Date de parution : janvier 2020 chez Denoël
Nombre de pages : 144
Ce récit est une lettre d'excuses imaginaire que l'auteure reçoit de son père. Cet homme, décédé il y a trente et un ans, l'a violée de ses 5 à 10 ans. Pour se sentir enfin libre Eve Ensler a eu besoin que son père reconnaisse le caractère criminel de ses actes et leurs conséquences sur elle.
Au début de l'introspection imaginaire qu'elle prête à son père à la dérive dans les limbes, celui-ci recherche dans son enfance et dans son éducation ce qui a pu faire de lui un homme capable de violer puis de violenter, harceler et isoler cette petite fille qu'il disait adorer plus que tout. Puis il revient sur le détail de ses forfaits, il raconte des scènes précises sans esquiver l'horreur de ses actes en tentant de se mettre à la place de sa fille, d'imaginer ce qu'elle a pu ressentir et parvient enfin à assumer la pleine responsabilité de ses actes.
On découvre l'adoration obsessionnelle qu'il éprouvait pour Eve enfant jusqu'à ce que "l'Homme Ombre", son double, transgresse le tabou alors qu'elle n'a que cinq ans puis passe au rejet et aux coups cinq ans plus tard face à la rébellion de sa fille. Il n'aura ensuite de cesse de maintenir son pouvoir sur elle pour obtenir sa soumission et son silence par des manipulations et des humiliations incessantes. Les conséquences sur l'enfant martyr qu’elle a été et sur la femme qu'elle est devenue sont effroyables.
Le titre "Pardon" correspond à la demande de pardon du père à sa fille, il ne
dit pas si celle-ci lui accorde pour autant son pardon. En se mettant dans
la peau de son bourreau avec une empathie qui force l'admiration, Eve Ensler cherche à comprendre l'histoire de cet homme qui l'a détruite, comprendre les origines de la violence de son père au travers des sévices psychologiques qu'il a endurés dans sa propre jeunesse. Comprendre sans pour autant justifier ni pardonner. En dotant son père de la volonté et des mots du repentir, Eve Ensler souligne l'importance des excuses pour la victime, le pouvoir d'apaisement et de libération qu'apporte la reconnaissance par le bourreau de la blessure qu'il a infligée. Écho au livre de Vanessa Springora, "Le consentement",
et dans la lignée du mouvement MeToo, ce texte d'Eve Ensler, auteure
féministe engagée dans le combat contre les violences faites aux femmes,
est d'une rare puissance. Un texte courageux, déchirant, éprouvant car certains passages sont insoutenables. Un texte qui va bien au-delà du simple témoignage d'une situation de perversité absolue, d'une grande qualité littéraire il fournit une analyse fine des engrenages qui peuvent mener à de tels drames.
Eve Ensler voudrait que ce livre "motive les hommes qui ont fait du mal à des femmes à faire leur propre examen de conscience en profondeur, à reconnaître leurs forfaits et à présenter leurs excuses et demander pardon pour libérer leurs victimes de cette violence". Au delà de sa propre
histoire, la volonté de l'auteure d'aider victimes et bourreaux est
absolument remarquable.
L'auteure
L'auteure
Eve Ensler est une dramaturge et une féministe américaine. En 1996, elle crée "Les Monologues du vagin" qui seront joués à Broadway puis repris dans de nombreux pays. Elle crée, en 2005, "The Good Body", une pièce sur le corps, basée sur des témoignages féminins.
lu par petits fragments, car difficilement supportable.
RépondreSupprimerles auteurs de telles cruautés sont ils susceptibles de lire ce livre, j'en doute.
Un texte très très fort que j'ai encore en tête comme si je l'avais lu hier. J'espère que ce livre aidera certaines victimes et bourreaux, c'est l'objectif d'Eva Ensler...
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