Date de parution : 17 aout 2022 chez Fayard
Nombre de pages : 378
" J'héritais de lui l'absence, la joie et la violence. "
Fort et fantaisiste, Gérard illumine l'enfance de sa fille, Lou, avec ses mondes imaginaires, ses légendes, ses mensonges, ses secrets et son goût du risque. Tous deux ont tissé une complicité, "une indestructible alliance", qui exclue tout le monde car Gérard veut rester maître du royaume de sa fille. Mais cet homme "doté de cicatrices et de deuil", hanté par les fantômes de sa famille disparue, a aussi une face obscure, des jours noirs où de subits accès de cruauté terrorisent Lou tout en la fascinant.
Lou qui n'a jamais connu la douceur fuit la maison familiale à dix-huit ans et se lance à corps perdu dans la danse pour anéantir la douleur, la danse devient sa technique de survie.
Une histoire d'enfance trouble, de violence insidieuse, une éducation à la violence, une éducation à la survie en milieu hostile que Lou tente d'analyser une fois devenue adulte. Elle décrit un père qui avait en lui une force qui le débordait, marqué par une enfance entre violence maternelle et alcoolisme paternel et par un horrible drame qui a coûté la vie à ses enfants d'une précédente union. Son analyse fine et poussée permet de comprendre que son narcissisme inouï est la conséquence d'un sentiment d'infériorité issu de son enfance, que son assurance cache une vulnérabilité.
Blandine Rinkel analyse très bien comment cette violence a façonné Lou, devenue une adulte sans aucune confiance en elle qui fait souffrir son corps, mêlant intimement violence et sexe, retournant contre elle la colère qu'elle ne peut pas exprimer envers son père. Une violence reçue en héritage, une enfance marquée par le silence du père sur ses deuils qu'il a refusé de faire " Gérard, je ne le réaliserai qu'adulte, vivait dans un huis-clos avec ses enfants décédés... Il leur parlait à travers moi."
Blandine Rinkel m'a faite passer par de multiples sentiments envers ce père et cette fille, j'ai éprouvé de l'incompréhension, de la colère mais aussi de l'empathie envers Lou et de façon plus surprenante également envers Gérard, "monstre de joie à la fantaisie morbide".
L'analyse est remarquable, la plume très belle et la lettre de Lou à son père à la fin du roman est sublime.
Ce roman est sélectionné pour le prix Landerneau 2022 avec Tibi la Blanche d'Hadrien Bels, Le colonel ne dort pas d'Emilienne Malfatto et La Treizième heure d'Emmanuelle Bayamack-Tam.
J'ai voté pour Emmanuelle Bayamack-Tam pour son audace et sa folle originalité.
Citations
" La conversation échouait dans une suite d'insinuations terrifiantes. Cette méthode reste pour moi le plus terrible des procédés d'intimidation. Des points de suspension de leur père, les filles ont peur."
" C'est la menace que j'ai besoin de sentir. La menace suffit à me faire jouir."
L'auteure
Lu de cette auteure
pour accéder à ma chronique, cliquer ici
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire