dimanche 15 avril 2018

Celui qui disait non d'Adeline Baldacchino


Date de parution : janvier 2018 chez Fayard
Nombre de pages : 263

" Qu'ont-ils fait de nos vies, Irma, qu'ont-ils fait de notre amour?"

Ce livre fait partie de la sélection des 68 premières fois.

Dans ce roman doté d'une extraordinaire photo sur sa couverture, l'auteure tente de reconstituer l'histoire d'August Landmesser et d'Irma Eckler. Sur cette photo, un nazi reste les bras croisés, sans faire le salut nazi face à Hitler, le 13 juin 1936 lors du baptême d'un trois-mats sur le quai du port d'Hambourg. Cet homme c'est August, un aryen amoureux d'une juive qu'il veut épouser, leur première fille est née en 1935 mais le mariage leur a été interdit. C'est un couple constitué d'un pur et d'une impure...
Si ce récit part d'une histoire vraie, Adeline Baldacchino a romancé l'histoire de ce couple pour ressusciter une histoire d'amour qui est devenue une histoire d'insoumission. "Je sais les dates, les lieux. Je sais le bruit de cymbales du dénouement. Le flot des larmes et les jambes qui flanchent en lisant. Le reste, je le devinerai. Donc, je l'écrirai.... Je veux raconter ce que les choses auraient pu être"

Elle avoue aussi que c'est pour elle le moyen de parler de l'histoire de son père récemment décédé, elle raconte l'histoire d'August  pour "y abriter, en creux, celle d'un autre" " C'est pour parler du mien, de père, que j'ai couru après le leur... Regarde, je commence à confondre ceux que j'interpelle. Est-ce à toi, papa, ou à lui, August, que je dis tu?"

A partir de documents d'époque positionnés en début de chaque chapitre, l'auteure imagine le destin tragique de ce couple et de leurs deux filles nées en 1935 et 1937. August a adhéré au parti nazi cinq ans plus tôt sans réelles convictions politiques, sans prendre conscience de l'idéologie sous-jacente à l'heure où les nazis sont en passe d'inventer le concept de souillure raciale concrétisé dès 1935 avec les lois de Nuremberg "chacun doit rester dans son île. Et surtout n'en j'aimais sortir". Après une fuite ratée au Danemark, August est arrêté pour souillure raciale, pour avoir aimé une juive.. Il n'a pas compris à temps, il n'a pas fui à temps. Inconscient, il n'a pas écouté la peur d'Irma, naïf, il n'a pas voulu croire au pire. 

L'auteure a choisi d'écrire sur les atrocités de la dernière guerre par le biais d'une histoire d'amour entre un aryen et une juive, une façon d'aborder la grande Histoire par l'histoire de gens ordinaires. J'ai aimé cette histoire d'amour et de courage, cet acte d'insoumission et de rébellion révélé par la photo, image reflet d'un courage extraordinaire.
Ce livre hommage à un homme qui a été capable de dire non est un livre fort et dur avec certains passages insoutenables. Le contexte historique est bien retracé avec les premières discriminations, la nuit de cristal jusqu'à la solution finale dans les camps. J'ai aimé l'écriture belle et poétique même si je l'ai parfois trouvée un peu trop lyrique.


Citations
" Les écrivains n'ont qu'une passion : ressusciter les morts en les racontant, retenir les vivants en les répertoriant"

" Le rôle des parents, c'est de devenir des souvenirs heureux pour leurs enfants"

" La racine n'ignore pas grand-chose des fruits : en fait, elle les désire obscurément mais violemment, comme l'étincelle désire le feu, comme l'écrivain désire le livre, comme mon père désirait des petits-enfants."

" Qu'on le mesure bien : tout fichier sème la mort, car la mort commence par un fichier. Ceux du Führer ne manquèrent jamais d'ordre."

" J'écris , sidérée de ne rien savoir faire d'autre."

" Le dernier supplice de la mère consiste à oublier son enfant pour la sauver. S'en aller, ivre de la savoir simplement vivante."

" Même si l'on peut aimer encore sans désaimer jamais, il n'aurait pas assez de temps pour réapprendre l'amour"


L'auteure


Adeline Baldacchino mène une double vie de poète et de magistrat. En plus de nombreux recueils de poésie, elle a notamment publié une biographie primée de l'écrivain, journaliste et résistant Max-Pol Fouchet ainsi qu'un texte d'analyse critique sur l'ENA. (Sources : Éditeur)







28ème participation au challenge rentrée littéraire 2018 organisé par Bea Comete








7ème lecture de la sélection d’automne des 68 premières fois






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