vendredi 16 septembre 2016

Le bon fils de Denis Michelis


 

Date de parution : 25 août 2016  chez Notabilia - Editions Noir et Blanc
Nombre de pages : 205

Voici un bien étrange roman qui mélange les genres, il tient à la fois du roman noir, de la comédie, du conte, du fantastique, de la satire sociale...

Un père récemment divorcé part s'installer à la campagne avec son fils de 17 ans. Le père est hypocondriaque, il traîne sa "pauvre carcasse", accablé d'une étrange fatigue.
Son fils Albertin , qui est le narrateur de cette histoire, est un ado type, dégingandé, avachi sur le canapé, il ne fait rien à l'école, aime se confier à un frêne et laisse souvent parler ses voix intérieures.

Le père reproche à son fils de ne pas être un bon fils, le fils reproche à son père de ne pas être un bon père.
Tous deux se livrent une guerre sans merci qui nous vaut des dialogues truculents entre le père et le fils.

Un jour, alors qu'ils aménagent une chambre d'amis, eux qui n'en ont aucun, arrive Hans, un homme qui se présente comme un ami de la famille, personne ne se souvient de lui mais il  s’incruste peu à peu dans leur maison.
Hans est étrange, il rebaptise Albertin en Constant, est-il là pour transformer le mauvais fils en bon fils? Existe-t-il vraiment? 
Etre un bon fils est tellement important : "Que peuvent attendre les bons fils sinon intégrer, une fois leur bac bien au chaud au fond de leur cartable de bon fils, de grandes classes préparatoires qui les guideront vers de grandes écoles, et ces grandes écoles, leur permettront d'obtenir sans effort de grands diplômes, et ces grands diplômes exerceront une force d'attraction telle que ces bons fils se marieront, auront beaucoup d'enfants qui à leur tour deviendront de bons fils. Le pays a besoin de bons fils."  

Albertin/Constant trouve rapidement en Hans un père dont il a toujours rêvé, un homme qui s'occupe de lui alors que son père a complètement démissionné. Son père est uniquement préoccupé par ses notes à l'école et lui met une énorme pression.

Nous rentrons alors dans une sorte de huis clos entre ces trois personnages. L'action se situe sur une année, l'année scolaire du fils, année décisive, année charnière selon ce que lui disent son père et les enseignants. On est dans l'action et dans le temps présent ce qui donne au récit un petit côté théâtral, de plus, il est décomposé en trois actes, l'installation, la perturbation et la confession. On ne saura rien du passé des personnages.

Hormis quelques scènes au lycée, l'action se déroule dans la maison. Peu de personnages gravitent autour du trio : des élèves de la classe du fils dont le prénom n'est jamais donné, ils sont dénommés  Lunettes Rondes, la fille aux boutons d'or ; des professeurs comme Mademoiselle Gheorghe avec deux h, prof de français.

Ce roman désarçonne par moments car on a parfois du mal à comprendre où l'auteur veut en venir, à saisir certaines métaphores. Mais c'est un vrai page turner avec des phrases courtes et de courts chapitres, le suspens et les tensions et les rebondissements ne manquent pas. 
J'en ai retenu un roman sur les rapports père/fils, sur le complexe d’Oedipe et une critique sociale féroce et très drôle sur le diktat de la réussite scolaire et j'ai adoré son côté déstabilisant.
La couverture est magnifique, l'écriture est très visuelle, le ton est plein d'humour et d'ironie et le mélange des genres est un délice. Un roman original qui sort des sentiers battus.

Ce roman est sélectionné pour le prix Médicis


Citations
"Si javais eu le choix, poursuit mon vieil âne de père,  je t'aurai laisser filer sur la longue route, mais les pères doivent prendre soin de leurs fils, c'est ainsi depuis toujours. Même si c'est un fils comme toi."

"Bientôt les grandes vacances. Les professeurs se couleront dans un repos bien mérité, et sur leurs lieux de villégiature ils chercheront d'autres professeurs afin de réviser ensemble le programme de la rentrée : vivement septembre, s'exclameront-ils tout en sirotant des apéritifs liquoreux et en grignotant des cacahuètes."

"Rien n'est plus beau qu'un élève qui laisse parler le corps enseignant sans chercher à l'interrompre systématiquement."

"Dimanche : le jour du bricolage. Le bricolage, tout comme le sport, est censé rapprocher les pères des fils, la chasse et l'amour des belles voitures aussi."


L'auteur
Denis Michelis est journaliste à Arte et vit à Paris. 
"Le bon fils" est son deuxième roman. 
Marqué par ses origines germaniques, l'écrivain avoue aimer la forme du conte à la façon de Grimm ou de la fable grinçante et semi-fantastique à la façon de Kafka.



Merci à Agathe et aux éditions Notabilia pour cet envoi

16ème participation au Challenge Rentrée Littéraire 2016


8 commentaires:

  1. Réponses
    1. Super! Je guette ton avis car il est vraiment spécial celui-là !

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  2. Je n'ai pas été convaincue de mon côté. L'impression que ce roman hésite entre plusieurs genres et, comme tu le dis ce côté qui désarçonne. Là ça n'a pas marché, je suis restée hermétique. Sans le trouver mauvais, il m'a laissée de marbre au point de ne pas faire de chronique...

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    1. Je comprends, avec ce genre de roman ça passe ou ça casse...

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  3. C'est curieux, ta chronique est assez ambivalente... Si je n'avais pas autant de livres en vue, peut-être céderais-je à la curiosité...

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    1. C'est un roman très original qui mélange sciemment plein de genres, c'est cela qui m'a plu.
      Il ne fait que 200 pages et est très vite lu...

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  4. Merci Joelle pour votre critique tout en nuance et en justesse, et qui l'aurait cru ? : nous nous sommes rencontrés à Manosque, quel plaisir de voir ses lecteur en chair & en os.
    Et bravo pour votre blog !
    Amitiés.
    Denis Michelis

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    1. Merci beaucoup pour ce petit mot, j'ai été ravie d'échanger avec vous à Manosque.

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