vendredi 18 mars 2016

Véracruz d'Olivier Rolin


Date de parution : janvier 2016 chez Verdier
Nombre de pages : 120

Du grand Rolin !

« Un jour de juin 1990, j’attendais au bar El Ideal, calle Morelos, une jeune chanteuse cubaine qui ne vint jamais… Une pluie furieuse, que le vent tordait comme une serpillière sale, battait Veracruz. » 
Le narrateur, assis au bar El Ideal à Veracruz, attend et raconte sa rencontre avec une jeune cubaine Dariana. Cette rencontre a eu lieu vingt-cinq ans plus tôt à Véracruz alors qu'il s'était rendu au Mexique pour donner une conférence sur Proust. 
C’est à la fin d’une soirée tequila qu'il fit sa connaissance de cette femme belle et mystérieuse, s'ensuivit une grande passion « C’était un amour-faucon. Surprise et rapidité étaient sa loi. » mais Dariana disparut brutalement un jour le laissant complètement sonné.

Un jour, alors qu'il se perd dans ses souvenirs et dans l'alcool, il reçoit par la poste une enveloppe contenant quatre récits. Qui les envoie? Dariana ? Pourquoi ?

Avec ces quatre récits, Olivier Rolin nous plonge dans un puissant drame en quatre actes. Les voix d'Ignace, Miller, El Griego et Suzana, s’enchaînent dans un huis-clos étouffant dans un palais décadent dans la ville de Véracruz plongée dans l'anxiété et la torpeur qui précèdent l'arrivée d'un cyclone.
Quatre monologues qui racontent une même situation du point de vue des quatre personnages reclus dans ce palais. Trois hommes vivent autour de la belle Suzana qu'ils contemplent, ivres de désir. Ignace, un jésuite défroqué, employé de Suzana qu'il convoite; Miller, son mari, un truand notoire d'une brutalité bestiale et El Griego, son père, qui vit dans l'ombre et se souvient de la relation incestueuse qu'il a eue avec elle et qu'il rêve de revivre. Enfin, Suzana parle la dernière, crachant son désir de vengeance, « Me farder moi de leur sang, y tremper mes mains, mes mains si fines, aux doigts qui se recourbent comme des arcs, comme des dards de scorpions, me maquiller d’écarlate, me parer de leur vie finie, me souiller de leur mort, m’ont-ils assez souillée. » .

Ces quatre récits brefs, intenses et terriblement sombres vibrent de tension, de violence et de fureur, ils semblent préluder à une catastrophe imminente. Ils offrent un contraste saisissant par leur noirceur avec les chapitres lumineux où le narrateur se souvient de Dariana.

Comment ne pas imaginer que Dariana se trouve derrière ces récits ? De quel message ce cadeau est-il porteur ? Olivier Rolin ne nous donnera pas la réponse, il nous livre plutôt une belle réflexion sur la littérature...
« Nous voulons toujours que tout ait un sens…. Nous nous épuisons à ce rêve de maîtrise au lieu de vivre tout simplement… Le monde se joue aux dés à chaque instant. Il est un kaléidoscope dont les éclats colorés se recomposent pour former de nouvelles figures. »
« Nous voulons que le temps aille sans jamais se retourner, que les événements s'enchaînent, que les livres aient un plan, une signification cachée, l'histoire une fin ... D'où tient-on qu'il y a toujours des causes ? Pourquoi toutes choses au monde doivent-elles être cause ou effet? "

Ce court texte d’une beauté époustouflante, à l'écriture dense et lyrique et à la structure ouverte surprend à chaque chapitre. 
A lire et à relire

C'est le billet de Delphine qui m'a donné envie.


Citations
"Ce serait avoir une idée bien simpliste de la littérature que de penser qu'elle reflète sans détour, sans malice, la personnalité de l'écrivain ... La littérature est une tromperie sans fin."


L'auteur
Olivier Jean Rolin est né en 1947 au Sénégal. Il a un frère, Jean Rolin, lui aussi écrivain.
Il sera quelques temps journaliste (Libération, Le Nouvel Observateur), puis se lancera dans l'édition (Le Seuil).

Il a obtenu le prix Femina pour "Port-Soudan" en 1994, le Prix France Culture pour "Tigre en papier" en 2003 et le prix du Style en 2014.

Il sera, pendant cinq ans le compagnon de Jane Birkin.




18eme contribution au Challenge Rentrée Hiver 2016 organisé par Laure de MicMelo



Catégorie LIEU

2 commentaires:

  1. A lire et à relire : tu as raison.
    Je crois qu'on n'épuise jamais un tel texte !

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    Réponses
    1. Un livre qu'il m'a fallu "digérer" avant de pouvoir en écrire la chronique.

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