Nombre de pages : 256
Dans ce récit autobiographique Adélaïde Bon raconte sa vie après l'agression sexuelle dont elle a été victime à neuf ans, un dimanche de mai dans la cage d'escalier de son immeuble parisien, agressée par un violeur en série. Bien qu'elle se soit confiée immédiatement à ses parents et qu'une plainte ait été déposée, elle va vivre des années de détresse avec des crises d'angoisse inexpliquées, des accès de boulimie, une tristesse qu'elle ne s'explique pas. Elle parle des défenses qu'elle a mises en place pour lutter contre les méduses
qui l'envahissent, pour se comporter en "gentille fille désolée et coupable, tellement plus
facile à vivre", pour être aimée et plaire à tous les hommes qui passent jouant à la femme libertine et collectionnant les "hommes Kleenex". Elle montrait alors une fausse joie de vivre, aidée par l'alcool et les drogues, qui cachait sa lutte contre ses envies d'en finir. Ce mal-être va durer des années pendant lesquelles Adélaïde survit, se bat, cherche à comprendre, tente tout pour s'en sortir, faisant preuve d'une énorme volonté, malgré sa solitude et le manque de compréhension de sa famille. Elle va de psychothérapies de groupe en weekend de constellation familiale, de séances de psychothérapie à des séances de thérapie corporelle pour travailler sur le dégoût de son
corps car elle se sent nulle et grosse."Corps contraint, corps honteux, corps haï".
Dans la seconde partie de son récit, elle entrevoit le bout du tunnel lorsqu'elle prend conscience, à la faveur d'une formation consacrée aux
violences faites aux femmes, que ce qu'elle a subi est un viol et non un "simple" attouchement sexuel. Elle passe alors de la honte à la colère et peut enfin entamer sa reconstruction lorsque, après vingt ans de silence, elle reçoit un appel de la Brigade de protection des mineurs lui annonçant qu'un suspect a été interpellé. La police dénombre 72 victimes mineures de cet homme entre 1983 et 2003.
La troisième partie relate le procès aux Assises en 2016, vingt six ans après le viol, au cours duquel, au côté de 18 autres victimes de ce violeur en série, Adelaïde Bon affronte son agresseur.
Ce témoignage est très fort et décrit les étapes de la vie d'Adelaïde Bon après son agression, de ses années de survie à sa lente reconstruction puis à sa guérison avec le procès. Ce récit montre que, même si elle s'est confiée tout de suite à des parents, même si une plainte a été déposée, même si elle a eu les moyens financiers de consulter de multiples psychologues, les conséquences ont été dramatiques. Adelaïde Bon dissèque parfaitement les mécanismes du stress post-traumatique, le fonctionnement de la mémoire traumatique, elle parvient à analyser comment cette agression l'a envahie et à comprendre le sens de ses symptômes. Elle montre l’importance de la requalification de l'attouchement sexuel en viol et du rôle essentiel de sa confrontation avec le violeur dans son chemin vers la guérison.
C'est un livre choc qui comporte des passages très durs, voire insoutenables, lorsqu'elle se souvient de son agression et de certaines de ses dérives, lorsqu'elle énumère les témoignages des autres victimes lors du procès. Un livre nécessaire pour les parents, un livre qui aidera certainement les milliers de petites filles et de femmes violées dans le monde. Un livre qui ne se limite pas au drame vécu par l'auteure mais qui pose des questions universelles.
Un témoignage intime et courageux écrit avec une remarquable distance à la troisième personne, avec parfois un "je" qui se glisse, et servi par une magnifique plume qui fait de ce récit un bel objet littéraire.
Les magnifiques mots de Leïla Slimani sur ce livre : "Un
dimanche de mai, Adélaïde a éclaté en morceaux, et les mille pièces du
puzzle se sont dispersées. Pendant des années, elle cherche à remettre
de l’ordre, à comprendre pourquoi elle ne sait pas s’abandonner.
Pourquoi elle est spectatrice de sa vie et si sévère envers elle-même.
Adélaïde est décentrée. Elle n’a pas de bassin, pas de milieu. Des pieds
qui donnent l’illusion qu’elle tient debout. Un visage de fille
gentille qui sourit beaucoup. Mais rien dans le ventre, le vide, le
creux, un hurlement sourd qui voudrait parfois monter dans sa gorge,
mais qu’elle empêche. Adélaïde, c’est « elle » et c’est « je », et cette
alternance de point de vue narratif est déjà une partie de l’histoire.
L’histoire d’une femme qui écrit pour partir à la reconquête
d’elle-même."
L'auteure
Adélaïde Bon est née en 1981, La petite fille sur la banquise est son premier livre. (Source: Éditeur)
21ème participation au challenge rentrée littéraire 2018 organisé par Bea Comete
Ce livre semble tout aussi intéressant et fort que terrifiant...
RépondreSupprimerJe valide tes trois qualificatifs : très intéressant, fort et terrifiant. Un témoignage intime qui a valeur universelle. Il va certainement intégrer les 68...
SupprimerSon passage à la grande librairie était bouleversant. Ton coup de coeur me fait dire que j'aimerais sans doute aussi ce livre, déjà ton billet est très émouvant à lire.
RépondreSupprimerMerci Antigone.
SupprimerC'est en la voyant à la Grande Librairie que j'ai eu envie de la lire et son livre est tout aussi bouleversant que son interview.
Un très bon livre qui explique vraiment les symptômes post traumatiques.
RépondreSupprimerTout à fait, elle nous permet de parfaitement comprendre le phénomène de l'amnésie post-traumatique.
SupprimerSourire, j'avais oublié le mot le plus important: amnésie donc merci de l'avoir ajouté.
SupprimerCordialement.
Chantal.
De rien... Chantal Y? bretonne?
SupprimerNon, sourire, Nordiste.
SupprimerChantal.
Un très beau témoignage que je suis contente d'avoir lue. J'espère que cela pourra faire avancer la justice.
RépondreSupprimerUn livre important qui j'espère fera bouger les choses.
SupprimerJ'admire le courage de l'auteure, il a du lui falloir une sacrée force pour écrire tout ça...
Du courage, oui et aussi nous laisser le message suivant: On peut s'en sortir.
SupprimerChantal