lundi 26 août 2019

Une fille sans histoire de Constance Rivière


Date de parution : 21 août 2019 chez Stock
Nombre de pages : 144

Adèle a cessé de sortir de chez elle depuis qu'elle a perdu son travail, elle se poste à sa fenêtre la nuit pour observer le monde et inventer des vies qui se déroulent derrière les fenêtres de ses voisins. Lorsqu'elle entend des sirènes le 13 novembre 2015,  elle se rend compte qu'il se passe quelque chose d'inhabituel  "Trop de bruit pour un drame du quotidien".

Le lendemain matin elle voit apparaître à la télévision l’image de Matteo brandie par sa mère. C'est un jeune homme porté disparu au Bataclan, un étudiant aux Beaux-Arts dont elle a souvent croisé le regard dans le bar où elle travaillait. Sans plus réfléchir, Adèle décide de se rendre à l'école militaire où les autorités organisent l'accueil des proches des victimes et de se fait passer pour la petite amie de Matteo.

Adèle va alors trouver dans un drame qu'elle a côtoyé par hasard une raison d'être, d'être utile aux parents de Matteo qui, du fond de leur détresse, s'appuient sur cette jeune femme qui prend tout en main. Adèle existe enfin, elle a enfin une place... Elle va apparaître comme une victime elle aussi, être reconnue médiatiquement comme telle, être enfin RECONNUE alors qu'elle s'est toujours sentie transparente. Elle va finir par se convaincre que cette relation qu'elle a imaginée avec Matteo a réellement existé et ne plus réussir à distinguer le vrai du faux. Elle va s'inscrire dans une association de victimes, acquérir une étrange assurance, devenir leur porte-parole et faire tout pour devenir la dépositaire de la mémoire de Matteo artiste, persuadée que c'est son rôle.

L'auteure mêle les voix de quelques personnes qui côtoient Adèle pendant cette période, celle d'un psychologue de la cellule de soutien psychologique de la Croix-Rouge, celle de Francesca la mère de Mattéo, celle d'un ami étudiant de Mattéo qui témoignent de leurs ressentis face à cette jeune femme. Tous sont frappés par l'étrangeté de la jeune femme mais aucun ne peut imaginer la vérité.

Ce texte n'est pas un livre sur l'attentat du 13 novembre, ce drame sert juste de prétexte pour explorer la psychologie d’Adèle. J'ai beaucoup aimé ce roman court mais très dense. L'histoire troublante de cette femme affabulatrice, usurpatrice d'un drame qu'elle n'a pas vécu est très bien maîtrisée. La construction est habile car l'auteure mêle les voix de l'entourage d'Adèle. La psychologie d'Adèle est bien développée, c'est une fille solitaire sans histoire qui a toujours rêvé sa vie, qui a trouvé refuge dans des mondes imaginaires depuis l'enfance. L'auteure nous fait découvrir peu à peu sa lourde histoire familiale, sa souffrance ancienne et profonde et parvient à la rendre très émouvante. J'ai éprouvé de l'empathie pour elle malgré le caractère monstrueux de son comportement, une empathie aussi forte que celle que j'ai éprouvée pour Francesca, cette mère dont Adèle a volé le deuil.
Un premier roman très prenant que je n'ai pas pu lâcher. 


Citation
"Accompagner l'attente, et après, récupérer la douleur"


L'auteure


Ancienne élève de l’ENS et de l’ENA, Constance Rivière est maître des requêtes au Conseil d’État; elle fut conseillère à l’Elysée pendant la présidence de François Hollande. Une jeune fille sans histoire est son premier roman. (Sources : Éditeur)











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