Nombre de pages : 256
Le récit prend la forme d'une confession. Nous sommes en Galice, Tomas, un paysan de quarante ans au sang gitan est un homme rugueux et
peu loquace. C'est l'homme le plus riche du village car il possède des terres et un cheptel dont il a hérité de son père. Les soins à ses vaches et l'entretien de ses eucalyptus pour la pâte à papier remplissent la vie de cet homme solitaire depuis la mort de sa femme seize ans plus tôt, une femme qu'il n'a pas su aimer... Rituellement Tomas et Ramon, son vieil ouvrier agricole, finissent leur journée de travail par une virée au bar du village. Lorsqu'il apprend qu'il est atteint d'un cancer qui lui ronge les poumons, Tomas n'en parle à personne mais vit dans la peur de mourir, persuadé que ses jours sont comptés.
Lorsque son regard croise celui de Suiza, serveuse dans le bar où il a ses habitudes, Tomas est immédiatement attiré par cette jeune femme qui a quitté le foyer dans lequel elle vivait en Suisse pour partir en stop voir la mer. Cette femme "pâle comme la lune et rousse comme un renard", regardée par tous comme un animal de foire, considérée comme simple d'esprit, éveille chez lui un désir charnel insurmontable. Cet homme à la sexualité médiocre, hanté par sa mort prochaine, éprouve comme une pulsion de vie face à cette femme à la sensualité renversante et à l'innocence bouleversante. A son contact il va trouver la force nécessaire pour vivre, animé d'une incroyable rage de vivre auprès de cette "petite abeille active, blonde et soyeuse, qui faisait rentrer la vie dans la maison". "Sa façon de marcher, légèrement sautillante, sa blancheur, sa jeunesse, me perfusaient d'un concentré de vie."
De temps en temps, dans le récit de Tomas, Suiza prend la parole, dans des chapitres écrits en italique, pour exprimer son ressenti avec toute la fraîcheur de son innocence.
" Ce n'est pas souvent, mais des fois,
quand tu mélanges bien deux malheurs,
ça monte en crème de bonheur."
Ce roman est une vraie réussite sans une seule fausse note du début à la fin. En évoquant dès les premières phrases un fait divers suggérant une fin dramatique à cette histoire, l'auteure fait preuve d'habilité car tout au long de ma lecture j'ai imaginé de multiples issues à ce récit qui est tout sauf une banale histoire d'amour à l'eau de rose. La fin, à laquelle je ne m'attendais pas du tout, est très réussie. Cette histoire où la maladie reste juste en toile de fond, évoquée sans aucun pathos et avec beaucoup de pudeur, dissèque l'évolution de la relation entre Tomas et Suiza qui, basée au départ sur un désir charnel pratiquement bestial, va joliment aboutir sur un véritable amour.
Bénédicte Belpois met en scène quelques personnages qui gravitent autour de Tomas et Suiza, tous plus attendrissants les uns que les autres, certains sont hauts en couleurs comme Agustina, la nourrice qui a élevé Tomas, qui derrière son franc parler et son caractère bourru a un cœur énorme. Il y aussi Ramon et Lope les ouvriers agricoles, Josefina et Francesa la française qui va apprendre l'espagnol à Suiza. Tous ont, comme Tomas et Suiza, un passé douloureux.
Chaque mot mis dans la bouche des personnages, chaque dialogue sont d'une incroyable justesse. Suiza est bouleversante dans son innocence, sa naïveté, sa gentillesse et son regard émerveillé sur ce qui l'entoure. Tomas est également bouleversant dans son sursaut de vie et dans l'évolution de son caractère au fur et à mesure que ses sentiments pour Suiza changent. L'analyse psychologique de chacun des personnages est très fine.
Un premier roman d'une sensibilité et d'une délicatesse infinies qu'il m'a été impossible de lâcher, une histoire forte dont j'ai ralenti la lecture vers la fin par crainte du dénouement.
Lu dans le cadre du Prix Orange du Livre
Citations
" C'est pour ça qu'on nous a fait des seins et tout le reste, pour pouvoir appeler le regard des hommes. au début, on tient avec ça, après, il faut entretenir avec le cœur."
"Les femmes, même dans la misère sociale ou affective, restaient moins abîmées que les hommes. Malgré le manque, le vide, la solitude, il leur restait toujours un peu d'amour à donner, comme si elles naissaient avec un stock plus important, dès le départ."
L'auteure
Bénédicte
Belpois a passé son enfance en Algérie, elle vit aujourd'hui en
Franche-Comté où elle exerce la profession de sage-femme.
Ouah! Parfait ! Je ressens la même chose. Je viens de lire ce bouquin, que j'ai acheté par hasard. En le terminant j'avais les boules, je voulais rester là-bas avec Lope, Ramon, Agustina et bien sur, Tomas. J'ai tapé sur Google Bénédicte Belpois et je tombe sur votre blog. Vous dites exactement ce que je ressens. Merci! Un bouquin formidable, curieux, jamais lu un truc pareil.
RépondreSupprimerMerci pour votre passage sur mon blog.
SupprimerCe livre est incroyable en effet. Il me trotte dans la tête depuis que je l'ai terminé. Cette jeune auteure mérite vraiment qu'on parle d'elle...
J'ai cru acheter un simple roman d'amour, j'ai trouvé une ode à la femme, à l'homme, au désir. Magnifique. Un livre qui fait du bien, que l'on ne veut pas finir.
RépondreSupprimerOui c'est tout sauf une banale histoire d'amour. J'espère qu'il va avoir le succès qu'il merite
SupprimerExtrêmement tentant !
RépondreSupprimerUn conseil, n'hésite pas...
SupprimerCostaud ce truc !
RépondreSupprimer...l'une de mes meilleures lectures depuis qq temps.
Moi aussi !!!
Supprimer