Jour de courage de Brigitte Giraud

Date de parution : août 2019 chez Flammarion
Nombre de pages : 160

"Là où on brûle des livres, on finit par brûler des hommes"

Livio, 17 ans, doit faire un exposé en cours d'histoire sur les premiers autodafés nazis. Il choisit de mettre en lumière Magnus Hirschfeld, un médecin juif allemand mort à Nice en 1935 surnommé "l'Einstein du sexe". Premier médecin à avoir étudié la sexualité humaine sur des bases scientifiques , il voulait démontrer le caractère inné de l'homosexualité. Ce médecin avant-gardiste a créé le premier institut de sexologie en 1919, a défendu les droits des homosexuels et combattu le paragraphe 175 du code pénal allemand qui permettait d'arrêter les homosexuels et de les envoyer en camp de concentration. Il avait réuni dans la bibliothèque de son institut de nombreux ouvrages sur la sexualité, c'est cette bibliothèque qui fera l'objet d'un autodafé le 6 mai 1933, ce sera le premier autodafé de l'histoire du nazisme.

On sait d’emblée, dès les premières pages du roman, que Livio, élève discret et apparemment désinvolte, va disparaître après cet exposé et que les recherches pour le retrouver ont été arrêtées.

Durant l'exposé l'auteure décrit bien le malaise grandissant des élèves qui ricanent ou deviennent agressifs ou se réfugient pour la majorité dans l'indifférence. Ils comprennent peu et peu qu'en fait derrière cet exposé Livio parle de lui dans une sorte de coming-out qui est une vraie torture pour Camille son amie, amoureuse de lui et qui devine aussi la vérité. La professeure, déconcertée, essaye d'éteindre le feu avant de lâcher prise.

" L'homosexualité est la seule minorité

 qui ne trouve pas forcément de réconfort auprès des siens. 

C'est la seule communauté qui se construit 

la plupart du temps hors de sa famille. 

Et parfois contre." 

J'ai trouvé la construction de ce récit très habile, l'auteure mêle deux histoires fortes dans un huis clos assez oppressant, le temps d'un exposé dans une salle de classe. La première partie écrite d'une traite sans chapitres relate cet exposé de Livio debout face à sa classe et nous fait découvrir Magnus Hirschfeld, un médecin dont j'ignorais l'histoire. L'auteure décrit parfaitement la façon qu'a Livio de ne jamais parler directement de lui tout en faisant deviner la vérité à ses camarades et à sa professeure, elle traduit également magistralement bien les réactions de ses camarades de classe nous plongeant littéralement dans leur classe. La deuxième partie très courte retrace les conséquences de ce que Livio a enclenché en se dévoilant ainsi, sa disparition annoncée dès la première page nous permet de nous concentrer sur ce qui l'a amené à disparaître, dans cette partie on voit apparaître les parents de Livio qui ne veulent ou ne peuvent pas comprendre... Ce roman m'a permis de découvrir le parcours passionnant de ce médecin méconnu et très courageux. Courageux comme l'a été Livio ce jour là devant sa classe avec ce coming-out en forme de protestation. Un roman court mais essentiel pour décortiquer la fragilité, la difficulté à trouver sa place d'un jeune adolescent d'aujourd'hui en France dans un monde qui n'a hélas pas suffisamment évolué depuis l'époque de Magnus Hirschfeld. Un sujet très fort traité avec infiniment de subtilité.

L'auteure

Brigitte Giraud est l'auteure de dix romans parmi lesquels "A présent" (mention spéciale du prix Wepler 2001), "L'amour est très surestimé" (Bourse Goncourt de la nouvelle 2007), "Une année étrangère" (Prix Jean Giono 2009) et "Un loup pour l'homme" (Sources : éditeur)