Le 18 août 2021, Lola Lafon passe la nuit à Amsterdam au Musée Anne Frank, dans l'Annexe où Anne Frank s'est cachée avec sa famille et des amis pendant 25 mois du 6 juillet 1942 au 4 août 1944 en plein cœur de la ville où les mesures antijuives s'accumulaient. Les Pays-Bas, passés aux ordres de l'occupant, participaient activement à la traque des juifs. Ils restent enfermés à huit dans des pièces exiguës, aidés par des protecteurs qui risquent leur vie pour eux. Mais suite à une dénonciation, ils sont tous déportés, Anne Frank décède début 1945, son père Otto Franck, seul survivant de la famille, décide de faire de cette maison un musée et de faire publier le journal de sa fille.
Lola Lafon est préparée à aller à la rencontre d'Anne Frank et de son absence, mais ce projet la confronte à son passé familial qu'elle a toujours voulu occulter, sa propre mère a été cachée, enfant, pendant la guerre. Sa mère et elle-même sont juives. Dès l'âge de quatre ans, sa mère a su qu'être juive était une condamnation à mort. Cette histoire familiale qu'elle a toujours refusée ressurgit "Préférer danser, pour ne pas entendre la rumeur qui flottait. Je me voulais nouvelle, née de mes propres choix : personne dans la famille, n'avait fait de danse classique... Je jurais de me vouer à perpétuer l'illusion internationale de la légèreté."
J'ai découvert la collection "Ma nuit au musée" avec ce récit de Lola Lafon et je trouve le concept très intéressant.
J'ai appris beaucoup sur Anne Frank, sur son journal que j'ai lu, sur sa maison que j'ai visitée. J'ai appris que ce journal commencé dès juin 42 était considéré par Anne comme une œuvre littéraire et non comme un simple journal intime ou un testament. Anne avait l'ambition de devenir écrivaine ou journaliste et avait donc retravaillé son journal dans l'espoir qu'il soit publié.
J'ai appris que l'histoire d'Anne étant jugée trop juive et trop triste, le contenu de son journal a été tronqué pour la pièce de théâtre montée aux USA ainsi que pour le film de 1959, il s'agissait alors de faire d'Anne une jeune fille plus universelle quitte à créer une "Anne de fiction". " Si nous sommes tous Anne Frank, il n'y a plus d'Anne Frank "
Lola Lafon dénonce avec vigueur ceux qui ont voulu faire de ce journal un texte d'espoir ignorant délibérément les passages où la jeune fille évoque l'horreur de la guerre. Lola Lafon défend ardemment Otto Frank accusé par les négationnistes d'avoir "inventé" sa fille. La question de fond est posée : à qui appartient Anne Frank ?
Au cours de cette nuit dans l'Annexe Lola Lafon s'est également interrogée sur les raisons pour lesquelles elle écrit et s'est trouvée confrontée à son identité juive et à ses propres fantômes. Des références très bien ciblées à des auteurs comme Philip Roth, Élie Wiesel, Geneviève Brisac enrichissent brillamment le texte. Je retiens le passage très fort où, comme par devoir envers la jeune fille, Lola Lafon raconte ce qu'Anne n'a pas pu écrire : sa mort. Un texte brillant avec une dernière partie très émouvante.
Citations
" Anne n'œuvrait pas pour la paix. Elle gagnait du temps sur la mort en écrivant sa vie. Elle désirait être lue, pas vénérée."
" Ecrire est un engagement à ferrailler. On s'engage dans l'écriture comme dans une armée imaginaire, où l'on serait à la fois général et aspirant soldat.... Pourquoi écrit-on ? Peut-être est-il possible de répondre par la négative : ne pas écrire met à vif toutes les failles, alors on écrit."
L'auteure
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