Date de parution : janvier 2021 au Tripode
Nombre de pages : 240
Un homme se retrouve en prison. Brutalisé dans sa mémoire et dans sa chair, il décide avant de mourir de nous livrer le récit de son destin.
J'ai longtemps hésité à lire ce roman par crainte de la violence que j'imaginais qu'il véhiculait. Ce roman parle d'une réalité certes très noire mais j'ai apprécié que l'auteur ne tombe jamais dans le glauque, dans des descriptions sordides sans intérêt autre que de choquer le lecteur. Il n'y a aucune complaisance dans l'étalage de la violence et certaines scènes entre Duke et sa sœur Clara sont évoquées avec une infinie délicatesse.
Le narrateur, un adulte emprisonné qui décide de livrer par écrit son histoire dans une sorte de confession avant de disparaitre, raconte, dans un cri de rage, son enfance massacrée, son enfance violée par des parents monstrueux. Il parle de l'amour qu'il a ensuite rencontré mais aussi de son combat contre la violence, le Démon, qu'il a senti très jeune dormir en lui.
Après une vie de solitude et d'enfermement à la Colline puis en prison " la Colline aux Loups c'était déjà une prison bien pire que tout", cet homme, qui n'a su comment il s'appelait que très tard après l'intervention des services sociaux, apprendra en prison la puissance des mots et leur vertu libératrice. On assiste à une prise de conscience et à un désir de rédemption particulièrement émouvants.
Le style est singulier, le "parlement" unique du narrateur est une sorte de langage parlé avec des points comme unique ponctuation. Ces phrases qui déroulent en un flot ininterrompu les souvenirs de Duke dégagent une sensation d'urgence saisissante. Ce style peut dérouter au début mais rapidement on se rend compte qu'il est parfaitement adapté, que cette histoire ne pouvait pas être racontée autrement pour restituer toute la naïveté, toute l'innocence d'un adulte dont l'enfance a été volée et qui, ensuite, n'a pas pu faire les bons choix, un adulte que rien n'a pu sauver. Ce style d'écriture singulier tient remarquablement sur la durée du récit sans jamais paraître incongru.
Le contraste entre le langage quasi enfantin du narrateur et les horreurs relatées est saisissant comme sont frappantes les percées de lumière dans les ténèbres dans lesquelles ont été maintenus Duke et ses frères et soeurs. Des percées de lumière qui prennent la forme d'une solidarité entre les enfants, de protection des plus petits, d'une famille d'accueil aimante, de gendarmes, d'un directeur d'école et d'une institutrice pleins d'attention mais désarmés devant leur histoire... Des moments de grâce au milieu de l'horreur. "Ils étaient les meilleures personnes du monde mais je ne pouvais pas être sauvé."
Journaliste spécialisé dans la chronique judiciaire, habitué des prétoires, Dimitri Rouchon-Borie a certainement puisé dans les différentes histoires qu'il a suivies au tribunal pour créer le personnage de Duke, un de ces êtres que ni l'amour, ni la bonne volonté ni la société ne pourront hélas sauver de leurs blessures d'enfance.
Une lecture éprouvante et dérangeante mais un livre que j'ai lu d'une traite en apnée. Grâce à son humanité et à sa compassion l'auteur parvient à nous faire ressentir de multiples émotions et à nous faire éprouver une réelle empathie pour Duke, il parvient même à faire émerger de la poésie au sein de la noirceur. Un roman magistral aussi bien sur le fond que sur la forme.
L'auteur
Dimitri Rouchon-Borie est né en 1977 à Nantes. Il est journaliste
spécialisé dans la chronique judiciaire et le fait divers. Il est
l’auteur de Au tribunal, chroniques judiciaires (La Manufacture de livres, 2018). Le Démon de la Colline aux Loups est son premier roman. (Source : éditeur)
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