jeudi 21 mars 2024

Traversée du feu de Jean-Philippe Blondel

 

Date de parution : janvier 2024 aux éditions de l'Iconoclaste
Nombre de pages : 240

Depuis l'adolescence, Jean-Philippe Blondel se vit comme un survivant, après avoir perdu ses parents et son frère dans deux accidents de voiture. En dépit de cette tragédie qui l'a rendu "sans famille" à 21 ans, il s'est construit une existence heureuse. Il est professeur d'anglais, métier qu'il adore, a fondé une famille, est devenu écrivain. 

Mais, à l'hiver 2021, apprenant qu'il est atteint d'un cancer, il se retrouve brutalement projeté dans ce qu'il appelle un "cercle de feu". Pour la deuxième fois de son existence, un gouffre s'ouvre devant lui. Très vite cependant, en dépit des traitements intensifs, un "secoue-toi" surgit.

Il n'a pas envie que ça se termine. Comme quarante ans plus tôt, il retrouve cette formidable sensation d'être vivant, malgré tout.

Jean-Philippe Blondel nous livre un texte très intime dans lequel il raconte la maladie qui l'a frappé en février 2021, un lymphome diagnostiqué en pleine période de Covid avec toutes les contraintes et risques supplémentaires liées au virus. Un traitement qui implique un  isolement, " un confinement dans le confinement ", une maladie au risque vital s'il attrape le Covid.

Il décrit cette épreuve comme un cercle de feu qui le renvoie à un autre cercle de feu qu'il a dû traverser quarante ans plus tôt lorsqu'il a perdu sa mère et son frère dans un accident de voiture et son père quatre ans plus tard, également dans un accident de voiture. Jean-Philippe avait alors vingt-et-un ans. Il revient sur ce drame, sur un deuil impossible, sur ceux qui l'ont sauvé à l'époque, sur l'enseignement qui lui a donné la sensation d'être à sa place. 

"Cette dimension tragique de l'existence que j'incarnais était un diamant noir, fascinant les autres, les attirant et justifiant tous mes gestes irrationnels." 

Il déroule toutes les étapes de cette épreuve qui l'a frappé en 2021, l'annonce, les soins, la sortie des soins, "D'un coup, quand on se retrouve face à l'après, on panique", son désir d'un après différent, moins absorbé par le quotidien. J'ai trouvé très belle son idée de demander à ses proches de se promener avec lui pendant les inter-cures lui offrant des parenthèses temporelles et des occasions de voir se révéler des amitiés inattendues. "Avec ces déambulations sur la voie verte, je tisse à nouveau des liens. Un matelas pour amortir les rechutes, si jamais elles se produisent."

Cette épreuve lui a permis de se pencher pour la première fois depuis la disparition de sa famille sur les moments qu'il avait alors traversés " Je suis mort une fois - je ne me suis jamais penché sur ces moments-là. Le feu tout autour de moi, le souffle de l'incendie dans mes yeux, dans ma gorge, dans mon dos, ma chemise prête à m'enflammer, je n'avais dans l'idée que de bloquer ma respiration et de traverser, qu'importe le paysage calciné que je trouverais derrière. Je devais juste continuer, les poumons brûlés et on verrait bien par la suite. Plus tard, oui, j'y reviendrais. Je n'y suis jamais revenu." Il termine son texte sur une lettre bouleversante "Il m'a fallu quarante ans pour accepter votre départ". Sa maladie lui a offert une libération.

J'ai aimé l'autodérision avec laquelle il se présente comme "écrivain à succès modéré et au lectorat fluctuant malgré une base fidèle, racontant des histoires de la vie quotidienne, sans grands évènements historiques ni sujets sociologiques... Je suis un des champions de France et peut-être même du monde des lettres de refus"

Une introspection lucide, sincère et très touchante, sans aucun pathos, d'une remarquable sobriété et d'une grande pudeur. Livre hommage aux soignants et à l'amitié, déclaration d'amour à son métier d'enseignant. Une certaine légèreté pour aborder des sujets graves et une volonté de vivre qui transpire à toutes les pages avec un dernier chapitre dénommer "jouir" et "la joie" comme point final. Un livre qui paradoxalement fait du bien.


Citations

" J'ai une moëlle osseuse qui donne des informations aux cellules. Tout cela à l'insu de mon plein gré."

" Nous ne sommes qu'un point dans l'univers. Nous vivons. Nous mourons. C'est important, de tout remettre en perspective."

" Je la retrouve, cette montée de sève ahurissante. Ce que certains appellent l'envie de vivre. A tout prix."

" Je me suis chargé du fardeau des récits interrompus."

" On prête tant de défauts aux autres sans jamais se pencher sur l'effet miroir - quand on parle des autres, on parle de soi."

" Toute ma vie j'ai essayé de bâtir des ponts. Entre les gens. Entre les adultes et les adolescents. Entre la province et la capitale. Entre l'écriture et l'enseignement. Entre les profs et les élèves." 

" Chaque roman que j'ai écrit fut une demeure temporaire." 

" Traverser le temps à côté de ceux qui comptent dans ma vie."


L'auteur



Né en 1964, Jean-Philippe Blondel a publié une trentaine de romans pour la jeunesse et les adultes. Quand il n'écrit pas, il enseigne l'anglais au lycée de Troyes en Champagne-Ardenne, où il vit. " Traversée du feu" est son deuxième roman publié chez l'Iconoclaste.






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