Nombre de pages : 160
Laure est maître de conférences spécialiste de linguistique et de Flaubert, c'est une professeure sérieuse et raisonnable, fragilisée par une rupture amoureuse récente.
Elle "rencontre" Vincent sur Facebook grâce à
une discussion autour d'Éric Rohmer, Vincent réalise des documentaires et a écrit un roman. Ils communiquent dans une communauté regroupée
autour du même centre d'intérêt et Laure perçoit beaucoup d'affinités intellectuelles entre eux. Très vite Laure devient addict au réseau social et surtout addict aux échanges avec Vincent avec qui elle ne communique que par messagerie instantanée jamais par téléphone, le jeune homme semblant peu empressé pour la rencontrer physiquement. Leur complicité devient ainsi flirt puis sentiment amoureux sans qu'ils ne se soient jamais rencontrés.
Vincent renvoie l'image d'un être solaire sur les réseaux sociaux mais qu'en est-il en réalité? "La
seule chose qu'elle connaissait de cet homme était un amas de signes
qui, comme tous les signes, s'interprétaient selon un contexte, dont
elle ignorait presque tout". Peu à peu Laure va s'interroger sur la portée d'un émoticone cœur, scruter avec angoisse le fameux point vert qui indique qu'il est connecté, qu'il est derrière son écran alors qu'il ne lui répond pas "L'objet magique devenait instrument de torture". Elle va chercher à le connaître en scrutant sa page Facebook, en lisant les commentaires de ses amis, elle va lire les mêmes livres, regarder les mêmes films que lui et surtout interpréter le moindre signe. Cela vire vite à l'obsession, la jalousie pointe... Mais ne se fait-elle pas un film? N' imagine-t-elle pas qu' "il pourrait même être celui qui sera l'homme que j'aime" comme le chante si bien Véronique Sanson.
" Le virtuel amplifiait l'incertitude car les gestes,
les regards, le ton de la voix,
tous ces indices participant à la bonne compréhension du message
étaient absents."
Stéphanie Dupays analyse de façon très fine et très juste les réseaux sociaux et en particulier l'amour à l'époque de ce mode de communication moderne. J'ai trouvé intéressant qu'elle mette en scène une femme passionnée de littérature qui vit dans les livres et voit le monde à travers les grands auteurs qu'elle côtoie tous les jours dans ses lectures. Le récit est truffé de citations qui font écho à la relation virtuelle que vit Laure avec Vincent, Proust est notamment très présent. "
Swan (Proust) serait devenu fou sur Messenger. Lui qui interprétait le
moindre signe, qui trouvait dans chaque geste ou chaque mot de quoi
nourrir sa jalousie, aurait trouvé un réservoir inépuisable de
souffrance."
Stéphanie Dupays nous raconte une histoire qui illustre à merveille la confusion qui peut s'installer entre vie virtuelle et vraie vie, elle montre l'emballement de l'imaginaire à l'origine d'un emballement amoureux, elle dissèque les ravages engendrés par la sur-interprétation du moindre signe. Sans aucune ironie ni exagération, elle questionne notre rapport aux réseaux sociaux, ce nouveau mode de communication qui change les relations humaines, elle met en évidence la solitude dans laquelle ils peuvent maintenir, malgré les apparences, ceux qui les voient comme un remède à leur solitude.
Une démonstration implacable sur un monde où l'apparence, la façade priment hélas trop souvent. " La bonne humeur est l'ingrédient indispensable du cliché entre amis pour les réseaux sociaux "
Lu dans le cadre du Prix Orange
Citations
"Le numérique avait bouleversé les règles de ce jeu délicat qu'est le
flirt. On ne fixait plus le téléphone dans l'espoir de le faire sonner,
on n'ouvrait plus fébrilement sa boîte aux lettres. La technologie avait
instauré une nouvelle temporalité. L'attente ne se mesurait plus en
jours et en semaines mais en secondes ou minutes : dès l'envoi du
message, l'amoureux plongeait dans l'incertitude. Avec la messagerie,
l'autre était à portée de téléphone : à tout moment on savait s'il était
en ligne ou pas, et ce savoir, au lieu de rassurer, emplissait chaque
seconde de " mais pourquoi ne répond-il pas?"
" La technologie avait instauré une nouvelle temporalité. L'attente ne se mesurait plus en jours et en semaines mais en secondes ou minutes : dès l'envoi du message, l'amoureux plongeait dans l'incertitude."
" La technologie avait instauré une nouvelle temporalité. L'attente ne se mesurait plus en jours et en semaines mais en secondes ou minutes : dès l'envoi du message, l'amoureux plongeait dans l'incertitude."
"
La conversation s'interrompait parce que l'un des convives
photographiait son plat ou le groupe d'amis pour poster sur Facebook ou
Instagram. C'était comme si la représentation comptait plus que l'instant
présent, la démonstration de l'amitié plus que son vécu, bref tout ce
que Laure n'aimait pas : la façade, l'apparence, le désir mondain de se
montrer sous son meilleur jour."
L'auteure
Stéphanie Dupays est haut fonctionnaire dans les affaires sociales. Après, Brillante, Comme elle imagine est son second roman. (Sources : Éditeur)
Lu de cette auteure
Je suis à la fois tentée par le sujet et à la fois timorée... est-ce que ce roman pourrait me plaire, à moi, qui en ce moment, ai du mal avec la littérature française...
RépondreSupprimerSi le sujet te tente il devrait te plaire car il est très bien fait... et puis, il se lit vite !
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