vendredi 27 novembre 2020

Trencadis de Caroline Deyns

 

Date de parution : aout 2020 chez Quidam Éditeur
Nombre de pages : 364

Marie-Agnès de Saint Phalle, surnommée Niki par sa mère, est une jeune mannequin franco-américaine issue d'un milieu aristocratique. Jeune femme mariée, mère d'une petite fille, elle doit être hospitalisée en psychiatrie suite à une tentative de suicide. Lors de ce séjour où elle subit des électrochocs elle réalise ses premiers collages entamant ainsi son travail de reconstruction, elle ne s'en cachera jamais déclarant " j'ai commencé à peindre chez les fous." 

C'est lors d'une visite au parc Guell à Barcelone qu'elle découvre la mosaïque d'éclats de céramique et de verre, dénommée Trencadis en catalan. " Le Trencadis est un cheminement bref de la dislocation à la reconstruction". A vingt-six ans elle abandonne mari et enfants pour ne plus être seulement "une femme d'écrivain qui fait de la peinture". Sa rencontre avec Jean Tinguely, leur compagnonnage artistique, son implication au sein du groupe avant-gardiste des Nouveaux Réalistes seront décisifs pour la jeune artiste. Caroline Deyns retrace le parcours d'une femme que l'art a sauvé de la démence, une artiste qui "vomit sa colère en grandes gerbes folles", qui tente de se débarrasser de sa rancœur lié au traumatisme enfoui en elle depuis l'enfance : son viol par son père lorsqu’elle avait onze ans, un secret qu'elle ne révèlera qu'en 1994 dans son autobiographie.

Cette biographie romancée développe selon un ordre chronologique des scènes fondatrices de la vie de femme et de la vie d'artiste de Niki de Saint Phalle, l'auteure y insère des extraits d'entretiens, de témoignages, des citations, des propos de l'artiste sous des formes diverses et originales. Caroline Deyns nous offre un ouvrage sous la forme d'une mosaïque si chère à l'artiste. Je ne connaissais cette artiste qu'au travers de ses statues colorées, "ses Nanas", et de la fontaine Stravinsky située au pied du centre Pompidou, après avoir lu ce livre qui analyse ses différentes périodes en regard de ses obsessions du moment j'ai très envie de mieux connaitre l'ensemble de son œuvre. Une artiste qui commence sa carrière en utilisant une carabine pour exploser les entrailles de ses propres tableaux dans des jeux de massacre étonnants pour ensuite créer des œuvres en complémentarité avec Jean Tinguely dans une créativité sans cesse renouvelée.

Portrait passionnant d'une femme libre aux mille facettes, fantasque et tourmentée qui doit vivre avec des "monstres qui lui dévorent le cœur et la cervelle". Une vie de joies et de drames, une personnalité hors du commun féministe, révoltée, taraudée par la culpabilité d'avoir abandonné ses enfants, qui a exorcisé ses démons intimes en déployant une incroyable énergie artistique, une femme à la fois fragile et forte dont la capacité de résilience est extraordinaire. La dernière partie sur les dernières années de sa vie est particulièrement émouvante.
Une complète réussite aussi bien sur le fond que sur la forme très inventive.

 

Citations

" Une femme libre est exactement le contraire d'une femme légère." (Simone de Beauvoir)

" J'ai eu la chance de rencontrer l'art parce que j'avais, sur le plan psychologique, tout ce qu'il faut pour devenir terroriste." 

" Je n'aime pas l'angle droit, il me fait peur. L'angle droit veut me tuer, l'angle droit est un assassin." 

" J'aime le rond, les courbes, l'ondulation, le monde est rond, le monde est un sein."

" Mes cercles ne sont jamais tout à fait ronds. C'est un choix, la perfection est froide. L’imperfection donne la vie, j'aime la vie."


L'auteure


Originaire de Valenciennes, Caroline Deyns vit et enseigne à Besançon. Elle est l'auteure aux éditions Philippe Rey de Tour de plume (2011) et de Perdu, le jour où nous n’avons pas dansé (2015). (Source : éditeur)



 

 

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