la pluie, le vent, les moutons, le départ et le retour des bateaux de pêche, seuls moments d'animation dans une vie assez léthargique.

Il ne faut pas s'attendre à beaucoup d'action dans ce roman. Des scènes sont décrites comme des tableaux, on assiste à des scènes fortes comme celles de la descente de Grigori avec Alda dans la falaise à la recherche des niches qui débordent d'œufs l'été, ou le jour d'euphorie en été, "une fête arrivée avec la spontanéité d'une vague" durant duquel chasse et danses rassemblent les habitants, les maisons aux façades d'ordinaire closes s'ouvrant d'un coup et devenant accueillantes. C'est le jour du Grind où les baleines sont mises à mort. " les cris des chasseurs, les corps noirs massifs, la mer tachée de sang", Grigori, embarqué dans un bateau dans la liesse générale, a ramé en cadence avec les insulaires.

Les personnages : des insulaires fascinés par Grigori, pour eux l'île voisine est déjà un monde à part, alors que dire de leur regard sur un étranger comme ce marin ? Jon et Halle, un couple d'instituteurs dont la vie tranquille s'orchestre entre livres et activités humbles, ils ont ouvert leur jolie maison du port sans conditions ni questions pour offrir à Loukine, un vieil homme qui veut finir sa vie sur l'Archipel, sa dernière chambre sur sa dernière île et à Grigori "un congé des préoccupations matérielles et plus largement une absence à presque tout, pour qu'il infuse, comblé de sommeil et ventre plein, dans le temps d'une escale." Jon et Halle dont Grigori va découvrir l'émouvant secret.

Sur l'île, Grigori va rencontrer Alda, une jeune fille dévorée par son désir de départ qui survit en vendant des œufs d'oiseaux, Vassili, un vieil homme qui comble le marin avec le récit de ses exploits épiques, des russes qui se dénomment cruellement dans leur langue des Russes flottants. Qu'est ce qui les a amenés là ? Que font-ils là ? Et Grigori, qu'est ce qui le retient sur cette île ? " désireux de s'absenter de sa vie, de marcher à côté de lui-même pour un moment." 

Le décor :  un monde rude, sauvage, sublime et fascinant, la nature, le monde animal... 

Une atmosphère parfaitement restituée, peu de personnages mais tous bien incarnés, avec chacun leur part de mystère, des relations entre des êtres pour la plupart taiseux évoquées avec pudeur et délicatesse. C'est lent, doux, très peu dialogué et porté par une magnifique plume très visuelle et très sensorielle. Très bien maîtrisé pour un premier roman.


L'auteure 



Marion Lejeune est née en 1988 à Grenoble. Elle a voyagé en Islande, dans les pays scandinaves et en Russie. Elle vit aujourd'hui en région parisienne, où elle prépare de futures échappées. "L'escale" est son premier roman. (Source : éditeur) 

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