Le petit Bonzi de Sorj Chalandon

Date de parution : août 2005 chez Grasset
Nombre de pages :260

Prix du premier roman 2005

Une blessure d'enfance

Je continue mon exploration de l’œuvre de Sorj Chalandon avec "Le Petit Bonzi", premier roman de l’auteur, sorti en 2005, un livre infiniment personnel et poétique. Un livre qui se passe dans l'univers de l'enfance. C'est une histoire bouleversante sur une enfance douloureuse.

C’est l’histoire de Jacques, un enfant de 12 ans dans les années 1960 qui vit à Lyon. Le récit se déroule sur une semaine, celle qui va changer la vie de Jacques...
Jacques a un père parfois violent mais surtout, il souffre d'un handicap qu'il a beaucoup de mal à vivre : il est bègue.

Pourtant il aime les mots, il note dans un cahier tous les nouveaux mots qu'il découvre et surtout ceux qu'il n'arrive pas à prononcer. Il est fasciné par tous ces mots, surtout par ceux que son père lui fait découvrir, ceux de son métier de plâtrier, ceux de sa passion pour la conquête spatiale.

Objet de moquerie de la part de ses camarades de classe, il s’enferme de plus en plus dans son imaginaire.

Heureusement Jacques a un ami, comme un frère, le petit Bonzi. 

Bonzi est le seul avec qui il ne bégaie pas. Celui-ci aura l'idée de lui faire manger de  l’herbe pour vaincre son handicap. Jacques essayera aussi d'apprendre des mots par cœur pour remplacer ceux qu'il ne parvient pas à dire « faire taire ces mots pour rien, ces mots appris par cœur, tous ces mots de rechange quand un mot bègue en lèvres », il répète ces mots, essaye de se les approprier pour vaincre "son chaos de bouche".

Bonzi et Jacques ne se quittent jamais. Par contre, quand Jacques rentre chez lui le soir, il se retrouve tout seul et se réfugie sous son lit où il écrit les choses importantes de sa vie sur les lattes de son sommier.

Personne ne comprend sa souffrance sauf son maître Manu qui a repéré la souffrance de cet enfant fragile, triste et si solitaire qui se parle à lui-même, il va prendre soin de lui d'une très jolie façon.....
Il va être celui qui va percevoir les signaux que Jacques ne cesse de lancer pour qu'enfin quelqu'un prenne conscience de ses blessures et lui sauve la vie.

Sorj Chalandon nous plonge avec délice dans le quotidien d’un enfant de cette époque avec les jeudis de liberté, le maître à la blouse grise si humain, tendre et généreux, la solidarité entre camarades de classe mais aussi la méchanceté des enfants face à la différence.

L'écriture est poétique et les mots sont extrêmement vrais et justes.

Ce premier roman très émouvant de Sorj Chalandon, très largement inspiré de sa propre histoire,  révèle déjà un grand écrivain, un amoureux des mots.

Citations

" Il trouvait que l'asthme, c'était comme bégayer de l'air."

"Le maitre, il doit faire attention aux plus petits. Pas les plus petits en taille, les plus petits en tout. Ceux qui regardent dehors pendant la classe, ceux qui sont seuls pendant la récréation, ceux que les autres embêtent, ceux qui ont des trous dans leurs chaussures; ceux qui ont un bleu sur la figure le matin, ceux qui n'ont pas mangé quand ils arrivent en classe, ceux qui n'ont pas de manteaux d'hiver.[...]

Ceux-là, il faut encore plus leur montrer qu'on fait attention à eux. Il faut encore plus les regarder, encore plus les écouter, encore plus leur demander s'ils sont tristes."

"Le maître ne le quitte pas du cœur."

L'auteur

Sorj Chalandon est un journaliste et écrivain français né en 1952.
Il a été grand reporter puis rédacteur en chef adjoint au quotidien Libération de 1974 à  2007. Durant cette période il remporte le Prix Albert-Londres (1988) pour ses reportages sur l'Irlande du Nord et sur le procès de Klaus Barbie.
Depuis, il est devenu un auteur reconnu grâce à "Une promesse" en 2006 Prix Médicis, "Mon traitre" en 2008 Prix Joseph Kessel et en 2011 "Retour à Killibegs" couronné par le Grand Prix du roman de l'Académie Française.
Le prix Goncourt des lycéens lui est attribué pour "Le Quatrième Mur" en 2013.


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